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L'"Interlude" jazz de Jamie Cullum

Au mois d'octobre, Jamie Cullum a sorti son 7e album studio, "Interlude", dans lequel il revisite les œuvres d'autres artistes, majoritairement des morceaux de jazz. Un répertoire vintage, des conditions d'enregistrement à l'ancienne, mais deux invités bien d'aujourd'hui : les chanteurs Gregory Porter et Laura Mvula. Rencontre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Jamie Cullum sur scène au festival Jazz à Juan, le 13 juillet 2014 à Juan-les-Pins
 (Music Pics / Rex / Sipa)

Un an et demi après "Momentum", Jamie Cullum, 35 ans, chanteur, pianiste, auteur-compositeur et bête de scène, revient avec l'album "Interlude" dans lequel il propose sa lecture de dix morceaux issus des répertoire jazz et blues, plus deux autres plus pop, signés Randy Newman et Sufjan Stevens.

Le disque a vu le jour quelque temps après une émission du "Jamie Cullum Show", programme hebdomadaire qu'il anime - avec grand succès - sur BBC Radio 2 (rediffusé sur TSF Jazz). Il y a rencontré Ben Lamdin, alias Nostalgia 77, un producteur qu'il admirait, fan de jazz, et qui a monté un studio analogique à Londres. C'est là que l'album a été enregistré quelques semaines plus tard dans les conditions du live, en une ou deux prises pour chaque chanson. Jamie Cullum et Ben Lamdin ont choisi les chansons ensemble.

- Culturebox : Vous animez depuis 4 ans un programme de jazz sur BBC Radio 2. Est-ce que cela a constitué une source d'inspiration prépondérante pour l'album "Interlude" ?
- Jamie Cullum : Oui, à 100%.  C’est quelque chose que j’ai ressenti en faisant l’émission. Au moment de finir l’album "Momentum", j’ai ressenti l’envie d’enregistrer du jazz, de me régénérer dans un contexte de jazz, de collaborer avec des gens, de sortir de l’écriture des chansons qui est une activité solitaire. J’ai rencontré le producteur et le groupe au travers du show radio. Nous avons réservé son studio pour trois jours. Ça a été un vrai plaisir, nous n’avions pas de plan précis, ni même de finalité à ces sessions, nous voulions juste faire de la musique ensemble.

- Pouvez-vous nous parler de Ben Lamdin, alias Nostalgia 77 ?
- Quand je l’ai rencontré pour l'émission, j’étais déjà fan de son groupe depuis huit ans. Je pouvais entendre dans leur son, puis en discutant avec Ben, que nous avions grandi de manière similaire. Ben a grandi en aimant le hip-hop, la drum and bass, l’électro. Il a découvert le jazz par la suite, sur le tard, comme moi.
- De fait, votre disque a des sources d'inspiration diverses...
- C’est très naturel pour moi de faire des disques comme ça. Je suis ce qu’on pourrait appeler un music nerd, j’ai pas mal d’histoire de la musique dans la tête et je ressens que le jazz est un moyen fantastique d’exprimer son amour pour plein de genres différents. Mais je considère vraiment ce disque comme un disque de jazz, même s’il y a toutes sortes de couleurs. Je pense aussi à la façon dont il a été enregistré, façon live, sans overdubs (ajouts de sons), en une ou deux prises, tous les musiciens ayant joué ensemble, dans la même pièce.

- Comment définiriez-vous le jazz aujourd'hui ?
- Je pense que c’est la combinaison de l’expertise, de la liberté, pour faire quelque chose dans le moment, créer dans l’instant… Beaucoup d’éducation, d’études, d’application, de maîtrise d’une technique extraordinaire, et ensuite, être aussi libre que si vous étiez drogué, ou en train de remporter un marathon, ou juste un esprit libre... Et alors, utiliser de l’huile et de l’eau pour créer quelque chose de frais dans le moment. L’improvisation.
- C’est aussi lors du "Jamie Cullum Show" que vous avez rencontré Gregory Porter et Laura Mvula. Dans la vidéo de présentation de l'album, vous vous exprimez avec modestie, laissant entendre que vous avez travaillé avec des gens "meilleurs que vous"...
- Pendant tout le travail sur "Interlude", je me suis senti entouré par des musiciens supérieurs. On devrait toujours s’entourer de gens que l’on considère comme étant de même niveau, ou d’un niveau au-dessus. Quand vous arrivez à un point où vous êtes un peu plus âgé, vous comprenez qu’il ne s’agit pas d’être meilleur que quiconque, mais qu’il s’agit tout simplement de se sentir stimulé, mis au défi face au talent de quelqu’un.

Comment Gregory Porter et Laura Mvula ont-ils réagi quand vous les avez invités à chanter respectivement sur "Don't let me be misunderstood" et "Good morning heartache" ?
- Ils étaient ravis. Au départ, Gregory était un peu confus car il ne savait pas trop comment deux gars pourraient interpréter la chanson en duo. Je lui ai dit : "Imagine que nous nous battons et que chacun lance ses répliques !" Il a répondu : "Ah, cool !"
- L'album s'appelle "Interlude". Stricte allusion au titre d’ouverture - une version peu connue du standard "A Night in Tunisia" - ou message plus précis sur ce projet ?
- En effet, on a repris ce morceau parce que si tout le monde connaît "A Night in Tunisia", peu de gens connaissent cette vieille version vocale de Sarah Vaughan. Et je sentais aussi que c’était un titre formidable pour souligner que l'album constituait, d’une certaine façon, une déviation du chemin que je suivais jusque-là. Il pourrait y avoir quelques "interludes" à côté des albums dans lesquels j'écris, enregistre et produis mes chansons, et qui dressent plus de passerelles avec la pop. Ces interludes me permettent aussi de travailler vraiment en tant qu'interprète et de penser en particulier à ma voix, car je ne me suis pas focalisé sur ma voix depuis longtemps.

- Avez-vous des souvenirs particuliers des sessions d’enregistrement ?
- Comme c’était très différent de toutes les séances que j’avais pu faire auparavant, je me souviens du feeling de cette session. Quand vous êtes en studio, vous avez des écouteurs et vous vous trouvez dans un petit box avec du verre autour de vous. Vous ne savez pas si vous avez fait une bonne prise, vous devez juste faire confiance à quelqu’un qui contrôle et écoute tout à votre place. Pour ce disque, on a enregistré des choses et je savais que c’était bon. Pas de casque. C’était comme jouer à un concert. Je me souviens de la chanson "Make someone happy". Nous l’avons répétée. Puis je suis allé en régie et j’ai dit à Ben : "Ok, on est prêt à enregistrer." Et il a dit : "Vous venez de le faire. J’ai enregistré votre répétition." Donc nous avons chanté et joué ce morceau une seule fois. C’est un bon souvenir.
- Une question sur votre émission radio qui remporte un franc succès depuis quatre ans. Vous attendiez-vous à un tel accueil ?
- Non ! Et je ne m’attendais pas au succès de ma carrière musicale ! Concernant l'émission, je ne m’y attendais particulièrement pas. Je savais que ce serait amusant et je suppose qu’une de mes forces consiste à savoir communiquer sur ce qui me passionne.

- Une autre question sur votre folle énergie sur scène, à vos bonds sur le piano, par exemple... Que ressentez-vous dans ces moments ? 
- C’est difficile à exprimer. C'est le moment dans ma vie où je ressens que l’instant présent est ce qui compte le plus. Je ne pense plus à ce qui s’est passé avant ou à ce qui va advenir ensuite, je ne pense à rien d'autre. Il y a des gens qui ont recours à la méditation pour ça, d’autres à la prière ou je ne sais quoi. Pour moi, c’est le moment où il n’y a rien avant, ni après.

Faites-vous du sport pour entretenir votre condition physique ?
- Non. Je devrais, probablement !

Avez-vous déjà d’autres projets discographiques en tête ?
- Oui ! J’ai déjà enregistré quelques chansons du prochain disque qui ressemblera peut-être un peu plus à "Mementum". J’écris toutes les chansons. Je vais probablement enregistrer le prochain album entre janvier et le printemps. Et nous ferons un autre "interlude", probablement vers Noël 2015.

Y aura-t-il aussi des invités ?
- Non, pas encore… Si, Beyoncé ! J’adorerais l’entendre chanter du jazz ! C’est improbable, mais ça serait merveilleux, qui sait !

(Propos recueillis par A.Y.)

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