Jazz à Vienne: le voyage de Seu Jorge en hommage à David Bowie
Le décor sur la scène principale a dû paraître énigmatique aux non-initiés. Une simple chaise en bois avec, au sol, quelques lumières blêmes. Tout près, une malle. Le premier véritable indice sur ce qui allait se passer résidait dans la présence d’un gouvernail en bois. Et puis Seu Jorge est sorti de l’obscurité avec un bonnet rouge et un uniforme bleu. Il s'est approché doucement de sa chaise, une guitare sèche à la main. Ses longs doigts ont effleuré les premières cordes et le début du voyage a commencé.
Une carrière sur grands écrans
Seu Jorge possède une double casquette, voire un double bonnet: il est à la fois chanteur et acteur. Le grand public l’a découvert en 2004 sur le grand écran aux côtés de Bill Murray dans le film "La Vie Aquatique", une comédie dramatique de Wes Anderson inspirée du commandant Jacques-Yves Cousteau. Dans le film, le Portugais incarne Pelé Dos Santos (du nom de la star brésilienne de football et de son club brésilien) et il chante plusieurs chansons en hommage à David Bowie.C’était un jour off, j’étais au Brésil, chez moi à Rio quand le téléphone sonne. Mais je ne voulais pas répondre. Après avoir bataillé avec ma femme, je décroche finalement et c’était Wes Anderson. Il était déjà en train de crier. Il me demande finalement si je connais David Bowie, mais à part « Let’s Dance » et « This is not America », je ne connais rien. On n’écoute pas de rock au Brésil.
Seu Jorge lors de son concertUn concert transformé en voyage
Pour sa première chanson, le marin choisit de jouer avec une guitare sèche et des micros d'ambiances (d'usage, les instruments sont directement branchés aux amplificateurs), et il entonne les premières notes de "Ziggy Stardust". Sa voix, comme un cri du coeur, sublime la partition. Le public n’en revient pas et semble immédiatement conquis. Puis vient le morceau "Changes". Très difficilement reconnaissable pour les amateurs de David Bowie, Seu Jorge l’a allègrement retravaillé.
C’est la première chanson que j’ai écoutée après que Wes Anderson m’ait appelé. Je n’ai pas du tout aimé. Il y avait trop d’arrangements alors j’ai tout retiré.
Seu Jorge lors de son concert
La version chantée par Seu Jorge est très intimiste. Presque chuchotée. Le théâtre antique se met à chavirer autour du chanteur.
Dans cette ambiance chaleureuse, Seu Jorge se mue en conteur d’histoires. Par sa voix ronde, il envoûte le public. L’apogée de cette communion arrive avec son quatrième morceau, "Rebel Rebel". David Bowie le chantait de façon "punchy", Seu Jorge l’adoucit et rend le message de cette chanson encore plus fort. A l'origine, c’était un chant de protestation mais aussi d’ouverture et de tolérance sur le troisième sexe. Seu Jorge lui, transcende les paroles.
De "Suffragette City" à "Quicksand" (la chanson "qu’adore" Seu Jorge), les ballades s’enchainent mais l’univers reste le même. Le théâtre de Vienne perd tous ses repères et se laisse bercer au rythme des paroles du capitaine du navire. Des paroles comme des vagues sur lesquelles on se laisse porter, guidé par un navigateur en qui on a toute confiance. Même si les chansons sont connues par la majeure partie du public, l’interprétation inédite du brésilien crée un tonnerre d’applaudissements à chaque fin de morceau. Lui-même ne peut se retenir de remercier les spectateurs de cet accueil si spontané.
Mais le meilleur remerciement qu’il peut offrir, c’est de reprendre une seconde fois en fin de concert "Rebel Rebel". Là encore, le public reprend en cœur les paroles. Certains se risquent même au portugais ou à ce qui y ressemble. Le commandant descend finalement de sa chaise, salue une dernière fois le public, avant de regagner le quai et de repartir.
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