Jazz à La Villette : Cascadeur, ses invités de marque et son humour
Cascadeur (Alexandre Longo de son vrai nom), le chanteur casqué et vêtu d'une combinaison de motard, était invité à présenter une création à la Cité de la Musique. Il a rempli son contrat avec brio, proposant un spectacle de plus de deux heures, un effectif imposant (jusqu'à neuf musiciens sur scène à certains moments), une scénographie ultra soignée, des chansons pop accrocheuses... et un humour dévastateur.
Un décor de château hanté
Cascadeur a parfaitement soigné sa scénographie. Au-dessus de la scène, sont suspendus quatre gros abat-jour, sur lesquels ont été accrochés de longs draps blancs qui font penser à des fantômes.
Alors que les lumières de la salle s'éteignent, une voix préenregistrée, comme captée d'une radio anglaise, résonne. Une lampe torche balaye la scène plongée dans le noir complet. Captivé, le public reste silencieux. Combinaison gris clair, casque blanc éclairé par une étoile rouge lumineuse au niveau du front, Cascadeur s'installe au piano situé à la gauche de la scène. "I'm a speaker of your silence", chante-t-il bientôt ("Meaning", extrait du premier album), juste accompagné du clavier et d'effets sonores.
Le public n'a pas le temps d'applaudir que soudain, les musiciens font lentement leur apparition, lampe torche à la main, venant de la salle. Ils portent un masque argenté de catcheur et la même combinaison que le chanteur, le nom "Cascadeur" inscrit en capitales d'imprimerie rouges sur leur dos, évoquant une écurie auto ou moto. Ils s'installent sur scène. Le public, happé par cette mise en scène captivante, n'a toujours pas applaudi. Ce sera chose faite après le deuxième morceau.
Quatre invités à visage découvert
Bientôt, Médéric Collignon arrive, ainsi que le claviériste Paul Brousseau au Fender Rhodes. Leur combinaison "Cascadeur" est noire et ils ne portent pas de masque, tout comme Christine Ott aux ondes Martenot et le quatrième invité de la soirée, le percutant DJ Pfel (membre de C2C). À la fin du show, les musiciens de Cascadeur retireront leurs masques pour les présentations, mais pas le chanteur-pianiste : "J'ai une vie privée !"
Médéric Collignon, installé au milieu de la scène avec son dispositif d'effets, participe à la majeure partie des chansons de son hôte casqué. Égal à lui-même, avec son déhanchement musclé, il alterne parties de solo et accompagnements ("backings") au cornet ou avec ses inimitables acrobaties vocales, n'hésitant pas à recourir au beatboxing.
Des espaces pour l'improvisation
Jazz à La Villette oblige, les arrangements des chansons laissent en effet de larges espaces à l'improvisation, sans dénaturer le répertoire de Cascadeur. Et ce répertoire ? Ici une intro de batterie façon rock héroïque, là des arpèges de pop symphonique, de belles ballades mélancoliques, des atmosphères fantastiques savamment instillées par les ondes Martenot de Christine Ott et le thérémine de Séraphin Palméri. Rappelons au passage que Cascadeur, amateur de jazz, a consacré une chanson à Billie Holiday, "Lady Day".
Le chanteur-pianiste s'est bâti un corpus musical dense et cohérent qui évoque souvent les années 60 et 70. Comme on ne voit pas son visage, on se dit qu'il n'a pas d'âge. Il ne doit pas être bien vieux. Sa voix aiguë sans visage ouvre la voie aux conjectures. Le timbre, les inflexions, la sensibilité évoquent différents chanteurs. On pense bien sûr à Christophe qu'il a invité sur son dernier album. Lors du concert, quand Cascadeur part dans des envolées fiévreuses et tourmentées, d'autres artistes viennent à l'esprit, les chanteurs d'Alphaville ou des Dexys Midnight Runners, Michel Polnareff, Art Mengo, Rover, ou encore Jeff Buckley pour certains vibratos dans les aigus...
Il laisse pourtant entendre qu'il n'est pas dans une forme optimale. "Je veux remercier un invité invisible qui m'accompagne depuis quelques jours. Monsieur Rhinopharyngite. Si quelqu'un veut récupérer un mouchoir, s'il y a un fétichiste dans la salle..." Il posera plus tard un mouchoir usagé au bord de la scène, au cas où... Et l'artiste d'enchaîner sur le très pop "Ghost Surfer" avec Médéric Collignon aux choeurs haut perchés.
Un flegme hilarant
Outre la musique et le prestigieux casting sur scène, ce dont on se souviendra avec délice à la fin du concert de Cascadeur, c'est de son humour. Quel aplomb de la part d'un artiste si timide qu'il se camoufle derrière un accoutrement inspiré d'une figurine de son enfance ! Le chanteur-pianiste aura ponctué tout le concert d'intermèdes désopilants. Il aura aussi glissé des références que tout le monde n'aura pas forcément captées (surtout cette allusion à Lee Strasberg, patron de l'Actors Studio, en plaisantant lui-même à propos de son "aisance" dans le bavardage).
Pour lui laisser le dernier mot, un seul exemple de commentaire asséné avec un flegme désarmant : "Nous allons jouer un morceau de mon premier album (pause). Je compte une discographie de deux albums (hilarité générale). Ah, ce n'est pas comme certains jazzmen... 'Tu te rappelles, le Bill Evans 1957 ?' Je salue Bill Evans que j'ai beaucoup écouté. Ça m'a beaucoup inhibé. Trop. Ensuite, j'ai fait du reggae."
L'effectif du concert du 10 septembre 2014
Cascadeur : chant, piano
Vincent Mougel : guitare et choeurs
Charlie Davot : batterie
Séraphin Palméri : thérémine
David Bartholomé : basse
Invités
Médéric Collignon : cornet, voix
Paul Brousseau : Fender Rhodes
Christine Ott : ondes Martenot
DJ Pfel : platines
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