Sonia Cat-Berro sur scène à Paris pour "Toy Balloons" : rencontre
Sourire, humour, intelligence, persévérance, tels sont les premiers mots qui nous viennent à l'esprit pour décrire Sonia Cat-Berro(Nouvelle fenêtre), une artiste aussi attachante que déterminée, qui n’hésite pas à prendre des décisions radicales pour tracer sa route. Nous lui avons rendu visite cet automne, dans l’appartement parisien dans lequel la Loiretaine s’est installée il y a quelques années. Nous avons gardé le contact et lui avons consacré un premier article(Nouvelle fenêtre) en janvier. Pour Culturebox, elle évoque son parcours, son métier de chanteuse et ses choix artistiques.
- Culturebox : Vous avez mené de brillantes études avant de tout abandonner sur un coup de tête pour vous consacrer à la musique. Pouvez-vous nous raconter ce cheminement ?- Sonia Cat-Berro : Au départ, je faisais beaucoup de musique en amateur, mais je ne pensais pas du tout en faire un métier. Au cours de ma scolarité, deux ou trois années de suite, j’ai changé d’orientation au bout d’un mois. J’étais en Terminale C, ça m’a lassée, je ne voulais plus faire de maths et au bout d’un mois, j’ai demandé à aller en A1. Quand j’étais en Prépa Sciences Po, ça m’a lassée aussi, les Lettres modernes m’intéressaient davantage et j’ai demandé à aller en Khâgne moderne. L’année suivante, j’ai quitté la Khâgne au bout de six mois pour terminer à la fac. L’année d’après, c’était la Licence et j’ai tout quitté du jour au lendemain pour la musique ! J’avais 21 ans, je m’ennuyais et je me disais que je n’allais pas attendre la retraite pour faire un truc qui me plairait. J’aime bien les gros changements ! Là, ça fait un moment que je me tiens tranquille… Je me souviens d’avoir rendu copie blanche à mes partiels d’histoire économique... Le professeur était Jacques Marseille. Après avoir arrêté mes études, j’ai travaillé pendant quelques mois pour gagner de l’argent afin de pouvoir m’inscrire au CIM (école de jazz parisienne, ndlr).
- Votre premier disque est sorti en 1999, après la fin de vos études musicales. Chacun de vos disques a été autoproduit…
- Au départ, le premier album était censé être une maquette. Comme il y avait assez de titres, et qu’avec les musiciens, qui étaient des copains, on était content du résultat, c’est devenu un vrai album. On l’a placé dans les rayons «autoproductions» d’un grand magasin de disques. Il a été repéré par un commercial de Night & Day (un grand distributeur qui n’existe plus), qui l’a fait remonter à l’un des labels du groupe, Charlotte Productions. C’est ainsi que nous avons signé chez eux pour le second album, «Keep in Touch», sorti en 2003, qui y a été produit au niveau financier. Puis la directrice Hélène Méchali a arrêté ses activités. Donc il a fallu produire entièrement le troisième disque, «Toy Balloons», qu’on a enregistré en 2008 et sur lequel il y a eu un gros travail de mixage. On a mis du temps à trouver un label. Le contexte culturel est dur en ce moment. De manière miraculeuse, après un an de recherches, on a déniché le label Chant du Monde, distribué par Harmonia Mundi, ce dont je n’aurais même pas rêvé ! Harmonia, c’est mon fantasme de tout temps ! Quand j’y pense, je vois des petites étoiles ! «Toy Balloons» est finalement sorti en 2011... Mais au niveau artistique, j’ai produit les trois disques de A à Z, pochette comprise, donc je sais bien comment ça marche maintenant.
- S’auto-produire complètement, n’est-ce pas une lourde tâche ?
- Il faut être un petit peu organisée ! Moi, j’aime bien faire ça. C’est beaucoup de charge, de stress. Parfois, on se dit : «Mais moi, je ne voulais faire que de la musique !» Mais c’est quand même très agréable d’être absolument libre de sa production. Je n’ai jamais vécu la situation où quelqu’un me donne l’argent et a des desiderata auxquels je dois me plier. Cela veut dire que c’est toujours moi qui dois trouver le financement, ou mettre mon argent dans le projet, mais c’est vrai que je fais exactement comme je veux. Et vu mon caractère, j’aime bien !
- Dans le jazz notamment, le métier de musicien implique de plus en plus un travail qui va bien au-delà de la musique…
- On a mille casquettes ! Un jour, vous passez la journée au piano, vous vous replongez dans votre répertoire, un jour vous passez la journée à chercher des affiches, à modifier votre maquette… Un jour, vous vous arrachez les cheveux pour monter un planning de répétitions avec vos musiciens… Souvent, quand on se retrouve à faire plus de choses non musicales que musicales, on en a un peu marre. On n’avait pas signé pour ça au départ ! De temps en temps, je décrète une grève de l’ordinateur et je m’offre une journée de pur plaisir musical.
- Alors parlons donc de plaisir musical ! Comment se passent la composition et l’écriture de vos morceaux ?
- C’est Gilles Barikosky (le saxophoniste du groupe) qui compose les morceaux. En général, quand il les amène, les arrangements sont presque déjà faits. Il les joue au piano, en faisant un peu de yaourt (quand on chantonne sans paroles précises, ndlr). Déjà, il y a presque des sonorités qui s’imposent, des syllabes, donc des mots. Je me dis que c’est quelque chose de magique… Ces mots, cela donne des phrases, dessine une histoire. J’écris les textes à partir de ce petit canevas. Parfois, il m’arrive aussi de décider d’écrire sur un sujet précis. Mais il y a quand même toujours cette petite accroche au départ. Finalement, la musique dicte des choses qui rejoignent des préoccupations bien réelles, quelque chose que vous aviez à dire, c’est très mystérieux.
- Pourquoi écrivez-vous vos textes en anglais ?
- L’anglais, c’est ma culture. Je suis de culture jazz depuis le biberon, tout en anglais, même si dans ma famille, on écoutait aussi Brassens et Higelin. Cela dit, je connais aussi tous les tubes français des années 80 ! Les années 80, c’est mon côté «musique sentimentale». Mais le jazz en français, c’est autre chose, pour moi, ça fait jazzy, et je n’aime pas... Ou alors, cela tire vers la chanson, je trouve ça très casse-gueule. Aujourd’hui, peu d’artistes savent faire du jazz en français. Ma copine Mélanie Dahan fait ça très bien. Moi, je me sens à l’aise pour faire le lien avec la pop, mais pas avec la chanson française. Depuis 17 ans que je fais ce métier, à tous les concerts, il y a un Monsieur qui vient me dire : «C’était très bien, mais je vais vous donner un conseil, vous devriez chanter en français !» Je sais que c’est aussi un frein au partage. Je ne dis pas que je n’y viendrai jamais, mais ce sera moins mon créneau. Il faut faire swinguer cette langue, écrire en français c’est impossible ! Alors qu’en anglais, par un miracle qui m’échappe à chaque fois, ça le fait !
(Propos recueillis par A.Y.)
Sonia Cat-Berro au Studio de l'Ermitage, à Paris, le 11 mai 2011 (extraits)
Le concert
Studio de l’Ermitage, 20H30
Jeudi 12 avril 2012
8, rue de l’ermitage
Paris 20e (Métro : Jourdain et Ménilmontant)
Tél : 01.44.62.02.86 ou sur site(Nouvelle fenêtre) ou avec tarifs réduits(Nouvelle fenêtre)
Le groupe
Sonia Cat-Berro: chant
Gilles Barikosky: saxophone, compositions
Tony Paeleman : rhodes, effets
Yoni Zelnik: contrebasse
Karl Jannuska: batterie
Gilles Olivesi : mix, éléctronique
Le disque
«Toy Balloons» (Chant du Monde/Harmonia Mundi), album sorti en mars 2011.
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