La mort du pianiste de jazz Mulgrew Miller
Né le 13 août 1955 à Greenwood (Mississippi), Mulgrew Miller a fait ses premières armes en jouant du gospel dans son église, ainsi que du blues et du rhythm & blues dans des bals. Plus tard, au lycée, le jeune pianiste a créé son propre trio et s'est produit lors de cocktails. À cette époque, il n'était pas vraiment préoccupé par son style musical, peut-on lire sur le site anglophone de Wikipedia, se contentant simplement d'une musique "approchant le jazz". C'est en regardant le pianiste canadien Oscar Peterson (1925-2007) jouer à la télévision qu'il a décidé de devenir pianiste de jazz. "Une pareille influence ne vous quitte jamais. Plusieurs aspects de son jeu m'ont marqué, à commencer par le toucher", avait-il expliqué au journaliste Bruno Pfeiffer qui lui rend un bel hommage dans son blog. Les pianistes McCoy Tyner et Bud Powell (1924-1966) allaient être les deux autres grandes sources d'inspiration de Mulgrew Miller.
Mulgrew Miller a lancé sa carrière en 1980 aux côtés de la chanteuse Betty Carter (1929-1998). Par la suite, il a également joué deux ans auprès du trompettiste Woody Shaw (1944-1989), puis trois ans au sein des fameux Jazz Messengers du batteur Art Blakey (1919-1990). Entre 1985 et 2010, Miller a enregistré une quinzaine de disques en tant que leader, dont un remarqué "Solo" en 2010 (Socadisc Records), et un nombre incalculable en tant que sideman. Il s'est notamment illustré au sein du Quintette du batteur Tony Wiliams (1945-1997), jusqu'à la mort de ce dernier. Colosse imposant sur scène, Mulgrew Miller était un leader de groupe apprécié et un être humain très estimé, loué pour sa chaleur, sa gentillesse et sa grande modestie. Il aimait faire travailler de jeunes musiciens afin de les aider à lancer leur carrière. Depuis 2005, il dirigeait la section jazz de l'université William Patterson, dans le New Jersey.Pierrick Pédron lui rend hommage
En 2007, Mulgrew Miller a participé à l'enregistrement du troisième album du saxophoniste Pierrick Pédron, "Deep in a dream". Le musicien français, qui en gardait une grande fierté, nous a fait part de sa tristesse : "Mulgrew, c'est un peu l'éventail de tout ce qu'on peut trouver de bien chez tous les grands pianistes de jazz. Il possédait toutes les grandes qualités de tous les grands jazzmen. Je suis un peu ému, c'est très difficile de parler des gens qui viennent de nous quitter. Mulgrew avait un style très personnel, on le reconnaissait dès la première note. J'étais très marqué par sa musicalité et son engagement dans cette musique. Après avoir enregistré un album avec lui, j'avais eu l'occasion de faire douze à quinze dates à ses côtés, en 2007. En tant qu'être humain, il était extraordinaire, d'une douceur incomparable, très disponible, gentil, bon comme le pain."
> Voici un soundcloud d'un duo de Pierrick Pédron (saxophone alto) et Mulgrew Miller (piano) dans "It never entered my mind" (Richard Rodgers), extrait de l'album "Deep in a dream" de Pierrick Pédron (Plus Loin Music, 2007)
Un premier accident vasculaire en 2011
En 2011, Mulgrew avait souffert d'un premier accident vasculaire cérébral, mais il s'en était remis. L'été dernier, lors du Nice Jazz Festival, le pianiste s'était produit au sein du "Golden Striker Trio" du contrebassiste Ron Carter.
Parmi les autres réactions...
- Laurent de Wilde, pianiste de jazz et ancien élève de Mulgrew Miller, que nous n'avons pu joindre pour cause de concert parisien, a écrit un sobre mais émouvant "adieu" sur Facebook : "So long Mulgrew... We love you." Dans un article et une interview publiés en 2010 sur son site, il disait de son prestigieux aîné (de quelques petites années) : "J'ai pris des cours avec lui, je l'ai suivi en studio, en club, au café et je ne l'ai jamais vu se départir de sa bonne humeur discrète et de son profond respect pour la musique et les musiciens (...) Pour moi Mulgrew est l'expression même de la tradition et s'il fallait jouer à ce jeu qui consiste à placer les musiciens sur un arbre généalogique, je le placerais tout près du tronc, là où la sève du jazz circule en abondance, au plus proche de sa source."
- Laurent Coq, pianiste de jazz, a rendu hommage à Mulgrew Miller sur Facebook, dont il a loué "le son, pour commencer. Le swing et le time aussi, évidemment. Le phrasé d'une grande élégance et inventivité, sans jamais céder aux facilités qu'on entend ailleurs, mais toujours l'expression d'un chant intérieur sûr et noble. La culture, et l'expérience bien sûr, acquises aux côtés des plus grands pendant des années. Et enfin la grande humilité et disponibilité face à l'immense héritage qu'il faut honorer tout en cultivant une voix singulière. C'est ce qui fait tout le défi de cette musique, et qui explique pourquoi il y a si peu d'élus qui atteignent cette stature (...) Mulgrew Miller s'en va et nous laisse orphelins, mais il part bien trop tôt. Pas comme Hank Jones (dont il était l'héritier naturel) et qui nous a quittés récemment à l'âge de 92 ans après plus de soixante dix ans de carrière. Mulgrew Miller avait encore tant de concerts à donner, de disques à enregistrer et des choses magnifiques à jouer et à partager..."
- Marcus Miller, bassiste américain, a salué la mémoire de Mulgrew Miller, également sur sa page Facebook : "On n'avait pas de lien de parenté, mais quand on se voyait, c'était tout comme... Si attendrissant... 57 ans... Cela paraît trop tôt pour partir. Repose en paix, mon frère."
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