Cet article date de plus d'onze ans.
Le Boléro, une Andalouse et des enfants, pour la 2e "Folle Journée" de Nantes
Sous un ciel gris des files de petits et de grands se dirigent le long d’un boulevard moderne pour le début de cette deuxième « folle journée ». Et devant les entrées cela ressemble à une cour de récréation. Vont-ils, tous ces enfants, au « Carnaval des animaux » ? Pas tous, 200 au moins sont venus applaudir le Boléro. Deuxième journée du mélomane blogueur...
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Temps de lecture : 7min
Le Boléro de Ravel par l'harmonie de la musique de l'Air
Face à ces enfants : le colonel Claude Kesmaecker, chef de l’orchestre d’harmonie de la musique de l’Air, et ses musiciens, cuivres et bois, en tenue (les filles aussi), encadrés par une harpe et deux contrebasses. Au menu le « Boléro » de Ravel. Oui mais dans une version réécrite pour la Garde Républicaine et que Ravel, ravi de cette version, accepta de diriger lui-même. Cela sonne dru, spectaculaire, et quels saxophones ! Justement, question aux saxophonistes : pourquoi êtes-vous entrés dans l’armée ? Pour faire exclusivement de la musique. Ces orchestres d’harmonie sont les seuls dont le répertoire leur laisse une vraie place. (On l’entend bien dans les « Dionysiaques » de Florent Schmitt, écrites pour ce type d’orchestre : le rythme, la violence, l’énergie joyeuse, la sauvagerie. Spectaculaire et spectaculairement défendu). Réactions des jeunes auditeurs
Qu’en ont pensé mes jeunes auditeurs de 8 ans ? Léonie a aimé « et je veux faire du piano comme mon grand-frère qui fait du violoncelle ». Anton aussi « moi je suis en deuxième année de guitare ce soir j’ai un autre concert, c’est peut-être guitare, j’sais pas ». Marion a un peu dormi. Basile a-t-il aimé ? « Non ». D’ailleurs pendant la musique, avec son copain Baptiste, il faisait chef d’orchestre (ou peut-être boxeur). Anne Queffelec, conteuse et pianiste pour servir Satie
Moins d’enfants à Anne Queffelec (bonne nouvelle à propos, on a fermé le « Magic Circus » si bruyant - voir ma chronique d’hier - mais je ne connais pas la nouvelle salle. Belle réactivité des organisateurs !). Anne Queffelec est formidable : pendant dix minutes elle nous raconte les compositeurs, les œuvres qu’elle va jouer et c’est passionnant. On sourit à Erik Satie « qui avait une trentaine de parapluies mais quand il pleuvait il prenait toujours le même qu’il mettait sous son pardessus pour ne pas l’abîmer et il partait à pied d’Arcueil à Montmartre pour jouer du piano dans des bars qu’il détestait ». Satie avait aussi créé une association dont il était le seul membre et il s’envoyait à lui-même des convocations aux assemblées générales d’une belle écriture penchée. Il est mort dans la misère (on sourit moins), les derniers mois il louait son galetas à un autre clochard du nom de Bibi la Purée.
Avec cet arrière-plan on trouve Satie tout à coup bouleversant. Mais il ne s’agit pas seulement de faire pleurer Margot. « Un après-midi de dimanche » de l’inconnu Gabriel Dupont, c’est le regard, depuis sa chambre, de ce jeune tuberculeux, mort à 28 ans, sur le parc voisin où se promènent des familles et de jolies femmes quand lui-même ne peut sortir. La musique de Dupont rejoint sa vie.
Programme magnifique où passent autour de Satie des inconnus, Ferroud, Dupont, Koechlin avec un « Chant de pêcheurs » breton, Schmitt et son « Glas » déchirant, Reynaldo Hahn le mondain dont l’ « Hivernale » est d’une profondeur à vous tirer des larmes. Grand silence ému pendant cette heure de musique où la petite silhouette de Queffelec, sur scène, nous accroche un à un à ces ombres de l’autre siècle.
Fauré par la violoniste allemande Isabelle Faust
On revient à mon cher Fauré, les deux sonates pour violon et piano par l’Allemande Isabelle Faust. Dans la brillante école allemande de violon, Faust ressemble à Jeanne d’Arc ! On aimerait qu’elle soit parfois moins intimiste mais quelle complicité, quelle union même avec l’excellent pianiste français Florent Boffard, précis, profond et poétique ! Il faudrait entendre ces sonates dans le jardin de Monet dont elles ont les couleurs et les ombres.
Ressusciter la « symphonie sur un chant montagnard » de Vincent d’Indy
La musique française, ce sont des vieux fonds d’airs de nos provinces. De « Cadet Rousselle » à « Ah ! mon beau château ! » ou « Au clair de la lune ». Vincent d’Indy, de la vieille noblesse protestante du Vivarais, a écrit une « symphonie sur un chant montagnard » pour grand orchestre et piano qui démarre par un magnifique air mélancolique joué par le hautbois. C’est le chant d’un petit berger cévenol entendu par d’Indy lors d’une de ses promenades, au printemps, sur les plateaux tapissés de bruyère d’où l’on voit la ligne bleutée des vieux massifs. J’ai toujours aimé infiniment cette œuvre qu’on ne joue plus, que défendent avec ardeur, puissance et poésie (malgré quelques « bugs » à l’orchestre) Philippe Giusiano et le chef Arie Van Beek.
Et la musique espagnole avec Magdalena Llamas qui chante Albeniz
Comme hier, l’Espagne après la France : comme si la nuit (il est 21 heures) convenait exclusivement à nos voisins du sud. Magdalena Llamas, andalouse blonde (…), nous chante Albeniz (anecdotique), Granados (trop succinct), des Falla magnifiques et celui dont j’avais oublié de vous parler car il est très méconnu en France mais immense pour nos voisins d’Espagne : Joaquin Turina, de la même génération que Falla. Ils ont raison, nos voisins, c’est âpre et nostalgique, c’est de la très belle musique. Mademoiselle Llamas n’est pas la meilleure chanteuse du monde (vibrato, aigus parfois criés) mais c’est une vraie actrice, rieuse et de tempérament, avec une voix large, de belles nuances dans la mélancolie, de la gouaille dans la séduction. On aimerait l’entendre dans « Carmen » qu’elle a à son répertoire. Elle en a vraiment le physique. Luis Fernando Perez lui est un accompagnateur de luxe, il joue (seul) un des « Goyescas » de Granados. Mon sentiment sur lui étant à confirmer, je vous en reparlerai.
On sort. Il pleut sur Nantes, comme le chantait Barbara, autre style de musique. Sublime, forcément.
Programme Folle Journée de Nantes
Face à ces enfants : le colonel Claude Kesmaecker, chef de l’orchestre d’harmonie de la musique de l’Air, et ses musiciens, cuivres et bois, en tenue (les filles aussi), encadrés par une harpe et deux contrebasses. Au menu le « Boléro » de Ravel. Oui mais dans une version réécrite pour la Garde Républicaine et que Ravel, ravi de cette version, accepta de diriger lui-même. Cela sonne dru, spectaculaire, et quels saxophones ! Justement, question aux saxophonistes : pourquoi êtes-vous entrés dans l’armée ? Pour faire exclusivement de la musique. Ces orchestres d’harmonie sont les seuls dont le répertoire leur laisse une vraie place. (On l’entend bien dans les « Dionysiaques » de Florent Schmitt, écrites pour ce type d’orchestre : le rythme, la violence, l’énergie joyeuse, la sauvagerie. Spectaculaire et spectaculairement défendu). Réactions des jeunes auditeurs
Qu’en ont pensé mes jeunes auditeurs de 8 ans ? Léonie a aimé « et je veux faire du piano comme mon grand-frère qui fait du violoncelle ». Anton aussi « moi je suis en deuxième année de guitare ce soir j’ai un autre concert, c’est peut-être guitare, j’sais pas ». Marion a un peu dormi. Basile a-t-il aimé ? « Non ». D’ailleurs pendant la musique, avec son copain Baptiste, il faisait chef d’orchestre (ou peut-être boxeur). Anne Queffelec, conteuse et pianiste pour servir Satie
Moins d’enfants à Anne Queffelec (bonne nouvelle à propos, on a fermé le « Magic Circus » si bruyant - voir ma chronique d’hier - mais je ne connais pas la nouvelle salle. Belle réactivité des organisateurs !). Anne Queffelec est formidable : pendant dix minutes elle nous raconte les compositeurs, les œuvres qu’elle va jouer et c’est passionnant. On sourit à Erik Satie « qui avait une trentaine de parapluies mais quand il pleuvait il prenait toujours le même qu’il mettait sous son pardessus pour ne pas l’abîmer et il partait à pied d’Arcueil à Montmartre pour jouer du piano dans des bars qu’il détestait ». Satie avait aussi créé une association dont il était le seul membre et il s’envoyait à lui-même des convocations aux assemblées générales d’une belle écriture penchée. Il est mort dans la misère (on sourit moins), les derniers mois il louait son galetas à un autre clochard du nom de Bibi la Purée.
Avec cet arrière-plan on trouve Satie tout à coup bouleversant. Mais il ne s’agit pas seulement de faire pleurer Margot. « Un après-midi de dimanche » de l’inconnu Gabriel Dupont, c’est le regard, depuis sa chambre, de ce jeune tuberculeux, mort à 28 ans, sur le parc voisin où se promènent des familles et de jolies femmes quand lui-même ne peut sortir. La musique de Dupont rejoint sa vie.
Programme magnifique où passent autour de Satie des inconnus, Ferroud, Dupont, Koechlin avec un « Chant de pêcheurs » breton, Schmitt et son « Glas » déchirant, Reynaldo Hahn le mondain dont l’ « Hivernale » est d’une profondeur à vous tirer des larmes. Grand silence ému pendant cette heure de musique où la petite silhouette de Queffelec, sur scène, nous accroche un à un à ces ombres de l’autre siècle.
Fauré par la violoniste allemande Isabelle Faust
On revient à mon cher Fauré, les deux sonates pour violon et piano par l’Allemande Isabelle Faust. Dans la brillante école allemande de violon, Faust ressemble à Jeanne d’Arc ! On aimerait qu’elle soit parfois moins intimiste mais quelle complicité, quelle union même avec l’excellent pianiste français Florent Boffard, précis, profond et poétique ! Il faudrait entendre ces sonates dans le jardin de Monet dont elles ont les couleurs et les ombres.
Ressusciter la « symphonie sur un chant montagnard » de Vincent d’Indy
La musique française, ce sont des vieux fonds d’airs de nos provinces. De « Cadet Rousselle » à « Ah ! mon beau château ! » ou « Au clair de la lune ». Vincent d’Indy, de la vieille noblesse protestante du Vivarais, a écrit une « symphonie sur un chant montagnard » pour grand orchestre et piano qui démarre par un magnifique air mélancolique joué par le hautbois. C’est le chant d’un petit berger cévenol entendu par d’Indy lors d’une de ses promenades, au printemps, sur les plateaux tapissés de bruyère d’où l’on voit la ligne bleutée des vieux massifs. J’ai toujours aimé infiniment cette œuvre qu’on ne joue plus, que défendent avec ardeur, puissance et poésie (malgré quelques « bugs » à l’orchestre) Philippe Giusiano et le chef Arie Van Beek.
Et la musique espagnole avec Magdalena Llamas qui chante Albeniz
Comme hier, l’Espagne après la France : comme si la nuit (il est 21 heures) convenait exclusivement à nos voisins du sud. Magdalena Llamas, andalouse blonde (…), nous chante Albeniz (anecdotique), Granados (trop succinct), des Falla magnifiques et celui dont j’avais oublié de vous parler car il est très méconnu en France mais immense pour nos voisins d’Espagne : Joaquin Turina, de la même génération que Falla. Ils ont raison, nos voisins, c’est âpre et nostalgique, c’est de la très belle musique. Mademoiselle Llamas n’est pas la meilleure chanteuse du monde (vibrato, aigus parfois criés) mais c’est une vraie actrice, rieuse et de tempérament, avec une voix large, de belles nuances dans la mélancolie, de la gouaille dans la séduction. On aimerait l’entendre dans « Carmen » qu’elle a à son répertoire. Elle en a vraiment le physique. Luis Fernando Perez lui est un accompagnateur de luxe, il joue (seul) un des « Goyescas » de Granados. Mon sentiment sur lui étant à confirmer, je vous en reparlerai.
On sort. Il pleut sur Nantes, comme le chantait Barbara, autre style de musique. Sublime, forcément.
Programme Folle Journée de Nantes
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