Victoires de la musique classique 2019 : 5 moments forts à revoir
Présentée par Leïla Kaddour et Judith Chaine, la cérémonie des Victoires de la musique classique est riche, rythmée, variée. Fil rouge de la soirée, la transmission musicale, la jeunesse. Et il n'est pas difficile de le deviner, la présence de jeunes musiciens amateurs (ou pas, d'ailleurs) s'impose sur scène (avant de commencer), dans les couloirs, les gradins. La grande salle de la Seine musicale prend même l'aspect d'une tribune de stade, les supporters de certains musiciens nommés pour des Victoires offrant un joyeux vacarme entre deux prestations scéniques. Jolie ambiance.
Voici cinq moments qui nous ont touchés sur scène. On aurait pu en choisir un grand nombre, de Lang Lang délivrant une personnelle "Grande valse brillante" de Chopin, habité, léger et malicieux, au duo de Roberto Alagna et Aleksandra Kurzak ("O soave fanciulla" de la Bohème, Puccini), en passant par le baryton Stéphane Degout, doublement vainqueur aux Victoires, dans un extrait d'"Hamlet" d'Ambroise Thomas. Mais on a préféré faire écho, par quelques moments magiques, au thème de la transmission.
Alors qu'il reçoit des mains d'une petite fille, élève violoniste, son disque d'or pour l'album "Cinéma", Renaud Capuçon a cette phrase : "Je suis étonné de voir à quel point on est, nous les classiques, à côté de la plaque. On pense qu'on doit venir habillés en jean, qu'on doit être un peu démago (…) En fait, il suffit qu'on soit naturel avec la musique (…) Simplement, avec un peu de pédagogie naturelle, et en incarnant ce qu'on est, on se rendra compte que les gens adorent la musique tout court et la musique classique aussi. Et cela passe notamment par l'éducation". Tout est dit. Victoire de la Révélation soliste international de l'année en 2000, Renaud Capuçon est ici à sa place. Dans cette séquence très émouvante, il rend hommage à Michel Legrand, dont il dit qu'il "fait partie de la vie de tous les Français", en interprétant la musique du film "Un été 42". Le thème est porté avec une grande sensibilité par le violoniste star et redistribué à l'ensemble de l'orchestre avec générosité.
Transmission, toujours. L'académie Jaroussky en résidence à la Seine musicale, qui permet à de jeunes amateurs de suivre une formation musicale gratuite, est à l'honneur aux 26e Victoires. Et notamment à travers cette séquence d'un concert, le célèbre "Trio pour piano, violon et violoncelle" de Schubert (celui du film "Barry Lindon"), donné successivement par trois trios de niveaux différents : le premier trio n'a qu'un an d'études, le second est composé de jeunes talents, le troisième enfin celui des professeurs, trois collègues et amis de Philippe Jaroussky : le violoncelliste Christian Pierre la Marca, la violoniste Geneviève Laurenceau et le pianiste David Kadouch. Notes hésitantes d'abord, puis mouvements maîtrisés, enfin phrasés remarquables : quel bonheur de voir ainsi représentées les différentes étapes de l'apprentissage de la musique ! Emouvant.
Le toulousain Thibaut Garcia est un guitariste précoce (il est né en 1994), salué par la critique déjà depuis plusieurs années. Il obtient la Victoire de la révélation soliste instrumental et monte sur scène sous les bravos très enthousiastes du public. "Je suis tellement heureux de représenter la guitare classique au milieu de ces incroyables musiciens", lance-t-il ému. "C'est un grand bonheur, un grand plaisir, un grand honneur, surtout qu'on considère souvent le milieu de la guitare classique comme un petit monde et moi je le considère comme une grande famille". Thibaut Garcia a choisi un passage du Concerto d'Aranjuez de Rodrigo, pièce des plus célèbres qui a déjà séduit par Paco de Lucia, Chick Corea ou Miles Davis. Thibaut Garcia enchante dans ce voyage nostalgique dans les jardins d'Espagne de Philippe II qui s'inspire à la fois de Scarlatti et d'Antonio Soler.
Il faut voir avant tout les images que France 3 a diffusées, prises d'en haut. Quatre pianos, deux de chaque côté, positionnés tête bèche, comme encastrés. Ce sont les pianistes Marie-Ange Nguci, Nathalia Milstein, Pierre-Yves Hodique et Nathanaël Gouin. Ils sont entourés de 24 cordes, quelques-uns des élèves du conservatoire de Boulogne Billancourt, pépinière de talents qui accueille 1400 élèves dont 400 en formation professionnelle. Ils jouent ensemble, le temps d'un concerto de Bach (le Concerto pour 4 pianos en la mineur). Le moment est joyeux, d'une remarquable légèreté malgré le nombre d'instruments, les pianos semblent sautiller comme des animaux de la forêt.
Vous avez dit jeunesse et transmission ? Edgar Moreau est l'un de ces artistes repérés et "labélisés" par les Victoires dès l'âge de 19 ans (il en a 24), qui trace une route personnelle et originale. Son dernier disque chez Erato sanctionne la rencontre entre Jacques Offenbach (du XIXe siècle donc) avec Friedrich Gulda, pianiste et compositeur du XXe siècle, anti-académique, provocateur, souvent explosif. La séquence ici est à l'image du compositeur. Le premier mouvement du concerto pour violoncelle et orchestre à vents : Edgar Moreau navigue joyeusement entre big band de jazz, harmonie classique et rock des sixties, à la limite du funk. Renversant !
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