Dans "Finding Gabriel", le pianiste Brad Mehldau dialogue avec les anges
Le jazzman américain sort ce vendredi un album quasi mystique qu'il a composé après s'être plongé dans la lecture de la Bible. Petit survol en cinq points clés.
Le pianiste Brad Mehldau, musicien prolifique, éclectique et adulé, parmi les plus célèbres dans le monde du jazz, vient de faire paraître un ovni musical chez Nonesuch Records, le label auquel il est fidèle depuis une quinzaine d'années. Composé en réaction au tumulte et au chaos du monde, Finding Gabriel renferme une suite de neuf compositions dont on se dit dès la première écoute qu'il va falloir y revenir, et y revenir encore, pour en découvrir les mille facettes, trouvailles, surprises, instants d'émotion et d'humanité.
Dans l'album Finding Gabriel ("en trouvant Gabriel"), il y a de la spiritualité, du lyrisme, de la profondeur, de la mélancolie, et parfois de la percussion, de l'électro, des envolées de cordes, des déchaînements de soufflants, des invités prestigieux, des voix qui chantent, scatent, des voix qui dialoguent, s'interrogent, citent des passages de la Bible. On entend même du Léo Ferré récité en français au milieu d'un morceau, Deep Water. Petit survol en cinq points clés.
1Une forte dimension spirituelle
C'est en se plongeant ces dernières années dans la lecture de la Bible que Brad Mehldau, 48 ans, s'est mis à composer les musiques de Finding Gabriel, un titre en allusion à l'archange Gabriel, messager de Dieu, présent dans la Bible hébraïque, le Nouveau Testament, mais aussi le Coran (sous le nom de Djibril). "La Bible ressemblait à un corollaire et peut-être à un guide de l'époque actuelle - un long cauchemar ou un panneau menant à une gnose potentielle, selon votre façon de le lire", explique le pianiste sur son site internet.
Cette lecture lui a offert une source d'inspiration intarissable et une thématique : "Il semblait que le truc était d'écouter les mots de Gabriel malgré tout le bruit et de trouver un moyen d'expliquer le chahut, pas seulement à soi-même, mais à quelqu'un de jeune (...), peut-être même à ses propres enfants." Le travail au long cours sur l'album dans des studios de Brooklyn s'est étalé entre mars 2017 et octobre 2018. Dans le très sobre livret du CD, la plupart des morceaux sont présentés avec une citation de la Bible, du Livre de Job, du Livre de Daniel, des Psaumes...
2Mehldau joue du piano, de divers instruments et chante
Dans Finding Gabriel, Brad Mehldau joue de plusieurs instruments au gré des morceaux, du piano bien sûr à la batterie en passant par le xylophone et tout un arsenal de claviers électroniques : Rhodes, Therevox entre autres synthétiseurs... Sur trois morceaux, O Ephraim, Born to Trouble et Finding Gabriel, tel un homme-orchestre, il joue de tout, tout seul, et assure lui-même les chœurs. Mercredi sur France Musique, l'expert jazz Alex Dutilh a dressé un parallèle entre son travail et celui de Keith Jarrett dans son album Spirits (1985). Le pianiste y jouait d'une multitude effarante d'instruments. Hors jazz, on peut citer un procédé équivalent avec Paul McCartney et son premier album solo McCartney (1970). Avec une différence de taille : sur Finding Gabriel, Brad Mehldau n'est pas toujours seul.
3Des invités de prestige, parmi lesquels Mark Guiliana et Kurt Elling
Sur la majorité de titres, Brad Mehldau fait appel à des invités, certains ayant déjà collaboré avec lui par le passé. C'est le cas du batteur Mark Guiliana avec lequel le pianiste a formé l'inoubliable duo électro "Mehliana" dans un album sorti en 2014, et avec lequel il a conçu, en expérimentant un nouveau synthé, la structure de plusieurs morceaux de Finding Gabriel. C'est aussi le cas du saxophoniste Chris Cheek pour lequel Mehldau a joué les sidemen en 1999. D'autres saxophonistes, Joel Frahm, Charles Pillow et Michael Thomas, jouent sur Finding Gabriel. On y retrouve aussi un grand trompettiste, Ambrose Akinmusire, un trio de cordes avec la violoniste Sara Caswell... et des voix. Quatre chanteurs invités, dont la star du jazz vocal Kurt Elling et les songwriters Becca Stevens et Gabriel Kahane, prêtent leurs voix aux morceaux de Mehldau.
4Des voix utilisées comme des instruments
Pour les chanteurs invités sur Finding Gabriel, il n'est nullement question de poser des textes sur la musique. Leurs voix, comme celle du pianiste, sont utilisées comme autant d'instruments qui apportent une diversité de couleurs, de textures, aux arrangements de Mehldau. Leur synergie est très belle, notamment dans Make It All Go Away où résonne le timbre cristallin de Becca Stevens. Quant à Kurt Elling, il chante de manière ombrageuse, voire orageuse. On s'en doute, la colère occasionnée par le contexte politique américain n'est jamais très loin.
5Brad Mehldau, un artiste plein de surprises
Si ses disques en trio constituent une référence dans le monde du jazz, Brad Mehldau ne se repose jamais sur ses lauriers et multiplie les explorations et collaborations musicales. Sa discographie comporte un certain nombre de projets dans lesquels il expérimente de nouvelles configurations instrumentales et de nouveaux sons, comme Largo (2001) et bien sûr Mehliana : Taming the Dragon (2014). Brad Mehldau s'est également tourné vers la musique classique en revisitant Bach et en s'en inspirant (After Bach, 2018). En septembre 2018, le pianiste a créé un Concerto pour Piano à la Philharmonie de Paris, avant d'y accompagner, en février dernier, le ténor Ian Bostridge le temps d'un récital lyrique.
Brad Mehldau, Finding Gabriel, sortie le 17 mai 2019 chez Nonesuch Records
Brad Mehldau est en concert samedi 18 mai à Levallois-Perret, salle Ravel... et c'est complet.
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