À Coutances, la ville de Jazz sous les pommiers, un collectif porté par la musicienne Anne Paceo lutte contre le sexisme dans le jazz
Déplorant la domination masculine persistante dans le jazz, la percussionniste et compositrice Anne Paceo rêvait d’un espace privilégié d’échange et de pratique exclusivement destiné aux jeunes musiciennes. Son rêve vient d’être exaucé. Le dispositif WIZZ (Women In Jazz) voit le jour à Coutances (Normandie), ville du jazz par excellence grâce à la notoriété du festival Jazz sous les pommiers. Son objectif, inspiré des académies et campus américains, est d’accroître le nombre de musiciennes de jazz. Le constat est clair : même si elles étaient nombreuses dans les salles de classe, peu parviennent à devenir professionnelles.
"La première fois que je l’ai eue, c’était comme si je l’avais gagnée dans une pochette surprise, dans le regard des hommes, j’ai l’impression qu'il en a fallu deux pour être vue à la hauteur de ce que je fais".
Anne Paceobatteuse et compositrice jazz
Face à un univers musical sexiste, Anne Paceo, batteuse et compositrice reconnue, s'engage. Elle est poussée par sa propre expérience puisque malgré plusieurs disques et des concerts mondiaux, elle a dû affronter des remarques misogynes, surtout lors de ses succès aux Victoires de la Musique, en 2011, 2016 et 2019.
Le dispositif Wowen in Jazz est créé avec une dizaine de musiciennes, de 18 à 32 ans, qui viennent de toute la France, de Belgique et d’Espagne au théâtre de Coutances. Pendant trois jours, elles y seront formées grâce à la collaboration de la scène nationale de Sceaux Gémeaux et le festival Jazz sous les pommiers. À la clé, deux concerts sont prévus pour lancer le groupe à l’automne 2024, en région parisienne et à Coutances.
Bousculer les lignes masculines
Cette nouvelle génération de musiciennes espère bousculer les lignes masculines. "Pour moi, c’est un peu de la science-fiction de jouer juste avec des femmes dans un environnement 100% femmes", déclare Jasmine Lee, contrebassiste. Si cette sororité semble étonner, c’est parce que dans le jazz, plus de 80% des artistes sont des hommes. "On rencontre un problème de légitimité et de confiance parce qu’en tant que fille, on ne sait pas si on est prise pour nos compétences ou juste parce qu’il y avait besoin d’avoir une fille dans le groupe", confie Lucie Jahier, flûtiste.
Ces injustices sont entendues par le directeur de Jazz sous les pommiers. Avec ce dispositif, il espère avoir trouvé une manière de corriger cette partie de l’histoire du jazz, "des actions comme celle-ci donnent un signe fort sur la reconnaissance des musiciennes en tant que telles dans un monde un peu traumatique, y compris dans le jazz", s'alarme le directeur Denis Le Bas. Women In Jazz espère faire sa place dans les programmations de concerts et festivals.
En attendant plus d'équité, le groupe de musiciennes WIZZ se produira en concert à Paris et à Coutances à l’automne prochain.
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