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Le label Ed Banger fête ses 15 ans : rencontre avec le boss de l'électro, Pedro Winter

Chez Ed Banger pour un anniversaire, on édite un album, un medley. Et même si chez Ed Banger on produit de la musique électro, le meilleur de la scène française, de Justice à Laurent Garnier, pour ne pas faire comme les autres, ce sera un disque avec... un orchestre classique. Classique ? Pedro Winter, le patron du label, nous explique ses choix.
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Pedro Winter chez Ed Banger 
 (Christophe Airaud)

Le 31 mars dernier, au Grand Rex à Paris retentissaient les tubes du label Ed Banger orchestrés à la mode musique classique. L'Orchestre Lamoureux, avec ses archets vigoureux et ses cuivres tonitruants sous la baguette de Thomas Roussel, transformait les mélodies, pulsations et beat électro de Breackbot, Cassius, DJ Mehdi, Justice sans oublier Laurent Garnier en hymnes épiques et grandioses. C'est devenu un album : "Ed Banger 15 ans" (Because Music). A  l'occasion de sa sortie, rencontre avec Pedro Winter, initiateur de ce projet.

  • Votre premier souvenir de musique classique ? 

J'ai un souvenir assez précis qui va vous faire marrer, c'est "Amadeus" de Milos Forman au cinéma. J'ai le souvenir de me faire tirer par les pieds par mes parents pour y aller et avec mon frère, on était dégoûtés, j’avais neuf ans. A neuf ans, on subit les choix de ses parents, après j'ai fait mes choix musicaux par moi-même et ce fut Frankie Goes to Hollywood, Culture Club et Tears for Fear. 

 

  • A neuf ans, la musique classique avait un côté ennuyeux ?

La musique classique avait ce côté poussiéreux déjà. Et encore aujourd’hui, car il y a un problème d’identification, un souci pour se projeter, nous même au Grand Rex, on a bien senti qu'il y avait encore un problème d'accessibilité. Effectivement, avoir un piano à queue chez soi, ce n’est pas pour tout le monde. Même si pour faire du classique, ce n’est pas obligatoire d’avoir un piano à queue chez soi. Et le violon a toujours un côté désuet. Mais ce n’est qu’une image, car une fois qu'on s’en approche, on se laisse embarquer par cette musique. Car c’est de musique dont on parle. C'est aussi pour cela qu'on a mis en scène le concert. Avec des violoncelles à cinq mètres de haut, et des musiciens en baskets pour que les kids se reconnaissent un peu dans leur look.

Et moi en fait, la musique classique je la vis comme la majorité des gens : avec la musique de John Williams, des BO des films de Spielberg, celles de James Bond et - je fais la blague à chaque fois - le classique, longtemps, c’était pour moi le générique des Simpson.
 

  • Mais alors pourquoi un orchestre classique pour un anniversaire ?

C’est le côté épique, grandiloquent, ambitieux de faire quelque chose de plus gros que soi. C’est marrant de se dire que certains morceaux que l’on a produits sur le label ont été créés avec un ordinateur, un sampler et une boîte à rythmes, des objets qui tiennent dans une petite pièce. Nous avions envie de nous confronter avec quelque chose qui nous dépasse, de plus grand que nous. Primo, en termes de talent, d'écrire et de lire la musique, de la réarranger. Et ce fut le travail monstrueux fait avec maestria par Thomas Roussel. Et ensuite il y avait l’envie d’être un peu mégalo, disons ambitieux avec 70 musiciens pour un concert unique. Dans notre métier de l’électro, ça n’existe pas.
 

  • A la première écoute, quelle fut votre sensation ?

Je me suis dit que ça marchait bien. Que la musique soit jouée par des petits carrés en midi sur un ordi ou par dix violons, l’intensité était là, l’émotion était là. Je dois avouer en plus qu’il y a une surenchère de l’émotion grâce au souffle de 70 personnes qui poussent cette musique. J’ai envie de croire qu’il y a la même émotion entre l’électro et le symphonique. Une montée en électro, elle fait sourire, elle peut hérisser les poils. Dans la dance music, les montée pour aller à l’extase, on sait faire, on maîtrise effectivement. On ne compare pas, mais en classique, il faut dire que 25 violons donnent aussi les larmes aux yeux et c'est grandiose. C'est même parfois grandiloquent, c'est ce que nous recherchions. Nous n'aurions pas été dans ces directions avec nos ordinateurs. 

  • Mais l'électro, ce n'est pas écrit sur des partitions?
Pedro Winter se lève et nous tend un livre, un recueil des neuf morceaux imprimés en partitions. 300 pages où les portées des clarinettes, bassons ou violons se succèdent. 
Partition de Suite n°5 DJ Mehdi
 (Ed Banger )
Thomas Roussel est venu au label, on a fait une sélection de 50 morceaux que l’on a mis sur un disque dur, qu’il ne m’a toujours pas rendu, d’ailleurs, et pendant trois mois, il a gratté ses 300 pages de partitions. C'était plus ou moins facile à adapter. Certains comme Justice ou Breackbot, sont inspirés par les violons du disco, donc c’était plus facile. Pour d’autres, plus rythmiques et électroniques comme Mr Oizo, c’était plus compliqué. 

On a choisi des morceaux, on a fait attention car en électronique, c’est le rythme, c’est la batterie qui lead la musique. Sur ce projet, on n’a pas de boîte à rythmes, pas d’ordinateur, dans le symphonique nous avons des percussions mais il fallait trouver la dynamique. C’est sur les pêches de violons et sur l’énergie des cors que l’on retrouve la dynamique de l’électro.


  • A l’écoute de l’album, on entend du John Williams, immense compositeur de BO.
C’est une volonté artistique car nous, les artistes du label, nous sommes trés attachés aux BO de film, donc c'était évident d'aller dans cette direction. Et pour l’anecdote, la formation choisie par Thomas Roussel était composée de 25 violons comme l’orchestre de John Williams dans Indiana Jones. C’est la même formation symphonique. Certains artistes du label disaient : fais gaffe, cela peut faire un album de reprise "pouet pouet", mais en fait, c’est un peu notre création John Williams à nous.

L'album "Ed Banger 15 ans" chez Because Music. 
 

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