Cet article date de plus de cinq ans.

Jazz à Vienne : Ibrahim Maalouf et Angélique Kidjo réunis autour d'une lumineuse reine de Saba

Directement inspiré de la rencontre mythique entre la Reine de Saba et le Roi Salomon," Queen of Shaba" a été présenté en avant première à Jazz à Vienne. Cette création avec l'orchestre des Pays de Savoie sera encore jouée deux fois cet été, avec les musiciens d'orchestres classiques différents, au Festival de Jazz d'Antibes le 15 juillet, puis le 20 au North Sea de Rotterdam.
Article rédigé par Olivier Flandin
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
  (Arthur Viguier)

C'est sous un soleil de plomb que le public de Vienne a répondu massivement présent à ce nouveaux rendez-vous du très créatif Ibrahim Maalouf qui adore visiblement présenter ses avant premières dans le cadre chaleureux du théâtre antique. Après sa rencontre ici même avec Natacha Atlas en 2015 puis son hommage à Oum Kalthoum en 2016, cette commande du festival célèbre cette fois-ci la reine de Saba, dont la figure et le royaume (sur les terres des actuels Yémen, Ethiopie et Erythrée) sont évoqués dans les trois grandes religions monothéistes.
 

Ibrahim et la reine Kidjo

 

Mais c'est une autre reine qu' Ibrahim Maalouf tient d'abord à présenter, après une arrivée virevoltante sur scène, alors que les 80 musiciens de l'Orchestre des Pays de Savoie  s'installent sagement ."La voix d'Angélique Kidjo a bercé mon enfance avec ses mélanges". C'est drapée d'un long voile transparent sur une robe africaine aux couleurs chatoyantes que la diva du Bénin, sérieuse et très concentrée, lance son premier chant presque à cappella. Très rapidement ce premier morceau et cette voix magnifique donnent le ton de la soirée et sonne quasiment comme un générique avec toutes les influences africaines, jazz, pop, funk et symphoniques qui se mélangent très habilement dans une belle énergie communicative.

  (Arthur Viguier)

Très à l'aise dans le rôle du compositeur-chef d'orchestre à la baguette et aux pas de danses très agiles, Ibrahim Maalouf passe d'un côté de la scène à l'autre, toujours très enthousiaste, alors qu'Angélique Kidjo reste très concentrée sur ses paroles. Le projet est ambitieux. La chanteuse a écrit les textes des septs morceaux qui racontent chacun une énigme que la reine de Saba a posé au roi Salomon pour tester sa légendaire sagesse. De cette aventure naîtra Ménélik 1er, le premier empereur d'Ethiopie.
 


 

Des énigmes et un album bientôt

PREMIERE énigme

Sept s'interrompent, neuf commencent. Deux offrent à boire, mais un seul à bu. Réponse : la fécondité de la femme (sept jours), neuf mois de grossesse et deux seins qui allaitent un bébé....

Le public est invité à découvrir les différentes énigmes et leurs réponses dans un dépliant distribué avant le concert mais on regrettera que chaque thème ne soit pas  présenté sur scène. Cette belle idée de conte méritait d'être véritablement contée. On se consolera avec l'album dont la sortie prochaine vient d'être annoncée et qui proposera probablement une lecture plus complète de cette riche histoire.

 

Mais l'émotion se dégage tout de même des mots d’Angélique Kidjo en Fongbe (langue utilisée au Bénin), ce qui vaudra un petit échange savoureux avec Ibrahim Maalouf et sa prononciation hasardeuse des titres. Les doux arpèges africains à la guitare succèdent aux envolées de violons et aux imposantes percussions de Magatte Fall (qui travaille depuis plusieurs années avec la chanteuse). 

  (Arthur Viguier)

On regrettera par moment la difficulté de profiter pleinement du son des instruments classiques de l'orchestre, noyés sous les décibels des percussions et des instruments électriques, mais on retiendra tout de même la subtile homogénéité de l'ensemble, alors que le spectacle a été répété qu’une seule journée avec l’orchestre au complet.
 

Ibrahim Maalouf, comme à son habitude, semble prendre un grand plaisir a jouer le maître de cérémonie ambianceur, posant ses baguettes de chef d’orchestre pour prendre sa trompette le temps de quelques magnétiques solos qui font mouche à chaque fois. Frissons. Mais le répertoire de sept chansons est un peu court et la dernière partie du spectacle connaît quelques longueurs d’improvisations. Elles auront  toutefois le mérite de conclure cette soirée dans un bel esprit festif, avec des musiciens classiques un peu désoeuvrés au centre de la scène.
 


 

Le souffle d'Ambrose Akinmusire

 

Un peu plus tôt, c'est un autre trompettiste qui a lancé la soirée. Comme Ibrahim Maalouf, Ambrose Akinmusire a l'art de tirer des sons très personnels de son instrument. Mais sans l'aide de magiques quarts de tons orientaux. C’est uniquement par son souffle et sa capacité à passer des basses profondes aux aigus cristallins que ce jeune musicien californien affirme son style. Sa musique, présentée ici en quartet est à la fois très ancrée dans les racines du jazz et très aérienne, moderne, ethnique, répétitive, hypnotique. Les inspirations (trop?) free du pianiste Sam Harris laissent nombre de spectateurs très dubitatifs et ils sont un peu trop nombreux à se mettre à bavarder bruyamment, à en devenir gênant pour les autres, ceux qui, heureusement très nombreux, se sont laissés embarquer avec délice dans cette réjouissante ambiance de pur jazz.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.