Musique : l'éternelle jeunesse de l'oeuvre jazz d'Ahmad Jamal à travers les samples dans le hip hop
Le "prophète" s'en est allé. Le pianiste de jazz Ahmad Jamal est mort à l'âge de 92 ans. Musicien prolifique, porté par une carrière de près de 70 ans, Ahmad Jamal traverse à lui seul la moitié de l'histoire du jazz. Souvent à contre-courant des modes et courants musicaux dont le jazz a le secret, celui qui a appris à jouer au piano loin du solfège classique a inspiré des dizaines d'artistes, dont les plus grands jazzmen, Miles Davis en tête, qui ne cachait pas son admiration, chose plutôt rare chez le trompettiste, "Toute mon inspiration vient d'Ahmad Jamal".
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Si les jazzmen se rendent hommage les uns aux autres en réinterprétant des morceaux de musique, devant alors des "standards", le hip-hop pousse l'exercice plus loin, avec les samples, ces fragments de musique, formant des boucles, remodelés. Avec son style aérien particulier, Ahmad Jamal a fait mouche chez les producteurs, et pas qu'une fois : si la légende raconte qu'il est l'un des artistes les plus samplés, on peut toutefois recenser un peu moins de 300 emprunts piochés au fil de l'œuvre de Jamal, selon le site de référence en la matière, WhoSampled.
Certains de ces extraits sont devenus culte pour les mélomanes, comme le très léger sample de I Love Music, sur l'album The Awakening du pianiste, sorti en 1970 : ces quelques notes en fin de morceau, mis en boucle par le producteur Pete Rock, offrent l'un des "classiques" du rappeur new-yorkais Nas, The World is Yours.
Le rappeur américain - fils du musicien de jazz Olu Dara - utilisera d'ailleurs autres extraits de la discographie d'Ahmad Jamal. Et il est loin d'être le seul : De La Soul a emprunté un peu de Swahililand (sur l'album Jamal Plays Jamal de 1974) pour son succès Stakes is High de 1996.
Common et Kanye West utiliseront, de leur côté, Ghetto Child de l'album Jamalca (1974) pour le tube They Say, sorti en 2005.
Le cinéma et des reprises
Défricheur, Ahmad Jamal n'a jamais cessé de se réinventer. Il a par exemple signé le thème principal pour le film M.A.S.H., immense succès au cinéma en 1970 - qui sera ensuite samplé par le rappeur Fabolous, en 2012. D'ailleurs, le natif de Pittsburgh préférait le terme de "musique classique américaine" à celui de jazz. Et le musicien de glisser, dans le New York Times fin 2022 : "J'évolue toujours, chaque fois que je m'assois au piano, j'ai toujours des idées nouvelles".
L'influence de Jamal va bien au-delà des frontières du rap US : la France aussi a su piocher dans sa dextérité. On peut ainsi noter que Sexion d'Assaut a usé du Theme Bahamas (Jamalca) pour le titre Désolé, sorti en 2010.
Et comme pour boucler la boucle, Ahmad Jamal le "samplé" a lui aussi rendu hommage aux autres musiciens, tout au long de sa carrière, avec des reprises de jazz, comme Nature Boy, de Nat King Cole, l'un de ses modèles ou encore Waltz for Debbie de Bill Evans. Ahmad Jamal a aussi fait le choix de rejouer à sa façon certains tubes mondialement connus, comme ce Superstition emprunté à Stevie Wonder.
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