La Techno Parade fait sa mue et enrôle Agoria : interviews
- L'an passé, Bob Sinclar était le parrain de la Techno Parade, après David Guetta ou Martin Solveig. Changement radical d'orientation cette année avec Agoria, un Dj moins commercial et franchement techno. Quelle était la volonté en s'associant à lui ?
Tommy Vaudecrane : Il y a cette année une volonté globale de changement. On voudrait regagner en légitimité. Après 15 ans, nous souhaitons que la Techno Parade serve à autre chose qu’à faire la promotion d’artistes mainstream, qui sont connus et passent en radio. La Techno Parade étant un outil puissant de visibilité, autant que ça serve à des artistes et des labels qui ont besoin d’être soutenus.
Avec Agoria comme parrain, un artiste qui n’a pas 2 millions de fans sur twitter mais qui a du poids dans l’écosystème des musiques électroniques, c’est une façon montrer que sous le mainstream il y a autre chose. Maintenant que le grand public est habitué à la techno grâce à son versant le plus commercial, l’ambition est de commencer à le nourrir et à l’ouvrir à d’autres sensibilités, comme le dubstep, la minimale, l’électro-dirty, la drum’n’bass, le hardcore, la trans…
- Concrètement, ça se traduit comment sur la Techno Parade 2012 ?
Tommy Vaudecrane : D’abord il n’y aura pas de chars d’écoles de commerce, pas de char EDF. Comme on n’est pas beaucoup aidés par l’Etat on fait forcément appel à des marques privées pour le sponsoring. Mais on va essayer désormais d’être plus cohérents, de travailler avec des marques sensibles à la culture techno ou d’accord pour offrir un plateau sur nos conseils. Dark Dog (boisson énergisante) par exemple, a intégré l’esprit techno depuis longtemps, mais aussi Haribo avec un char qualitatif mais moins mainstream qui accueillera cette fois Agoria.
Cette année, il n'y a qu'une douzaine de chars, contre 18 à 20 auparavant, mais avec des collectifs de passionnés. En même temps, nous n'allons pas changer l’événement de fond en comble en une seule édition. On va y aller par étapes. En 2012, c’est l’étape numéro un : ramener plus de passionnés sur le devant de la scène. A terme, on voudrait que tout ne tourne pas autour du défilé, essayer de diversifier l’offre. On verrait bien un gros événement de clôture type hyppodrome et pour commencer on a trois soirées samedi soir : une à la Grande Halle de la Villette centrée sur le dubstep, une autre au Showcase (club situé sous le pont Alexandre III à Paris) et une autre à Villeneuve-La-Garenne.
- Quel est le rôle du parrain de la Techno Parade ? De quoi décide-t-il ?
Tommy Vaudecrane : Il joue sur la parade et il a sa propre soirée. C’est en fait un échange de bons procédés : il bénéficie du coup de projecteur de la Techno Parade et en échange il fait passer un message, il véhicule pour nous une autre idée de la Techno Parade. Dans l'idéal, l'évènement devrait être avant tout une source de découverte musicale.
- Ces dernières années, la Techno Parade ne faisait plus rêver. Les fans de techno ne s’y sentaient plus représentés. Que s’est-il passé ? Où avez-vous dérapé ?
C’est peut-être que durant 8 ans notre président était une agence d’évènementiel (Magic Garden pour être précis). Cela a sans doute contribué à mettre en avant la facette la plus commerciale de la techno. Cependant, il faut se souvenir que cette période était favorable au mainstream et que l’événement est autofinancé. Mais il y a aussi un problème plus profond en France : la techno s’est peu à peu segmentée et la parade en est le reflet. Tout le monde se chamaille, tout le monde fait la gueule mais n’agit pas. Les râleurs auraient pu prendre un char par exemple s’ils voulaient se faire entendre…
- Mais les prix sont exorbitants, non ? Combien coûte un char ?
Ca coûte de 5.000 à 15.000 euros. Ceux qui l’ont tenté, qui y ont mis de l’énergie et de la foi ne l’ont jamais regretté. Ils ont eu beaucoup de retours. On voudrait que les gens, et en particulier les acteurs de la techno, portent un autre regard sur l’événement. On leur dit « appropriez-vous la techno Parade, faites-en ce que vous voulez ! ». Il faut éduquer les jeunes. Ils voient passer un char, il y a de la bonne musique, on leur distribue des flyers et ils peuvent aller plus loin, découvrir un genre, un label, un collectif.
Notre interview d'Agoria au sujet de son rôle de parrain de la Techno Parade, réalisée en mai aux Nuits Sonores de Lyon
- La techno, qui a décollé en France il y a une vingtaine d'années, a-t-elle encore besoin d’être défendue en 2012 ?
Tommy Vaudecrane : Oui, il y a encore plein d’organisateurs d’évènements qui se heurtent à de gros préjugés anti-techno dans certaines régions, et certaines mairies sont encore ouvertement anti-techno. Ils font attention, car on a quand même remporté deux procès pour discriminations, alors il invoquent des soucis accessoires : sécurité, nuisances, circulation. Notre rôle c’est de discuter avec ces gens là et de les convaincre qu’ils ont aussi à y gagner.
Sur l’aspect lobbying, il y a encore beaucoup de travail pour faire accepter les musiques électroniques dans toutes les couches de la société. La techno est encore considérée par les institutions comme une « musique actuelle » et mise à ce titre dans le même panier que le rock. Or nous voudrions faire reconnaître ses spécificités afin de lui offrir des lieux plus adaptés.
Avec le nouveau gouvernement nous avons senti une nouvelle écoute. Droite et gauche ont fait des gestes pour la techno, mais cette fois parmi les équipes aux affaires, il y a des gens plus compétents dans ce domaine qui travaillent avec nous depuis des années.
- Quel était l’objectif de départ de la Techno Parade il y a 15 ans, en 1998 ?
Tommy Vaudecrane : Technopol a été créé à Lyon après l’annulation de différents évènements techno, à une période de grosse répression. Après deux ans de discussions, une circulaire du ministère de la Culture avait été émise en vue de la reconnaissance de la Techno comme une culture. Pour fêter ça, il y a eu la Techno Parade. L’idée c’était de dire « merci, regardez qui nous sommes». C’était un message à la fois politique, de joie et de célébration. Aujourd’hui, on est davantage une vitrine culturelle, un panorama des musiques électroniques à l’instant T.
- Meilleur souvenir ?
La première techno parade, en 1998, quand j’ai vu tous les chars alignés Boulevard Saint Jacques en arrivant à Denfert et que je me suis dit « Alors c’est vrai, ils ne nous avaient pas menti ! » et le final Place de la Nation avec Laurent Garnier et Scan X.
- La Techno Parade dans 10 ans ?
J’espère qu’elle existera toujours. Qu’elle sera beaucoup plus ouverte, plus européenne, et qu’il y aura plus de choix avec 3-4 Halls porte de Versailles par exemple. Surtout, je ne voudrais pas qu’on ait regressé, qu’on soit revenu au stade de 2007 (rires).
La Techno Parade part samedi à midi de la place de la Nation en direction de la Place d'Italie, en passant par le bd Diderot, le bd Daumesnil, l'avenue Ledru Rollin, le Pont d'Austerlitz et le boulevard de l'Hôpital. Toutes les infos sur Technoparade.fr
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