Amadou & Mariam coupent la lumière pour mieux voir le son
Embarquement immédiat pour un jour à Bamako
Il fait nuit noire. Et plutôt frais. Ca sent l'encens. Un coq chante. Des oiseaux gazouillent et une mobylette vrombit au loin. Le premier "Salam alékoum, ça va bien ?" soulève doucement le voile du petit matin. Celui d'un jour nouveau à Bamako, capitale du Mali.
Au préalable, il a fallu tout laisser au vestiaire. Son manteau, son sac, son portable et tout ce qui peut briller dans le noir. Mais aussi se délester de quelques habitudes. A commencer par celle qui consiste à vouloir voir les musiciens, plutôt que de ressentir la musique.
Un narrateur, à la façon d'un griot africain, commence à dérouler la saga du couple malien le plus connu au monde. Au fil du spectacle, constitué de onze chansons, le conteur Hamadoun Tandina retracera les grandes étapes de leur vie, de leur enfance à leur triomphe, en passant par leur apprentissage musical et leur mariage.
Un seul sens vous manque... et les autres se développent
"Bali Maou", premier titre créé par Amadou dans sa jeunesse, ouvre le bal musical. Il permet d'abord d'apprécier la beauté du chant et des instruments, dont un balafon et une kora, et la qualité remarquable du son. Est-ce parce que notre vue est aux abonnés absents ? "Quand vous ne pouvez pas voir, votre sens de l'écoute devient plus riche, vous appréciez la qualité de la musique", explique Amadou. "Je voulais que le public entende la musique exactement comme Mariam et moi l'entendons."
La magie s'installe véritablement avec la seconde chanson, "Teree la Seben", le premier morceau connu de Mariam emmené par la Kora virtuose de Madou Diabaté (frère du fameux Toumani Diabaté). Nous voilà bercés, nourris, caressés, enveloppés par la musique, grâce aussi à la merveilleuse acoustique de l'auditorium de la Cité de la Musique.
Le concert dans l'obscurité à Laval
Un univers maternel et naïf
A ce stade, nous avons lâché prise et surtout cessé de nous obstiner à écarquiller les yeux dans le noir. Nous nous sommes remis entièrement entre les mains des ambassadeurs de l'amour Amadou et Mariam, nous sommes leurs enfants. Au-delà de l'effet "téléportation", un sourire intérieur s'installe, qui ne nous quittera plus. Autour de nous, les applaudissements sont nourris, les bravos et les rugissements de joie fusent.
Un parfum capiteux de fleurs envahit les lieux, une ivresse inconnue nous gagne. On n'a pourtant ni fumé la moquette ni même pris une gorgée de bière. On se prend à dodeliner de la tête à la façon de Stevie Wonder. Mariam annonce ses chansons d'un "chaud chaud" et tout le monde tape spontanément dans ses mains en rythme.
Les hymnes et les souvenirs s'égrennent
Les souvenirs et les morceaux défilent: "A chacun son problème", qui les a fait connaître en Côte d'Ivoire puis dans toute l'Afrique de l'Ouest, "Beaux Dimanches", leur hit mondial produit et arrangé par Manu Chao, mais aussi l'adorable "Je pense à toi", l'arrivée à Paris avec les sons hilarants du métro et les sifflets des agents de la circulation, ou encore "Sabali" produite par Damon Albarn (Blur, Gorillaz). Jamais on n'a autant dansé entre les bras d'un fauteuil.
Au dernier titre, "Wili Kataso", un inédit extrait du prochain album d'Amadou et Mariam, la lumière reprend doucement ses droits, mais tout en grâce, avec un ciel pur et une éclipse lunaire qui prolonge encore un peu la magie, découvrant les neuf musiciens et chanteurs. L'ovation est méritée : Amadou et Mariam ont réussi leur pari d'ouvrir les yeux et le coeur des hommes atteints de cécité. Offrir durant 1h15 à cette société dominée par l'image ce qu'elle a oublié en chemin : le ressenti. Un peu plus, on en embrasserait ses voisins de fauteuils.
Amadou et Mariam en concert
à La Cité de la Musique de Paris
Samedi 14 Janvier 2012 à 20h
Dimanche 15 janvier 2012 à 16h30
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