De La Défense au Paris Jazz Festival, Andy Emler incontournable ce week-end
Une création en orchestre de jazz -très- grand format avec la participation d'un casting de rêve vendredi soir sur le parvis de La Défense, suivie samedi d'un concert de son célèbre MegaOctet avec un nouveau répertoire, "Mystery Bag", en nocturne à l'espace Delta du Parc floral de Paris... Andy Emler, incontournable et facétieux compositeur, arrangeur, orchestrateur et pianiste de jazz - et d'autres musiques - ne chôme pas en ce début d'été.
Son printemps n'était pas forcément plus calme. Le 2 mai dernier, Andy Emler présentait à Paris, sur la scène du Studio de l'Ermitage, un formidable nouveau disque, "Running Backwards", enregistré à la tête d'un quartet haut de gamme réunissant le guitariste Marc Ducret, le contrebassiste Claude Tchamitchian et le batteur Éric Échampard, trois musiciens qu'il connaît depuis de nombreuses années. Andy Emler a eu l'occasion de travailler à différentes reprises avec Marc Ducret depuis les années 80. Quant à Claude Tchamitchian et Éric Échampard, ils sont membres du MegaOctet et ont enregistré trois albums en trio avec le pianiste. "Running Backwards" est sorti le 19 mai dernier chez La Buissonne.
- Culturebox : Ce vendredi soir, vous dirigez une création spéciale pour le 40e anniversaire du Concours national de Jazz de la Défense, auquel participeront 30 anciens lauréats... Un casting impressionnant ! Comment avez-vous organisé tout ça ?
- Andy Emler : Vendredi, c'est un concert absolument unique au monde ! On m'a demandé de mettre en scène 40 ans de lauréats de concours de Jazz à La Défense, d'apporter de la musique et de gérer un concert avec tous ces musiciens. Ils sont une trentaine et la plupart ne jouent jamais ensemble, ou très peu, pour certains. Il y a des pianistes, Denis Badault, Jean-Christophe Cholet, Jean-Marie Machado, Laurent Cugny... Il y a Nguyên Lê [ndlr : guitariste], Médéric Collignon, [ndlr : cornettiste] et plein d'autres... Ça va être un concert unique parce que s'ils savent un peu ce qu'ils vont jouer, des surprises les attendent. Vendredi après-midi, on aura deux heures pour installer, monter et répéter ce programme pour lequel il faudra aussi faire les balances... C'est un challenge de haute voltige.
- Il n'y a eu aucune répétition avant le jour J !
- Absolument ! Il y aura des moments en trio, en duo, en solo, en quartet... Il y a aussi beaucoup de moments où tous les pianistes seront sur scène en même temps, d'autres où tout le monde va chanter dans une chorale... À certains moments, tout le monde va jouer ensemble, avec les trois bassistes, les trois batteurs, les neuf soufflants... C'est à moi de gérer tout cela. Ils vont tous devoir découvrir, répéter la musique et bien la réaliser, je compte sur leur talent et leur humilité pour jouer au service du collectif !
- Quel est le répertoire de cette création ?
- Je n'ai pas reçu de commande d'écriture. Donc j'ai choisi des pièces issues du MegaOctet, ainsi que deux ou trois choses que j'aimais bien jouer auparavant, des vieux "saucissons" comme on dit dans le jargon [ndlr : des standards de jazz archi connus]. J'ai aussi préparé des transitions et des choses avec des originalités, donc des morceaux qui n'existent pas : les musiciens vont devoir improviser sur l'instant sur des formes bien définies.
- Samedi, vous serez à nouveau sur scène, cette fois avec votre groupe le MegaOctet, sur la scène du Paris Jazz Festival. Parlez-nous de ce nouveau projet "Mystery Bag".
- C'est un nouveau programme mais ce n'est pas une création, puisqu'on l'a déjà joué au Triton en novembre dernier. J'avais prévu d'écrire un ou deux morceaux nouveaux, et dans le creux de l'action, j'ai finalement écrit un nouveau répertoire. On va l'enregistrer en décembre prochain. C'est un peu différent de ce qu'on fait d'habitude : il y a quelques surprises, d'où le titre "Mystery Bag", comme un sac à malice. Mais il y a bien sûr le MegaOctet tel qu'on le connaît, avec des morceaux écrits pour des solistes hors pair, avec une rythmique d'enfer, et puis on s'amuse ! Samedi soir au Paris Jazz Festival, il y aura un mélange de morceaux nouveaux et anciens. Pour ce concert comme pour celui de La Défense, on ne pourra répéter que le jour-même, car tous les musiciens n'étaient pas tous libres les jours précédents. Ça nous promet un vendredi et un samedi bien chargés, mais c'est génial !
- Parlons enfin du nouveau disque que vous avez sorti en quartet avec le guitariste Marc Ducret, le contrebassiste Claude Tchamitchian et le batteur Éric Échampard, "Running Backwards"... Autant de musiciens que vous connaissez très bien.
- On est tous fans les uns des autres. On se connaît depuis très longtemps. C'est bien sûr le cas avec Claude et Éric, mais aussi avec Marc Ducret. Tous les deux, on se suit depuis longtemps. On s'apprécie beaucoup. Avec Marc, j'avais monté un quintet [ndlr : dans les années 80]. Il se trouve que Marc et Éric Échampard travaillent ensemble depuis 25 ans, qu'Éric Échampard et Claude Tchamitchian travaillent ensemble depuis 25 ans, que je joue moi-même en trio avec Claude et Éric, que j'ai travaillé en duo avec Marc, que je lui ai composé des pièces pour guitare solo, dont l'une est reprise au début du nouveau disque... Je l'ai invité plusieurs fois avec le MegaOctet... J'adore écrire pour lui. Au vu de cette envie, il fallait bien que tôt ou tard, on se retrouve tous sur un même projet. Alors, il ne s'agit pas de la musique du trio sur laquelle on aurait rajouté Marc ! Il s'agit vraiment d'un répertoire original écrit pour ce quartet.
- "Running Backwards", le titre du disque (qui est aussi celui d'un des morceaux), ça signifie en gros "marche arrière", un concept repris par différents autres titres de l'album...
- C'est un projet dont l'argument est assez pessimiste. C'est un coup de gueule, un constat de régression sur tout ce qui se passe aujourd'hui autour de nous, sur des comportements humains insupportables. Il y a une fuite en arrière. Au lieu de se servir de l'Histoire pour progresser, on fait l'inverse, on n'avance pas, on recommence les mêmes bêtises, on voit revenir un racisme décomplexé, la cupidité, toutes les choses qui font que les gens font passer leur intérêt personnel avant celui de la communauté.
- De quoi parle le "Sphinx" du morceau d'ouverture ?
- C'est un petit jeu de mots pour dire "thanks" à Marc Ducret ! Je l'ai entendu jouer en solo un soir au Triton. Je suis rentré à la maison et cette nuit-là, j'ai écrit deux pièces pour guitare que je lui ai envoyées le lendemain matin, dont celle qui ouvre l'album et qui a servi de base de travail pour la thématique de la suite. Tout le reste de l'album a été écrit après cette pièce.
- J'imagine que tout l'album a été écrit en pensant soigneusement à chacune des individualités fortes du quartet...
- Bah oui. Je ne sais pas faire autrement. Je ne sais pas écrire pour des anonymes. Même quand il s'agit d'un grand orchestre, je vais les écouter, les voir, les rencontrer. Et là, il se trouve que tous les trois, je les connais bien et je sais ce qui va bien fonctionner. J'ai écrit des choses difficiles à jouer, qui nous ont demandé beaucoup de travail, à moi en premier parce que j'ai écrit des choses pour le piano que je ne savais pas jouer ! J'ai dû travailler beaucoup, mais c'est ce qui fait progresser. C'est un programme techniquement difficile. Mais on est très contents, très fiers, de ce travail. C'est un quartet assez magnifique.
- Quelques mots, à votre façon bien personnelle, pour décrire chaque musicien du quartet ? Marc Ducret, pour commencer.
- Je réponds par une question : extraterrestre ou terrestre extra ?
- Claude Tchamitchian ?
- Un buffle sur son lit de poireaux confits. Car je précise au passage que Claude est un grand cuisinier !
- Éric Échampard ?
- Grooveman collectionneur de timbres. Éric, c'est aussi un rockeur. Comme nous quatre d'ailleurs.
- Avez-vous déjà de nouveaux projets sous le manteau ?
- Radio France vient de me commander, pour Dave Liebman [ndlr : saxophoniste américain] et moi-même, une œuvre pour l'orgue magnifique qu'ils ont construit à la Maison de la Radio. Cela sera créé en février 2018.
Le programme chargé d'Andy Emler
Création spéciale 40 ans du Concours national de Jazz de La Défense
Vendredi 23 juin 2017, 20H30
Parvis de La Défense, dans les Hauts-de-Seine (concert gratuit)
Andy Emler (direction, compositions, arrangements) ; Laurent Cugny, Antoine Hervé, Denis Badault, Jean-Marie Machado, Jean-Christophe Cholet, Manuel Rocheman, Pierre de Bethmann, Yvan Robilliard, Anne Quillier, Laurent Coulondre, Gauthier Toux (piano) ; Xavier Cobo, Philippe Sellam, Sylvain Cathala, Luis Vina, Olivier Temime, Matthieu Donarier (saxophones) ; Pierre Horckman (clarinette) ; Sébastien Llado (trombone) ; Médéric Collignon (trompette, voix) ; Sébastien Boisseau, Gary Brunton, Jean-Philippe Morel (contrebasse) ; Christophe Marguet, Philippe Gleizes, Guillaume Bertrand, Ariel Tessier (batterie) ; Nguyen Lê (guitare) ; Olivier Ker Ourio (harmonica) ; Michel Edelin (flûtes)
Andy Emler MegaOctet "Mystery Bag" au Paris Jazz Festival
Samedi 24 juin 2017, 21H
Espace Delta du Parc floral de Paris (concert gratuit, seul l'accès au parc est payant)
Andy Emler (piano, compositions, arrangements) ; Laurent Blondiau (trompette, bugle) ; Laurent Dehors (saxophones) ; Guillaume Orti (saxophone, voix) ; Philippe Sellam (saxophone) ; François Thuillier (tuba) ; Claude Tchamitchian (contrebasse) ; Éric Échampard (batterie) ; François Verly (marimba, percussions)
> En musique contemporaine : Andy Emler et l'ensemble Nomos, un ensemble de violoncelles, seront en concert à l'abbaye de Noirlac le 15 juillet
> En musique classique : Andy Emler présentera des sonates pour piano à l'occasion de son passage au festival Piano en Trièves, près de Grenoble, le 11 juillet.
> L'agenda-concert d'Andy Emler
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.