La Fabrica'son, collectif de jazzmen, fait son festival
La Fabrica'son a été créée en l'an 2000 à Malakoff, en banlieue sud de Paris. Seize ans plus tard, l'association de musiciens et d'amateurs de jazz s'est transformée en collectif de passionnés qui a diversifié ses activités avec un festival, un label et différentes actions culturelles. Aujourd'hui, ce collectif se compose de six membres - cinq musiciens et un enseignant - et emploie une salariée. Quant au Festiva'son, il existe grâce à la participation de trente bénévoles.
Outre les artistes de jazz à l'affiche de l'édition 2016, la programmation du festival a invité des musiciens amateurs : des élèves de l'école Musiques Tangentes de Malakoff, ainsi que l'Orchestra'son (samedi 7 mai), un orchestre d'élèves de classes de jazz de trois conservatoires des Hauts-de-Seine placé sous la direction du guitariste Pierre Perchaud, également à l'affiche avec son trio Fox (dimanche 8 mai).
Le pianiste et compositeur Sébastien Paindestre, leader d'un trio de jazz, du quartet Amnesiac dédié à la musique de Radiohead et d'un groupe franco-américain, Atlantico, est l'un des grands animateurs de la Fabrica'son.
- Culturebox : Comment est née la Fabrica'son ?
- Sébastien Paindestre : Tout est parti d'un constat. Avec le contrebassiste Jean-Claude Oleksiak, avec qui je joue en trio, on s'est dit qu'il manquait des lieux, notamment dans les Hauts-de-Seine, pour accueillir des musiciens de jazz, afin que ces derniers puissent jouer leurs projets. C'est toujours le cas aujourd'hui, c'est même pire. Jean-Claude avait une grande pièce, un garage de 50 m2 à Malakoff, qu'il a mis à la disposition de ce projet. Par ailleurs, on avait créé un premier festival en Mayenne, la Mare au Jazz, qui s'est arrêté. Toute l'énergie du collectif d'amis mobilisé autour du festival s'est alors greffée sur le club de jazz que Jean-Claude Oleksiak avait créé, et qui a été appelé la Fabrica'son.
- Comment ce projet s'est-il développé ?
- Au départ, on organisait des concerts tous les mois et on réalisait un journal dans lequel on interviewait un musicien invité. Le collectif s'est développé au fur et à mesure. En 2010, on a embauché une salariée. Puis on a perdu le lieu car le local a été vendu et Jean-Claude expulsé. Nous avons alors été accueillis par une scène nationale, le Théâtre 71 de Malakoff. Au bout de trois ans, sans raison, parce que ça marchait très bien, on nous a demandé de partir. Depuis cette année, on se retrouve sans salle fixe. Du coup, on fait des concerts à Bagneux, Malakoff et Châtillon. Entre-temps, l'association a continué son activité. On s'est diversifié, on fait des actions culturelles auprès du jeune public et des interventions dans des prisons. C'est beaucoup de travail, mais pour moi, c'est une réelle satisfaction. Aujourd'hui, on est six au sein du collectif, dont un enseignant qui préside l'association et qui est aussi militant. La Fabrica'son a une dimension militante, sociale.
- Et entre-temps, vous avez lancé un festival, le Festiva'son, qui existe toujours malgré vos problèmes de salle...
- Le festival est une autre émanation de l'association Fabrica'son, la maison-mère. Il se déroule à la Salle des Fêtes de Malakoff, rue Jean-Jaurès. Nous nous sommes trouvé des partenaires, la mairie nous aide depuis des années et nous bénéficions du renfort de bénévoles. Le festival en est aujourd'hui à sa douzième édition. Notre volonté, le but de l’association, c’est avant tout de sensibiliser le public au jazz. Ça figure dans les statuts de l’association et ça ne bougera jamais. Le festival contribue à cet objectif. Depuis seize ans, près de trois cents musiciens ont joué à la Fabrica'son. Certains n'étaient alors pas du tout connus comme David El Malek, d'autres commençaient à le devenir comme Yaron Herman. François Théberge a fait le tout premier concert. Jeanne Added venait régulièrement, c'est plus difficile de l'avoir aujourd'hui !
- Comment se passe le festival ?
- C'est vraiment un festival à dimension humaine. En général, les musiciens l'apprécient. C'est nous qui leur faisons à manger, ils arrivent, ils sont un peu comme à la maison ! On fait un gros effort sur l'accueil, sur les conditions, même sur les salaires, afin que les musiciens se sentent valorisés. Pour eux, c'est un plus d'être accueillis par d'autres musiciens qui organisent l'événement. C'est différent, on se comprend plus vite. Par ailleurs, il y a une brocante jazz, il y a un vrai échange entre le public et les musiciens. Il y a un esprit tel qu'on pourrait en trouver dans un festival de campagne, mais ça se passe aux portes de Paris.
- L'association a également lancé un label...
- C’est un autre moyen de diversifier nos actions. Le label a été créé il y a deux ans. Lui aussi, il a pour objectif d'aider à diffuser le jazz au plus grand nombre. Il se trouve que la plupart des musiciens s’autoproduisent, de nos jours. Jean-Claude Oleksiak et moi avions pas mal d’expérience en matière d’autoproduction de disques et de distribution. On s’est dit que ce serait bien de fonder notre label, sachant que la Fabrica’son avait acquis une image de qualité auprès des musiciens et du public. En 2014, Jean-Claude a sorti son premier disque, "À ciel ouvert", en quartet avec Émile Parisien, Pierre Perchaud et Antoine Paganotti. Il y a eu ensuite l’album du chanteur Pierre de Trégomain, "Shelter", puis, au mois de janvier, le disque "En rouge" que j’ai enregistré à New York avec la formation Atlantico qui intègre des musiciens américains. En juin, on sortira un quatrième opus, mon nouvel album, "Paris". Même si c'est un tout petit label, il commence à être reconnu. On reçoit désormais de l'aide du Fonds de création musicale et de toutes les institutions qui nous permettent de produire les disques dans de meilleures conditions que si on était seuls dans notre coin. L'union fait la force.
- Et avoir son label, c'est aussi un gage d'indépendance...
- Complètement. On a un petit distributeur qui nous laisse faire ce que l'on veut. J'avais tenté de négocier avec pas mal de labels et de distributeurs, mais ça n'a jamais abouti parce qu'il y avait toujours des conditions qui ne nous convenaient pas, comme des contraintes de timing que l'on n'aurait pas pu respecter, par exemple.
- Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
- Elles sont essentiellement liées à la distribution des disques. C'est très difficile d'avoir un bon distributeur. Comme je l'ai dit, le nôtre est petit. C'est dans ce domaine que nous sommes confrontés à nos limites. Seuls les labels assez importants peuvent bénéficier de distributeurs qui ont les épaules pour diffuser les disques de manière plus large. Je m'en sors parce que j'ai des contacts. On y arrive quand même et on parvient à valoriser notre image, notre travail et nos projets. Pour l'instant, le label n'est ouvert qu'au collectif, mais on espère bien l'ouvrir à d'autres artistes qu'on a mis en avant au fil des ans. Concernant l'association en elle-même, j'ai vraiment l'impression de répondre à une mission. Avec le désengagement de l'État, ça devient nécessaire. Avant, on recevait des aides, mais elles s'amenuisent. Cette année, le conseil général nous a retiré 8500 euros. On ne sait pas si on pourra garder notre salariée l'an prochain. Avec la Fabrica'son, pour moi, les enjeux vont au-delà d'une carrière personnelle.
Festiva'son (4-8 mai 2016)
Salle des Fêtes Jean-Jaurès
11, avenue Jules-Ferry
92240 Malakoff
Renseignements : 01 55 48 06 36
> Programme du Festiva'son 2016
> Programmation détaillée
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.