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Miguel Ángel Estrella, pianiste et inlassable militant des droits de l'Homme, est mort à 81 ans

Le musicien franco-argentin, ancien ambassadeur et infatigable défenseur des libertés, avait surmonté la détention et la torture en Amérique du Sud pour se réfugier à Paris et reprendre sa carrière.

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
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Miguel Ángel Estrella le 15 septembre 2011 à Paris, à une conférence de presse (TIBOUL / MAXPPP)

Le pianiste engagé et ancien ambassadeur argentin Miguel Ángel Estrella, torturé sous le régime militaire uruguayen entre 1977 et 1980, s'est éteint en France à l'âge de 81 ans, a annoncé jeudi la délégation argentine à l'Unesco. "La Délégation argentine auprès de l'Unesco a la tristesse d'annoncer le décès de Miguel Angel Estrella, ambassadeur argentin auprès de l'Unesco et ambassadeur de bonne volonté de l'Unesco, pianiste et fondateur de l'ONG Musique Espérance", a écrit la délégation sur Twitter.

Torturé et détenu en Uruguay durant deux ans

Réfugié en Uruguay après avoir fui la dictature argentine au pouvoir depuis 1976, Miguel Ángel Estrella n'a pas été épargné par le pouvoir autoritaire uruguayen qui l'a torturé et détenu pendant plus de deux ans, le soupçonnant d'activités subversives. "Ils se concentraient surtout sur mes mains (...), feignant notamment de vouloir m'amputer", racontera le pianiste argentin, libéré sous la pression internationale en février 1980.

Pour ne pas perdre espoir sous la torture, Estrella "parle à Jésus" et pour garder une certaine agilité, il joue sur un piano imaginaire, dans sa cellule. Accueilli à Paris, il travaille pour redevenir le virtuose qu'il était. Et il racontera son histoire.

Dans ce document daté de 2014, le pianiste évoque les ravages de la torture sur ses mains et l'aide décisive de la France pour le faire libérer
L'artiste crée l'ONG Musique Espérance pour ouvrir des ateliers musicaux dans les bidonvilles et les prisons. Il joue aussi dans des écoles, des usines, des maisons de retraite. "La musique sauve", disait-il affirmant qu'en Amérique latine "il n'y a pas un seul jeune des bidonvilles formé à la musique qui soit tombé dans la drogue".

Il était "un musicien né" et "d'abord un poète", disait Nadia Boulanger de son élève

Né le 4 juillet 1940 à Tucuman, dans le nord de l'Argentine, d'un père poète fils de paysans libanais émigrés en Bolivie et d'une mère institutrice argentine d'ascendance amérindienne métissée, Estrella est marqué par les déshérités. Il se découvre une passion pour le piano à 12 ans et intègre à 18 ans le Conservatoire à Buenos Aires. Boursier, il séjourne à Londres et Paris.

Pour Nadia Boulanger, qui l'a eu comme élève, Estrella était un "musicien né" à la "puissance contenue" et "aussi et d'abord un poète". Son répertoire éclectique lui faisait mêler Rameau, Messiaen et le folklore latino-américain. Yupanqui et Piazzola côtoyaient Bach et Beethoven dans un même concert.

En 2009, Miguel Ángel Estrella jouait Chopin sur le plateau de l'émission "Des Mots de minuit"

Avec l'écrivain et journaliste Jean Lacouture, il écrit Musique pour l'Espérance (1983, éditions Cana) et, en 2000, le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) lui décerne la médaille Nansen pour avoir fait "avancer la cause des réfugiés".

Après avoir été ambassadeur de l'Argentine auprès de l'Unesco, Miguel Angel Estrella avait pris la tête de la Maison Argentine à la Cité universitaire de Paris.

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