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"J'ai trouvé une nouvelle voie" : inspirée par la poésie, Norah Jones émouvante dans son nouvel album, "Pick Me Up Off the Floor"

Dans un entretien accordé à Franceinfo Culture, la chanteuse américaine évoque son confinement et nous présente son dernier album, fruit d'une nouvelle façon de faire de la musique et d'écrire des chansons.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
La chanteuse américaine Norah Jones. (Clay Patrick Mcbride)

En théorie, elle ne pensait plus faire d'album, ayant adopté une nouvelle façon de travailler : sortir des singles enregistrés lors de sessions studio ponctuelles avec différents invités, parmi lesquels Mavis Staples et Rodrigo Amarante. Finalement, Norah Jones a changé d'avis. Avec certaines chansons mises de côté au fil de ses sessions, l'artiste américaine a réuni le corpus d'un nouveau disque. Pick Me Up Off The Floor, qui devait sortir initialement le 8 mai 2020 sur le prestigieux label Blue Note, a été lancé le 12 juin, bousculé par la pandémie de coronavirus. Son précédent album Begin Again (2019) était déjà une compilation de singles.

Résultat de différentes sessions studio, Pick Me Up Off The Floor affiche un casting de musiciens variés, parmi lesquels Jeff Tweedy du groupe de country alternatif Wilco, les batteurs de jazz Nate Smith et Brian Blade ou le bassiste John Patitucci - ces deux derniers étant de proches collaborateurs du jazzman Wayne Shorter. Révélée au monde en 2002 par le succès de Come Away With Me, Norah Jones nous propose un voyage intimiste aux teintes blues, folk, soul et jazz.

Servies par des arrangements d'une extrême élégance, ses chansons explorent la tristesse, la perte, la solitude et des questions qui touchent tout un chacun et prennent parfois une résonance particulière dans la crise profonde que traversent les États-Unis - entre autres pays - avant de retrouver le chemin de la lumière. Ces dernières années, la chanteuse et pianiste au neuf Grammy Awards a mis une nouvelle expression artistique au service de sa musique, la poésie, avec la contribution d'une amie poétesse, Emily Fiskio, qui cosigne l'une des chansons de cet album splendide. Nous avons parlé au téléphone à Norah Jones il y a quelques jours.

Franceinfo Culture : Tout d'abord, comment vivez-vous la période de confinement consécutive à la crise sanitaire ?
Norah Jones : Je la vis avec mes enfants et mon mari. On va bien. Quand on a des jeunes enfants, c'est différent ! Ce n'est pas la même situation que pour des gens qui n'en ont pas ou qui vivent seuls, sans possibilité d'être en contact avec d'autres personnes. Je suis avec ma famille, c'est merveilleux, mais je suis très occupée ! Avec le confinement, j'ai l'occasion de jouer en livestream [ndlr : via Facebook] et c'est vraiment bien pour moi... C'est le seul moment où je peux m'asseoir et jouer un peu ! Je ne manque pas du tout d'inspiration, mais je n'arrive pas à trouver du temps pour jouer tous les jours.

Comment avez-vous traversé les semaines de tensions dans votre pays provoquées par la mort de George Floyd le 25 mai dernier ?
Comme tout le monde, j'en ai été très émue [silence]. J'ai regardé, j'ai appris, j'ai mené une réflexion.

Alors que vous ne pensiez plus faire d'album, pouvez-vous me raconter le processus qui a abouti à Pick Me Up Off the Floor ?
Il y a environ trois ans, j'ai eu envie de commencer à sortir des singles. J'ai décidé d'aller en studio pour des sessions de trois jours espacées de quelques mois, avec des gens différents, pour faire des choses différentes et sortir un single à chaque fois. Durant ces expériences, j'ai appris énormément, j'en ai tiré une grande inspiration pour l'écriture. Mais après chaque session, il me restait plusieurs chansons en réserve. Une fois, on en a écrit sept... J'écoutais tout le temps les playlists issues des sessions. J'ai mis les chansons dans un ordre différent et j'ai réalisé que j'étais en possession d'un album. Les chansons étaient vraiment spéciales à mes yeux, je ne voulais pas les laisser de côté. Et d'une certaine façon, réunies dans le cadre d'un album, elles se sont révélées à moi.

Comment se passent ces séances en studio ? Est-ce le fait de jouer à chaque fois avec des musiciens différents qui les rend si spéciales ?
Oui, et c'est une telle source d'inspiration, c'est toujours agréable, c'est un peu comme jeter une bûche dans le feu... Si le feu prend de l'ampleur, ça développe l'inspiration beaucoup plus que je l'aurais pensé, et c'est très plaisant. Il y a dix ou quinze ans, je n'aurais pas eu assez confiance en moi pour me lancer dans cette expérience. Je me présentais toujours en studio avec de la musique prête. Je n'appréciais pas vraiment la spontanéité, l'idée d'être confrontée à l'inconnu si j'avais dû me présenter avec très peu d'idées... Mais là, faire surgir des choses avec les gens, en studio, s'avère vraiment gratifiant.

Les chansons du disque, comme par exemple le titre d'ouverture How I Weep qui évoque un deuil, sont-elles inspirées d'événements personnels ?
Oui, beaucoup d'entre elles. Et beaucoup sont inspirées par d'autres choses. Vous mettez beaucoup de choses personnelles dans l'écriture de chansons, mais vous ne savez jamais où l'inspiration va vous mener. How I Weep était un poème que j'ai écrit, j'ai adoré la tournure qu'il a pris, comment il a évolué et s'est achevé. Si j'adore toutes les chansons de l'album, j'aime particulièrement ce titre. Il est né à partir d'un processus complètement différent pour moi : avoir un poème, le mettre en musique... Je tenais absolument à ce que Paul Wiancko [ndlr : violoncelliste, arrangeur] m'écrive des arrangements pour cordes. Le résultat final est tellement beau.

Comment la poésie est-elle entrée dans votre vie et dans votre processus créatif ?
Je ne m'y suis plongée que récemment. Une amie [ndlr : la poétesse Emily Fiskio] m'a offert des livres de poésie et ça m'a beaucoup inspirée. Elle m'a d'abord donné un livre de l'écrivaine Yrsa Daley-Ward. C'était magnifique. Ensuite, j'ai lu un recueil de poésie que Leonard Cohen avait écrit. J'ai lu aussi beaucoup de d'ouvrages de Dr Seuss [ndlr : auteur pour la jeunesse, caricaturiste américain] à mes enfants, puis l'auteur pour enfants Shel Silverstein. Je pense que les rimes, la façon de lire ces histoires à mes enfants chaque soir, et les mots se sont gravés dans ma tête...

Certaines chansons du disque ont été composées à partir de poèmes que j'ai écrits, une autre à partir d'un poème que mon fils a écrit. De cette inspiration, a surgi un nouveau monde en matière d'écriture de chansons. Ce que j'aime dans ce disque, c'est en partie ce sentiment d'avoir trouvé une nouvelle voie, et c'est ce que recherchent les artistes : essayer des choses sous un angle nouveau.

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