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En Italie, le rappeur Fedez accuse la Rai d'avoir voulu censurer ses critiques de l'extrême droite

Le rappeur italien Fedez affirme que la Rai a voulu l'empêcher de critiquer la Ligue de Matteo Salvini lors d'un concert du 1er mai. La neutralité du service public audiovisuel est de nouveau mise en cause.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le rappeur italien Fedez au festival de Sanremo, le 6 mars 2021 (MARCO PIRACCINI / MONDADORI PORTFO / SIPA)

Le célèbre rappeur italien Fedez, compagnon de l'inflenceuse Chiara Ferragni, accuse la Rai de l'avoir censuré, déclenchant une vive polémique autour du groupe audiovisuel public : il affirme que des dirigeants de la Rai ont essayé de le dissuader de critiquer l'extrême droite pendant un concert du 1er mai. Un scandale qui ravive le débat sur la neutralité du diffuseur.

Lors du concert du 1er mai, Fedez, qui compte 12 millions d'abonnés à son compte Instagram, a fustigé la Ligue (extrême droite) de Matteo Salvini qu'il accuse de bloquer au Parlement une loi sanctionnant les discriminations, en particulier celles visant les minorités sexuelles.

Avant de réciter une litanie de commentaires anti-gay attribués à des membres de la Ligue - dont l'un dit : "Si j'avais un fils homosexuel, je le brûlerais dans un four" -, Fedez a affirmé que la Rai avait tenté de le faire taire avant de monter sur scène. Après un premier démenti, Fedez a publié une conversation filmée sur son téléphone dans laquelle le producteur du concert et la numéro 2 de la chaîne Rai3 arguent que l'événement ne se prête pas à une tribune politique.

Les syndicats accusent les partis de régner sur le service public

La Rai a plaidé que l'enregistrement avait été tronqué. La vidéo a été vue 2,2 millions de fois et des responsables politiques, dont l'ancien Premier ministre Giuseppe Conte (Mouvement Cinq Etoiles), ont apporté leur soutien au rappeur.


La question de la réforme de la gouvernance de la Rai - dont la direction est nommée par les partis politiques au pouvoir - est un serpent de mer en Italie. "Depuis des années nous dénonçons un 'système' à la Rai : c'est la particratie, qui, avec des partis différents, règne sur le service public", estime le syndicat des journalistes de la Rai USIG. "Laissez la Rai libre, laissez les idées, l'information et l'art libres."

Le patron de la Rai3, Franco Di Mare, sera auditionné en urgence mercredi par la commission parlementaire de surveillance de l'audiovisuel, a annoncé lundi soir l'agence Ansa.

Un service public remodelé par Silvio Berlusconi

L'affaire a fait la une des journaux lundi, et le président de la Chambre des députés, Roberto Fico, a appelé le groupe audiovisuel à faire passer "la compétence et l'indépendance avant tout".

La question de la liberté et de l'indépendance des médias de service public est particulièrement sensible en Italie où le paysage journalistique a été remodelé par l'ancien Premier ministre et milliardaire Silvio Berlusconi, que son conglomérat Mediaset a porté dans ses ambitions politiques.

En 2015, le gouvernement de Matteo Renzi a transféré le pouvoir de nommer les dirigeants de l'audiovisuel public de l'exécutif au Parlement, sans pour autant parvenir à rendre le processus totalement transparent et à faire taire les critiques.

La Rai est le diffuseur le plus regardé d'Italie, avec environ 36% de part de marché. Mais elle dépend de téléspectateurs vieillissants et affronte la concurrence féroce des bouquets privés, comme Sky Italia et Mediaset.

Le président de la Rai soutenu par Matteo Salvini quand il était au pouvoir

Le président de la Rai, Marcello Foa, est un journaliste italo-suisse dépeint par la presse italienne comme eurosceptique, admirateur de Vladimir Poutine, anti-vaccins et qui aurait à plusieurs reprises relayé des théories complotistes. Sa candidature en 2018 avait été ardemment soutenue par le chef de la Ligue, Matteo Salvini, alors que la Ligue était au gouvernement avec le Mouvement Cinq Etoiles. Le Parti démocrate, alors dans l'opposition et aujourd'hui aux affaires dans le cabinet de coalition de Mario Draghi, s'y opposait.

La polémique intervient quelques jours seulement après que le groupe eut décidé de mettre fin sur ses antennes à la pratique des "blackface", représentation caricaturale de personnes noires par des acteurs blancs grimés qui faisait partie des animations régulières dans l'une des émissions hebdomadaires de divertissement diffusées par le groupe.

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