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Deux Renaud Capuçon...pour les grands et les petits

Double actualité discographique pour notre violoniste star, Renaud Capuçon. Un "Brahms-Berg Violin Concertos" avec l'Orchestre philharmonique de Vienne et "L'histoire de Babar" de Poulenc, en collaboration avec sa femme, Laurence Ferrari.
Article rédigé par franceinfo - Bertrand Renard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Renaud Capuçon
 (Sergey Pyatakov/Ria Novosti)
La conception de ces deux disques lui ressemble
Star un peu malgré lui : on se souvient du buzz médiatique autour de sa liaison avec Laurence Ferrari quand celle-ci présentait le « 20 heures » de TF1. Les journaux « people » parlaient alors de « Renaud, son violoniste » (il n’avait même plus de nom) comme si elle l’avait découvert avec son crincrin dans un couloir du métro alors qu’il jouait dans les plus grandes salles du monde ! 

J’ai la chance de connaître un peu Renaud : il constitue un curieux, attachant mélange de spontanéité, de vraie chaleur et, aussitôt après, de réserve, de contrôle de soi. La conception de ces deux disques lui ressemble.

Le violon de Capuçon est magnifique dans les passages intimes... quand tout l’orchestre se déchaîne, il parait écrasé
Le premier réunit deux concertos : celui de Brahms, très populaire, fait passer le moderne et moins grand public concerto d’Alban Berg. En 1999, le concerto de Brahms avait fait découvrir cet inconnu d’à peine 23 ans aux « Folles journées » de Nantes. Depuis, c’est un de ses tubes. La nouveauté, c’est qu’il l’enregistre cette fois avec le prestigieux Orchestre Philharmonique de Vienne et il racontait récemment à nos confrères du « Monde » ses dix ans de travaux d’approche pour « décrocher » un si luxueux partenaire.

Le jeu en valait-il la chandelle ? Le violon de Renaud est plein de poésie et de lyrisme, donnant à l’œuvre de Brahms des couleurs d’automne, les musiciens de Vienne sont évidemment superbes, cela fonctionne bien pendant les deux premiers mouvements. Le troisième est écrit par Brahms « giocoso » (joyeux), conquérant, avec des accents tziganes. Poussés par le chef, Daniel Harding, qui manque d’une vraie conception, les Viennois jouent un peu à « le petit Français va-t-il nous résister ? ». Le résultat est épais, Capuçon bien moins à l’aise et surtout, il n’y a rien de ce climat hongrois si cher à Brahms.
C’est un peu la même chose pour le concerto « à la mémoire d’un ange » d’Alban Berg. L’ « ange », c’est Manon Gropius, la fille de l’architecte Walter Gropius et d’Alma Mahler, morte à 18 ans. Berg utilise le système de douze sons (dodécaphonique), a-mélodique, qu’avait mis au point son confrère Schönberg. Et il réussit pourtant malgré cette contrainte une œuvre tendre, nostalgique, profondément émouvante, hommage sublime à la joie de vivre, à la gentillesse de la jeune disparue (Berg lui-même mourra quelques mois plus tard et n’entendra jamais son œuvre).

Le violon de Capuçon est magnifique dans les passages intimes, les instrumentistes viennois tissent avec lui un dialogue frémissant de beauté. Au lieu d’insister sur sa modernité, ils rattachent l’œuvre de Berg à la grande tradition viennoise, celle de Schubert ou des valses de Johann Strauss que Berg et Schönberg adoraient. Mais là aussi, quand tout l’orchestre se déchaîne, le violon de Capuçon parait écrasé, le chef, Daniel Harding, peine à installer un climat que ses musiciens, un par un, savent si bien trouver.  
                           
C’est Laurence Ferrari qui est à l’ouvrage... Une « diseuse » très recommandable mais trop sage
L’autre disque n’est « Capuçon » que pendant dix minutes. Et c’est Laurence Ferrari qui est à l’ouvrage, dans l’ "Histoire de Babar" de Poulenc et la "Boîte à joujoux" de Debussy. Les textes de Jean de Brunhoff et de Jacques Hellé sont charmants et Ferrari est une « diseuse » très recommandable mais trop sage. On aimerait plus de fantaisie, qu’elle «sorte » d’elle-même, qu’elle soit plus actrice.

Au moins la diction est-elle parfaite, qualité souhaitable pour une présentatrice de journaux et très appréciable ici. Le grand triomphateur du disque étant le troisième larron, le pianiste Jérôme Ducros : ce garçon discret avait commencé une belle carrière solo, il semble avoir choisi désormais d’être un accompagnateur de luxe pour les frères Capuçon ou pour d’autres vedettes (il a fait le tour du monde avec Philippe Jaroussky dans leur récital de mélodies françaises). Il donne à la difficile partition de Poulenc toutes ses couleurs et à Debussy toute sa poésie. L’entendre est un régal.
Laurence Ferrari raconte "L'histoire de Babar" de Poulenc
 (Virginclassics)
Et Renaud dans tout ça? Cerise sur le gâteau (et quelle cerise quand il est en concert avec Ferrari et Ducros, car c’est lui, la star, pour les mélomanes !), il accompagne sa femme avec son violon chantant, joyeux, presque improvisé, dans un conte américain, celui de « Ferdinand le taureau qui aimait respirer le parfum des fleurs ». Et c’est un moment délicieux grâce à eux deux. Un disque très recommandable, donc, et qui permettra en plus, en ces temps de fêtes, d’échapper à « Pierre et le loup ».

"Brahms-Berg Violin Concertos", avec l'orchestre philharmonique de Vienne (Virgin Classics)
"L'histoire de Babar" (Virgin CLassics)

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