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Qui est Bilal Hassani, le youtubeur qui représente la France à l'Eurovision ?

Chouchou des réseaux sociaux, le chanteur de 19 ans représente la France samedi à Tel Aviv. Portrait de celui qui rassemble déjà plus de 60 millions de vues sur YouTube.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Le chanteur Bilal Hassani dans le clip de "Roi". (DOROTHEE MURAIL / LOW WOOD)

C'est sur ses épaules que repose les espoirs de la France à l'Eurovision. En janvier, Bilal Hassani a éliminé ses concurrents, dont Chimène Badi et Emmanuel Moire, lors de la finale de "Destination Eurovision". Qualifié pour porter les couleurs tricolores, il interprétera sa chanson Roi, coécrite avec Madame Monsieur, le duo tricolore arrivé 13e lors de la précédente édition, au concours qui te tient, samedi 18 mai, à Tel-Aviv (Israël).

"J'invente ma vie / Ne me demandez pas qui je suis", chante le jeune homme dans son morceau. "Je suis un jeune garçon qui a d'abord la passion du chant, mais je suis multitâche", dit-il. Bilal Hassani est à la fois un quasi-inconnu du petit écran, une star de YouTube – identifiable aux perruques de couleur qu'il arbore fièrement – et la cible d'insultes homophobes et racistes, et de menaces sur les réseaux sociaux.

Au commencement de sa vie, il y a donc la chanson, comme en atteste le clip de Roi, truffé d'images d'archives personnelles. Pendant qu'il chante "Moi je suis / Le même depuis tout petit", on peut voir Bilal, gamin, faire le show pour sa famille.

Je chante depuis que je suis tout bébé, je chantais avant de parler, m'a dit ma mère.

Bilal Hassani

à franceinfo

Elevé par sa mère en région parisienne, il suit un parcours scolaire "chaotique" qui lui permet tout de même de décrocher un bac L en 2017. Mais pour Bilal, l'essentiel est ailleurs : il n'a pas 10 ans qu'il prend des cours de chant, de danse, de piano et de guitare. Il aime le RnB et la pop, il écoute Beyoncé et Freddie Mercury. Et en octobre 2015, il fait sa première apparition télévisée dans "The Voice Kids".

"Je fais ce qui m'amuse parce que la vie est courte"

Alors âgé de 16 ans, il ne porte pas encore de perruque, la monture de ses lunettes n'est pas ronde et fine mais rectangulaire et épaisse. En interprétant Rise Like a Phoenix de Conchita Wurst, gagnant de l'Eurovision 2014, Bilal Hassani fait se retourner les trois fauteuils rouges des coachs du télécrochet de TF1.

Eliminé lors de l'étape suivante de l'émission, Bilal n'a pas dit son dernier mot. Incité par ses amis, le talentueux millennial investit les réseaux sociaux. "YouTube, ça fait partie des choses qui sont devenues importantes dans ma vie parce que cela me procure du plaisir, ça m'amuse. Et tout ça, je le fais parce que la vie est courte", explique simplement le jeune homme.

A partir de 2016, sa chaîne est alimentée avec ses chansons originales, des reprises, mais aussi des vidéos qui le propulsent parmi les youtubeurs français les plus populaires chez les ados. A la manière d'une conversation sur Skype, Bilal Hassani se confie. Avec humour, il raconte sa vie quotidienne, ses déboires (comme la fois où il s'est fait virer de son collège après avoir flirté avec un camarade d'internat, en quatrième), présente sa mère (qui rétorque aux "méchants commentaires !") ou son frère aux internautes, répond aux questions de ses abonnés, relève des défis ou encore teste du maquillage.

"Bonsoir Pariiiiiiiiiiiiiiiis, yeeeeaaaah hi yeeeeaaaah !" C'est avec ce gimmick devenu culte qu'il commence chacune de ses vidéos. Des séquences truffées d'effets venus de la culture web, de mèmes et de franglais. "Disgusting", "shook", "cute", "iconic" : des termes issus de la pop culture américaine qui contribuent à la touche du flamboyant Bilal Hassani.

"A la fin de la journée, je suis Bilal Hassani"

Il reconnaît parfois chercher à attirer les internautes avec les titres de ses vidéos : "Du clickbait à la mort mais c'est juste que, les gens, vous aimez bien dramatiser de ouf vu que j'ai une vie un petit peu particulière, je porte des perruques", s'amuse ainsi le jeune homme dans l'une d'elles. Car derrière une apparente légèreté, Bilal Hassani sait faire passer des messages et se joue des clichés. Ses perruques (à qui il donne des noms comme Verona, Sormy, Kat ou Gila) font beaucoup parler, ses abonnés l'interrogent régulièrement sur son genre ou sa sexualité.

"Ça me fait plaisir que je vous fasse réfléchir autant (…), ironise-t-il dans une autre de ses vidéos. Vous vous posez trop de questions, il faut que vous arrêtiez (…). Dites-vous qu'à la fin de la journée, je suis Bilal Hassani. Je porte des perruques parce que j'adore ça (…). Les règles qui m'ont été assignées par la population par rapport à ce que je dois faire, ce que je dois porter, ce que je dois mettre et comment je dois agir, je ne les respecte pas (…). Moi je m'amuse."

Bilal Hassani s'amuse et s'assume. La perruque, il la porte seulement dans ses vidéos ou sur scène. "Tout petit, je prenais des chiffons ou des serviettes parce que j'adore les cheveux longs. Aujourd'hui, la perruque, c'est juste un truc pour me sentir invincible, une cape de super-héros", confie le jeune homme à franceinfo.

"Je suis pas dans les codes / Ça dérange beaucoup", chante-t-il dans Roi. "A 19 ans seulement, il questionne le rapport à la masculinité. Très simplement, il fait ce qu'il aime et il montre que c'est possible", observe Mathilde Truong, journaliste à Madmoizelle.com qui lui a consacré un article ("Bilal Hassani, ce role model que j’aurais voulu avoir ado").

Il invite les ados à être ce qu'ils sont et à faire ce qu'ils veulent sans se préoccuper des regards, des jugements et des cases dans lesquelles on peut nous mettre. Avec bienveillance, il ouvre des portes à beaucoup pour permettre de s'assumer et de se sentir mieux dans sa peau.

Mathilde Truong, journaliste à Madmoizelle.com

à franceinfo

Pour autant, le principal intéressé refuse d'endosser le rôle de porte-parole d'une cause. "Je ne le prends pas comme une responsabilité. Mais je suis content que mon message puisse résonner auprès de certaines personnes qui parfois peuvent se sentir moins fortes que d'autres", explique-t-il. "Ce qu'on est / On ne l'a pas choisi", résume-t-il dans Roi. Et le message résonne. Aujourd'hui, plus de 700 000 abonnés suivent le youtubeur. Une communauté fidèle qu'il appelle "mes vies", "mes puces" ou encore "mes legends" et qui lui offre plusieurs centaines de milliers de vues, parfois des millions.

Une application pour filtrer les messages haineux

Ils sont aussi plus de 110 000 à le suivre sur Twitter et plus de 330 000 sur Instagram. Autant d'atouts pour viser une candidature à l'Eurovision. "Bilal Hassani n'était pas inconnu avant la demi-finale de 'Destination Eurovision', c'est une star de YouTube, un personnage attachant et charismatique, avec de nombreux fans derrière lui. Cela peut aider pour obtenir des votes du public", estime Fabien Randanne, journaliste à 20 Minutes et spécialiste de l'Eurovision. Le clip de Roi dépasse d'ailleurs les 5 millions de vues sur YouTube et le titre est numéro un sur iTunes.

Mais une telle exposition sur le web n'est pas sans risque. La perruque, le maquillage lui valent des railleries. Son homosexualité assumée – il a fait son coming out en chanson sur Twitter en juin 2017 – fait de lui une cible privilégiée des homophobes. Et en novembre 2018, après avoir posté une simple reprise du tube d'Aya Nakamura, Djadja, un déferlement de haine s'abat sur Bilal. Des appels au meurtre sur fond d'apologie du terrorisme. Cette fois, le jeune homme porte plainte et dénonce l'inertie des réseaux sociaux face au harcèlement. Il reçoit alors le soutien de deux députés qui demandent à Twitter de "mettre en œuvre une politique plus volontariste et ferme" en matière de "lutte contre le cyber harcèlement et les LGBTphobies en France".

Je reçois beaucoup beaucoup d'amour, même s'il y a toujours une minorité bruyante. Ils font du boucan donc on les remarque. J'essaie de ne plus y prêter attention.

Bilal Hassani

à franceinfo

Pour se protéger, l'artiste a installé une application qui filtre les messages haineux. Et il s'astreint à passer du temps dans sa bulle : "Avec ma maman, loin de mon téléphone autant que je peux, ou avec mes amis. On se crée des petits moments où on ne parle pas de ça." Outre sa mère, chez qui il vit toujours, Bilal Hassani peut compter sur des soutiens de poids, comme Aya Nakamura, justement, qui fait une apparition dans le clip de Roi. Même Janet Jackson l'a repéré et encouragé sur les réseaux sociaux.

De quoi préparer plus sereinement l'Eurovision. Participer au concours est "un rêve de gosse" : "Je regarde l'Eurovision depuis que j'ai 9 ans, c'est un show de ouf, trop trop stylé !" s'enthousiasme-t-il. "Au-delà de la chanson, c'est un candidat parfaitement capable d'assumer la campagne, pour faire la tournée des médias européens, de se produire dans des concerts à l'international… Bilal Hassani, c'est une histoire", jugeait Fabien Randanne en janvier. Dans Roi, une ballade qui raconte son propre parcours, le jeune homme alterne couplets en français et refrain en anglais et français. Une formule qui pourrait faire mouche lors du concours international.

"Ne pas s'arrêter à sa perruque"

Pour "briller", comme il le chante dans Roi, Bilal Hassani travaille également sa mise en scène avec un chorégraphe. "Pendant les couplets, il est seul sur le plateau parce qu'on veut qu'il raconte son histoire pour que les gens qui ne le connaissent pas ne s'arrêtent pas à la perruque mais écoutent le texte, expliquait à franceinfo le metteur en scène Mehdi Kerkouche. Sur les refrains, on fait le show car Bilal est un showman." 

"Quand je rêve, je suis un roi", proclame Bilal Hassani dans le refrain de sa chanson consacrée à "l'acceptation de soi". "Avec Roi, on veut dire 'écoutez votre cœur avant d'écouter ce que les autres peuvent dire de vous'", précise-t-il. Avant même d'être qualifié pour représenter la France, le jeune homme imaginait la suite : "Pouvoir porter les couleurs de mon pays à l'Eurovision, ce serait magique, fou. L'expérience inoubliable que tu racontes à tes enfants et à tes petits-enfants !" A lui de tout donner pour compléter le récit avec une victoire. 

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