Du hip-hop au jazz, José James sait tout faire
Natif de Minneapolis, installé à New York, José James, bientôt 37 ans (il les fête le 20 janvier), a sorti son premier album en 2008. En 2013, sa voix d'or et son éclectisme ont séduit le prestigieux label Blue Note où il a enregistré son troisième disque, "No beginning no end", puis le quatrième, "While you were sleeping", sorti à la rentrée.
Il y a signé la majorité des chansons - complétées par une reprise d'Al Green - qu'il a composés au cours d'une tournée. Dans ce disque très réussi, inclassable, cohabitent des textes très personnels sur des thèmes comme l'amour et la spiritualité. Cet album précède de quelques mois un disque de José James en hommage à Billie Holiday, dont l'année 2015 marque le centenaire de la naissance.
- José James : Oui ! J’adore me trouver dans des endroits nouveaux. Les voyages sont de grandes sources d'inspiration. Je pense que c’est comme ça que le cerveau humain fonctionne : si vous vous trouvez dans un environnement nouveau, ou que vous ne connaissez pas bien, votre esprit devient plus ouvert... et plus fermé à la fois. Pour moi, ça peut entrouvrir différents chemin vers la créativité. J’aime écrire en avion, j’aime le mouvement des trains… Il y a tellement de temps d’arrêt sur une tournée ! Personnellement, j’arrive très bien à utiliser ces temps morts d’une manière créative, c’est comme un don.
- Vous souvenez-vous d’un pays, d'un lieu, où l’inspiration a été particulièrement forte ?
- Oui. À Jakarta, en Indonésie. Je séjournais dans un hôtel conçu d’après le célèbre temple bouddhiste de Borobudur inscrit au patrimoine de l’Unesco. L’hôtel est ornementé de statues de Buddha, mais comme c’est un pays musulman, dans le même temps, vous entendez l’appel à la prière. C’était intéressant, inhabituel. À un moment, ça a fait son chemin en moi (il claque des doigts)… Les deux cultures spirituelles qui se réunissaient, en quelque sorte. Des chansons comme "Bodhisattva" et "4 Noble Truths" parlent plus de cette influence de Buddha, évoquent des moments spirituels. Je ne suis pas bouddhiste, mais je respecte la tradition.
- La scène est-elle essentielle à vos yeux ?
- Je suis un performer avant tout autre chose. J’essaye de me penser comme un artiste de performance, plus encore que comme un musicien. Je ne pourrais pas être heureux si je devais juste jouer de la musique dans un même endroit, ou juste enseigner. J’ai besoin de cette énergie. Si je reste une semaine sans monter sur scène, je commence à devenir fou. - Dans vos textes, on trouve beaucoup d’amour et de spiritualité, parfois des choses plus abstraites...
- J’aime que les choses soient à demi abstraites. Ça laisse de l’espace pour l’interprétation. Dans cet album, je me suis vraiment concentré sur les paroles. Plus que pour n’importe quel autre. Je suis très fier de ses histoires, de ses images. Je sais que j’écris sur des choses qui me concernent spécifiquement, mais je ne veux pas que l’on puisse dire en écoutant certaines chansons : "Ok, là, il écrit sur cette fille, sur cette relation…" Sur des choses basiques, je voulais pouvoir être interprété sur différents niveaux : spirituel, romantique, personnel, sur des histoires passées. Avec des thèmes comme la perte, la guérison, la quête d’un sens de soi à travers d’autres gens, à travers l’amour, des relations, mais aussi ce qui arrive quand on perd tout ça, pas seulement les relations mais les idéaux de vous-même. Donc… c’est profond !
- L'écriture des chansons s'est-elle échelonnée sur toute la tournée ? À quels moments y travailliez-vous ?
- C’était une longue tournée. J'en fais une par an, plus ou moins, j’adore ça. J’y ai trouvé beaucoup d’opportunités d’écrire. Pour moi, la créativité génère plus de créativité. Dès qu’une idée me vient, je la chante dans mon smartphone ou j’écris quelques accords. Parfois, le meilleur moment, c’est après le show, quand je suis déjà rempli par la musique. Il me suffit de reprendre ma guitare et de jouer sans penser à ce que je fais, et de me dire soudain : "Wow, c’est vraiment bien !" Pour ce disque, certaines chansons me sont venues pendant les balances, comme "U r the 1". Je l’ai enregistrée sur mon téléphone. Parfois, le groupe arrive, Kris (Bowers, le pianiste, ndlr) commence à jouer, tout le monde le rejoint et il peut en sortir une idée cool. J’ai des tonnes d’idées qui viennent comme ça. Je n’ai pas de méthode stricte pour composer. Je suis juste ouvert sur la façon dont les idées arrivent. C’est de ça aussi dont il s’agit dans cet album : je ne pensais pas à des genres musicaux, je ne me demandais pas quel était le meilleur style à utiliser. - Justement, votre disque est plein de sons, rythmes, arrangements, climats issus de styles différents. Avez-vous envisagé le risque que l'on ne sache où vous classifier et que cela rende la promotion du disque plus difficile ?
- Non. Il y a des gens pour penser à ça. Certains artistes sont devenus des sortes de produits, ce n’est pas mon cas. Comme Miley Cyrus, par exemple. Ce n’est pas une insulte, c’est juste que vous êtes une marque, et il y en a d’autres associées à vous, c’est un package avec des vêtements, du maquillage, une coiffure, la totale. C’est une industrie. Les artistes sont supposés être en dehors. Je suis très à l’aise avec ça mais je ne suis pas un artiste d’industrie, et je ne crois pas que je le serai jamais. Je pense que j’occupe un espace dans lequel je crée une liberté, je fais ce que j’ai envie de faire. Mais c’est difficile de gérer cette histoire de classification. Aujourd’hui, je produis des albums, je suis parolier, song-writer, chanteur. Je suis fort dans certains domaines. Et d’une certaine manière, cet album montre plus que tout ce que je peux faire dans une sorte de globalité.
- Cela résulte aussi de votre parcours musical...
- J’ai d’abord fait partie de la génération hip-hop. Ça colore ma compréhension de la façon dont on fait de la musique et sur comment les artistes mélangent les genres. Selon ma vision artistique des choses, vous pouvez faire tout ce que vous voulez avec n’importe quel genre de musique. J’ai découvert le jazz à travers les samples, le hip-hop. Je ne l’ai pas considéré comme un style à part mais comme le commencement, la racine de toutes les autres formes de musiques noires. Pour moi, c’est frustrant d’entendre les débats actuels du style "jazz ou pas jazz ?" J’ai définitivement réglé la question en déclarant que je ne voulais pas être considéré juste comme un chanteur de jazz. Alors, les gens ont dit : "Qu’est-ce que ça veut dire ?" Ça ne veut pas dire que je ne chante pas de jazz. Je veux juste m’exprimer dans la totalité de ce que j’ai envie de faire. Je chante aussi du R’n’B, de la soul, des choses nouvelles.
- La chanson d'ouverture du disque, "Angel", comporte un riff de guitare qui rappelle Jimi Hendrix. Quelles sont vos grandes influences musicales ?
- Les trois principales : John Coltrane, Marvin Gaye, Billie Holiday. En dehors d’eux, je dirais Al Green, Miles Davis bien sûr… Ils font partie des personnages majeurs qui ont changé ma façon de penser à la musique.
- Quel est votre premier grand souvenir musical ?
- Billie Holiday. Je lui rends hommage dans un disque enregistré l'été dernier. Il va sortir au printemps.
(Propos recueillis par A.Y.)
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