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Le Festival d'Ambronay a 40 ans : cinq clés du rendez-vous incontournable du baroque

Ce festival, l’un des plus importants au monde pour la musique ancienne et baroque, entame sa 40e édition ce 12 septembre 2019. 

Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un concert à l'Abbatiale pendant le Festival d'Ambronay 2018. (BERTRAND PICHENE)

L’abbaye médiévale d’Ambronay, dans l’Ain, accueille l’un des festivals les plus réputés et appréciés pour la musique ancienne et baroque, parvenu à sa 40e édition. Hors saison des festivals, à cheval entre fin de l’été et automne, il s’articule autour de quatre week-ends, entre le 12 septembre et 6 octobre. En guise de programmation anniversaire, les organisateurs, le directeur Daniel Bizeray en tête, ont surtout voulu accentuer le compagnonnage et la transmission, en réunissant d’un côté les fidèles des débuts (les "stars" comme William Christie et les Arts florissants, Jordi Savall, René Jacobs…), et de l’autre côté tous ces artistes incontournables du baroque, révélés ou portés par le festival comme Leonardo Garcia Alarcon, Philippe Jaroussky, Christophe Rousset, Sébastien Daucé, etc. Mais il n’y a pas que les noms. Il y a un esprit d’Ambronay qui en fait un festival un peu à part. 

1Un lieu hors du temps

A une cinquantaine de kilomètres de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, un bourg charmant en rase campagne et, sur son flanc, l'imposante Abbatiale d'Ambronay, entourée de ses dépendances. Aujourd'hui l'ensemble en pierre blanche, plongé dans une végétation luxuriante, tape dans l'œil. C'est ça, aussi, l'effet festival. 1980 : l'heure est à la conservation du patrimoine local, l'abbaye créée sous Charlemagne attire l'attention des bénévoles. Le lieu qui, après le départ des moines mauristes, a perduré comme prison, fromagerie et même abri pour les forces aériennes libres en 1944… se prête à la musique. En 1984 l'un des "papes" du renouveau baroque, William Christie, invité par le jeune festival, est touché par l'acoustique cristalline de l'Abbatiale : il n'en faudra pas plus pour faire d'Ambronay un festival résolument tourné vers cette musique, ancienne et baroque.

Lee cloître de l'Abbaye d'Ambronay avant un concert lors du festival en 2016. (BERTRAND PICHENE)

Il souffle toujours à Ambronay un air hors du temps. Musique baroque sur instruments anciens dans les couloirs de l'Abbaye, concerts grand public dans les jardins, "visites musicales" du patrimoine monastique, bar musical pour des "afters" en fin de soirée… Et dans un chapiteau installé sur la place conventuelle de l'Abbaye, une programmation de musiques du monde assure un métissage des époques et des styles. 

2Archéologie musicale

Dès le milieu des années 1980, le festival a su attirer dans l'Ain les artisans du renouveau de la musique ancienne : Jean-Claude Malgoire en 1984, Jordi Savall en 1987, et tant d'autres ensuite, René Jacobs, Sigiswald Kuijken, Christophe Rousset, Philippe Jaroussky, Hervé Niquet, Gabriel Garrido, Paul Agnew… Autant dire la crème. Les répertoires français, italien, allemand, anglais, ibérique y ont été à l'honneur avec des concerts prestigieux. Avec une ambition de recherche. "Ambronay est un lieu qui a fait date dans la redécouverte de répertoires, et ils sont encore dans cette démarche-là, d'aller vers des œuvres peu connues, des choses assez pointues", nous dit Louis-Noël Bestion de Camboulas, co-fondateur du jeune ensemble Les Surprises, déjà associé au label Ambronay.

Des créations importantes en témoignent : un Ballet comique de la Reine, œuvre collective de 1581, exhumée en 1997 par Gabriel Garrido ou encore Il diluvio universale, œuvre d'un certain Michelangelo Falvetti, jamais rejouée depuis 1682. Présentée par Leonardo García Alarcón pour la première fois au Festival d’Ambronay en 2010, l'œuvre est devenue un carton au disque et en concert (plus de 50 représentations sur les plus grandes scènes du monde). 

3Un festival révélateur de pépites

Malgré la présence tutélaire des grandes références, à Ambronay, le patrimoine ancien rime le plus souvent avec une jeunesse très entreprenante. "Il y a une énergie, de la matière vivante, c'est vraiment ça qu'on ressent à Ambronay. On nous le dit souvent d'ailleurs : vous rendez vivante cette musique", rapporte Juliette Guignard, l’autre co-fondatrice des Surprises. La transmission est dans l’ADN du festival. L’Académie baroque européenne, fondée en 1993, y est pour beaucoup. Leonardo García Alarcón, à la tête de son ensemble Cappella Mediterranea, en est issu. Raphaël Pichon et Sébastien Daucé, formidables défricheurs du répertoire baroque, également. Idem pour les chanteuses stars Patricia Petibon, Karine Deshayes, Stéphanie d’Oustrac.


Autre instrument précieux, le programme européen "eeemerging" qui soutient et révèle des jeunes ensembles. C’est par son biais par exemple, qu’en 2016, les cinq musiciens de Sollazzo ont créé la surprise en faisant revivre avec finesse motets et autres chants de la fin du 14e siècle.

4Esprit de famille

La présence massive de jeunes crée une atmosphère d’euphorie musicale permanente, qui participe à l’esprit d’Ambronay. Une autre est celle d’une foule de passionnés : dans les jardins et les chemins dans l’abbaye, les gens passent, se croisent et se tutoient. Il y a le père Daniel-Paul Bilis, curé de la paroisse d'Ambronay, ancien disquaire, critique musical, c'est un vieil ami du festival. Et puis tous ces gens qui mettent la main à la pâte et sans qui l'aventure d'Ambronay n'aurait peut-être pas existé : les bénévoles, quatre-vingts au total, dont la plupart ont vu naître le festival. Ou alors c'était les parents ou les grands parents…

D'où une atmosphère "clairement familiale", selon Alain Brunet, qui a longtemps dirigé le festival. Le festival a beau s’être professionnalisé, l’esprit est le même. "Les artistes reviennent pour la chaleur humaine et cette qualité d'échange. Et le public à son tour le ressent", explique-t-il.

5Un public exigeant mais fidèle

D'une année sur l'autre, il n'est pas rare de reconnaître parmi les spectateurs de nombreux visages, des groupes, des familles. A Ambronay, le public est fidèle. "Comme c'est un festival de rentrée, le public a principalement un ancrage régional, même s'il y a une part de Parisiens et d'aficionados qui viennent de l'étranger (notamment du Canada, d'Israël…)", explique Pierre Bornachot, directeur artistique du festival. Et ce public a sa part dans la renommée du festival depuis quatre décennies.


Julien Chauvin, un chef régulièrement invité au festival, se souvient : "une des choses qu’on apprend la première fois qu'on vient, c’est l'existence de ce lien artistes-public, qui n’existe pas partout", nous dit-il. Avant de nous montrer, dans l'Abbatiale où ont lieu les grands concerts, l'agencement de la scène, pensé en fonction du public : "il faut être le plus proche possible des spectateurs qui sont devant, derrière et sur les côtés par rapport aux musiciens". A Ambronay, le public est, d'après les artistes, extrêmement exigeant, connaisseur. Et il a ses préférences. "On a observé qu'il a un goût prononcé pour la musique du sud, italienne ou ibérique, très expressive", explique Pierre Bornachot. "Et d'ailleurs les chefs qui séduisent le plus sont ceux qui savent faire passer quelque chose de fort dans la gestuelle ou dans l'énergie. Le public d'Ambronay y est sensible, bien plus qu'à la sobriété ou à la beauté parfaite".

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