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Le graphisme de la French Touch au Musée des Arts Décoratifs

La French Touch, c'était hier, presque maintenant. Pourtant, ce mouvement de musique électronique que le monde nous envie entre déjà au musée. Enfin, une partie non négligeable de la French Touch : ses visuels, son graphisme. Les pochettes ? Nous sommes des milliers, voire des millions, à les avoir à la maison. Alors, ça fait quoi de voir des objets familiers sur les murs des Arts déco ? Ca fait sourire. Ca dérange aussi. Pourtant, il y a toujours quelque chose à apprendre. Visite guidée.
Article rédigé par franceinfo - Laure Narlian
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Quelques pochettes de la "French Touch".
 (Droits réservés)

CE QU'ON A RETENU DE L'EXPOSITION:

La French touch a une date de péremption
On connaissait l'acte de naissance du mouvement, baptisé après une réflexion d'Eric Morand du label F-Com formulée en 1994 ("We give a french touch to house music"). La French Touch naît alors, avec les premiers morceaux de Air, les compilations Source Lab, St Germain, la Funk Mob, Motorbass puis Daft Punk, Cassius et Etienne de Crécy. Mais on ne savait pas que la French Touch avait aussi un acte de décès. Imprécise, mais pourtant définitive, la date se situe autour de 2004, si l'on en croit l'expo. Après cela, on parle de "French Touch 2.0".  Le label Ed Banger de Pedro Winter (Justice, Dj Mehdi, Uffie, Cassius, Mr Flash, Breakbot...) pourtant né en 2003, et son génial graphiste attitré, So-Me, sont donc écartés du champ de cette exposition. Dommage.

La french touch n'a aucune unité graphique
Et cela saute ici aux yeux. Quel rapport entre les images technoïdes pour F-Com,  les comics revisités de Cassius, les photos de mode des flyers des soirées Respect et les clins d'oeil au consumérisme de masse de H5 pour Superdiscount ? Les jeunes graphistes, qui nouent au milieu des années 90 des liens avec les musiciens et labels en quête d'originalité, n'ont pas de vocabulaire ou d'idéologie communs. Ce qui les rassemble est une grande liberté créative et un rejet de l'esthétisme convenu qui leur a été enseigné. "Dès lors, la pochette de disque et les flyers deviennent les pages blanches de leur expérimentation".

Mr Oizo "Flat Beat" clip et musique signés Quentin Dupieux

La culture du mixe
Les références, l'humour et le détournement du travail des graphistes de la French Touch participent de la culture du mix, de la citation et du copié-collé. Cette même culture utilisée par les musiciens électroniques (samples, collages audios).

Graphisme et musique se sont imposés ensemble à l'export
Si sa sève et son imagination ont indiscutablement aidé à imposer la French Touch à l'étranger, le graphisme français a aussi bénéficié en retour de l'emballement autour de la musique. Grâce à elle, le graphisme français s'exporte pour la première fois à l'étranger. Il interesse l'univers de la mode, de la publicité, de l'art contemporain et sort du champ limité des institutions culturelles.

PETITE VISITE GUIDEE

1 - Un joli clin d'oeil attend le visiteur à l'entrée. L'expo s'ouvre en effet sur une piste de danse plongée dans une semi-pénombre, agrémentée d'une programmation musicale émise depuis une cabine de DJ entourée de  néons, comme une esquisse du fameux dispositif scénique très imité "Beats'n Cube" mis au point par le duo d'architectes 1024 pour Etienne de Crécy (dispositif né, rappelons-le, en 2007, mais on n'est plus à une contradiction près).

Etienne de Crécy "Am I Wrong" clip signé H5

2 - La scénographie est plutôt réussie. Les quelque 300 pochettes de disques, photos et flyers sont répartis par labels, un ou deux par pièce, comme dans autant d'alcoves. Si vous connaissez bien les pochettes et les flyers, vous ne connaissez pas forcément leurs auteurs. On remarque les photographies d'Agnès Dahan pour les soirées Respect, les  détournements de H5 hauts en couleurs pour Superdiscount et le label Solid, Geneviève  Gauckler pour F-Com (Laurent Garnier, St Germain), Mike Mills pour Air ou Serge Nicolas  pour les labels Roulé et Crydamoure satellites de Daft Punk. On y découvre aussi des cas transverses comme Alexandre Courtès, qui revisite les comics pour les pochettes et les clips de Cassius mais travaille  aussi pour Air et pour Daft Punk dont il a signé la pochette de Discovery et les premiers casques qui leur tiennent lieu de masques.

Daft Punk "Revolution 909" clip signé Roman Coppola

3 - Musique et clips. La musique accompagne constamment le visiteur et des projections de clips tournent sur les écrans. Certes, ils sont tous sur Youtube. Mais cela vaut le coup de s'asseoir sur les petits canapés et de s'y replonger. Car ils font écho aux pochettes et on en a forcément  zappé certains - celui de Alex & Martin pour Cassius et Jocelyn Brown, "I'm a Woman", nous  avait par exemple échappé en son temps.

Cassius "99" clip signé Alex & Martin

4 - Le Home Studio de Air. A voir, dans la pièce consacrée à Air, la reconstitution de leur home studio pour leur premier album "Moon Safari" de 1998. Avec quelques synthétiseurs à se damner sous vitrine : Fender Rhodes, Syrinx, Minimoog, de même qu'un vocoder Korg, un Korg Mini Pop 45 etc... A droite de cette vitrine, ne manquez pas d'admirer au mur une vraie pièce de collection:  une affiche de concert à Versailles de Orange, LE groupe matriciel de la French Touch  puisque y officiaient Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel de Air, aux côtés d'Etienne de  Crécy et d'Alex Gopher. Avec, en première partie Oui Oui, le groupe de Michel Gondry ! Co-llec-tor !

Air "Sexy Boy" clip signé Mike Mills

5 - Le doc d'époque. Enfin, au fond du couloir à droite, ne loupez pas le documentaire de Alexis Bernier et Philippe Levy sur la  French Touch,"Ces Français qui font danser le monde" diffusé à l'époque sur "Envoyé Spécial" de France 2. Daté de 1999, on y voit notamment un Laurent  Garnier juvénile et des disquaires new yorkais enthousiastes qui écoulent la  production made in France comme des petits pains. "Les Français font de très belles pochettes, en plus de faire de la bonne musique", souligne ainsi le vendeur de Vinylmania, tout sourire. On n'aurait pas dit mieux.

Laurent Garnier dans le documentaire de Alexis Bernier et Philippe Levy.
 ("Ces Français qui font danser le Monde")

French Touch, Graphisme, Vidéo, Electro
Jusqu'au 28 avril 2013
Musée des Arts Décoratifs
107 rue de Rivoli, Paris 75001

> Ecoutez Radio French Touch, une sélection musicale sur-mesure pour l'exposition, sur Deezer

> A noter que l'un des phares de la French Touch en matière de graphisme, le collectif H5, qui a signé les pochettes de Superdiscount, est actuellement invité par la Gaîté Lyrique. Il explore les usages et les pratiques de la com et de la politique à l'ère 2.0. Il propose pour ce faire un parcours ludique et parfois inquiétant à travers la stratégie marketing d’une marque fictive sympathique : HELLO™. Jusqu'au 30 décembre à la Gaîté Lyrique.

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