Laurent Garnier : d'Electrochoc en Rêves syncopés
Depuis la parution d’ « Electrochoc » en octobre 2003, il s’en est passé des choses dans la vie de Laurent Garnier et dans la musique ! Document incontournable sur l’odyssée de la techno, mêlant la petite histoire à la grande (la trajectoire du dj se confondant avec celle des musiques électroniques), cet ouvrage culte méritait d’être actualisé. C’est chose faite.
Et comme Laurent Garnier ne fait jamais rien à moitié, cette édition enrichie, sous-titrée « L’Intégrale 1987 - 2013 », revient en détail sur les dix dernières années marquées par de profonds changements. Bouleversements technologiques, effondrement des ventes de disques, émergence de nouveaux courants musicaux et de nouveaux festivals, innovations berlinoises : rien n’est oublié, y compris les réflexions face au dévoiement mercantile d’une partie du mouvement. On y apprend par exemple qu’à l’ère du numérique roi, le sac de ce dj de légende « pèse désormais moins d’un kilo » et que ses « outils de travail se résument à un ordinateur portable, un casque audio et six clés USB : l’équivalent de 24 caisses de disques ! ».
Après Manchester, Detroit et Chicago, qui dominaient la première version, on se promène cette fois plus longuement à Berlin et à Tokyo (mémorable fin du club « Yellow »). On discute avec le pionnier François Kevorkian, l’influent James Murphy (leader du groupe new yorkais LCD Soundsystem et patron du label DFA) et « l’éclaireur » Pedro Winter (patron du label français Ed Banger). Mais on y lit aussi les impressions de David Guetta, « car qu’on le veuille ou non il a changé beaucoup de choses dans le monde de la musique aux Etats-Unis ».
« Si nous avions raconté dans Electrochoc l’histoire telle qu’elle est, sans se poser de question, sur ce dernier chapitre on s’en pose énormément ! », nous expliquait Laurent Garnier cet été. « On se demande notamment comment durer dans un monde où tout change et où tout s’accélère, des questions qu’on ne se pose pas quand on a 20 ou 30 ans. »
En bon chercheur qu’il est, Laurent Garnier a trouvé la réponse à la question « comment durer ? ». En s’écoutant. En restant «attaché à mes valeurs» tout en se foutant des canons de l’époque. En continuant à se laisser guider par l’affect plutôt que par le fric. Tout en cherchant à tourner la musique «inlassablement vers d’autres horizons».
Dans la continuité du premier volume original, cette version « Intégrale » enrichie est un récit ultra vivant, vécu et passionné, et un précieux document qui se lit d’une traite.
"Electrochoc - L'intégrale 1987-2013" de Laurent Garnier et David Brun-Lambert (Flammarion, 21 euros)
Le roman graphique poétique
Pour le roman graphique « Rêves syncopés », qui traite davantage des dix premières années de la techno, on retrouve le même fil rouge : la voix de Laurent Garnier.
Au texte, Mathilde Ramadier mélange le récit intime du dj à la première personne du singulier, dialogues avec de grandes figures (Jeff Mills, Eric Morand de FCom) ou situations d’interviews par une journaliste radio.
« Je suis seul avec cette pulsation à plus de 120 battements par minute. Le temps me passe dessus. Le corps a trop chaud. La pensée est sur l’étendage. Je divague un peu. Cette musique, c’est une expérience primitive et puissante dans laquelle le champ du réel est pulvérisé. »
Au dessin, Laurent Bonneau accompagne ce genre de réflexions intimes de grands traits impressionnistes aux couleurs tranchées : rouge, bleu ou gris. Qu’il s’agisse de l’euphorie des corps et des esprits sur le dance-floor, saisis comme en caméra subjective, ou des rues désertes des capitales au petit matin, son regard est toujours troublant de justesse.
Une belle BD onirique et poétique avec lequel on apprend tout en se régalant les yeux. Ne lui manque que le son. Et de ce côté-là, il n’y a que l’embarras du choix...
"Rêves syncopés" de Mathilde Ramadier & Laurent Bonneau (Dargaud, 19,99 euros) Feuilletez les première pages ici
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