Cet article date de plus de dix ans.

CD : Haydn l'espiègle ravit le Quatuor Modigliani

Passé le cap des dix ans d’existence, le Quatuor Modigliani poursuit un parcours réglé, mais ambitieux. La formation, toujours en concert en France et par le monde, se voit en effet confier la direction artistique, cet été, des renaissantes « Rencontres Musicales d’Evian » et sort un sixième disque, chez Mirare, entièrement consacré à Haydn, le père des quatuors à cordes.
Article rédigé par Lorenzo Ciavarini Azzi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le Quatuor Modigliani
 (Sylvie Lancrenon/Mirare)

Un quatuor à cordes, c’est un subtil jeu d’équilibre. Chaque rôle y est réglé au millimètre : au premier violon la mélodie, au violoncelle l’harmonie, et au second violon et à l’alto le soin de relier l’aigu à la voix de basse – on appelle cela le moteur. C’est dire si l’entente est indispensable, musicale autant qu’humaine. Plus de dix ans que ça dure chez le Quatuor Modigliani, look jeune mais maturité d’anciens ; « il y a chez nous beaucoup de temps passé ensemble, comme une fratrie, et des goûts partagés », disent à l’unisson ces amis du Conservatoire, promotion 2003.
 
Signature sonore 
 
Et surtout une ambition commune, celle « d’avoir une signature sonore et une esthétique personnelles, reconnaissables et inchangées », à l’image du style d'Amedeo Modigliani. D’où leur nom, réel hommage au peintre, première référence citée.

Une autre référence, elle, coule de source, tant le compositeur est incontournable dans le répertoire des quatuors à cordes : Joseph Haydn. Maître incontesté du genre, auteur de 68 quatuors (!), c’est lui qui assigne les quatre voix de valeur égale. Equilibre, disait-on. Mozart, Schubert, Beethoven suivront le père fondateur, de près, puis les influences seront réciproques, avec Mozart notamment. Et les Modigliani l’ont adopté, Haydn : « On s’est senti une grande affinité avec l’homme et avec son écriture, empreinte d’humanité, d’intelligence et d’humour. C’est une balise pour l’évolution de notre son et de notre esthétique. »
 
Après un premier disque Haydn il y a 6 ans, en voici aujourd’hui un second, qui aborde comme le précédent des morceaux tardifs, les quatuors n°1 des opus 76, 50 et 79. Véritables sommets de la production de Haydn, ces quatuors donnent une idée de la jovialité, voire de l’espièglerie du personnage : car si l’opus 50 contient une gravité proche de la solennité des « Dernières paroles du Christ » (écrites à la même période), il joue aussi, comme les opus 76 et 77 avec son lot de contrastes, de libertés et de surprises. 
 
Moderne, Haydn ?
 
« Notre choix se fait aussi sur une période, la toute fin du XVIIIe, qui annonce les quatuors de Beethoven », expliquent les Modigliani : « C’est un moment clé, de transition vers la modernité. » L’écriture évolue, les instruments aussi : violons et archers acquièrent à leur tour, peu à peu, leur forme définitive. Et le cadre de création se transforme : quand le quatuor n°50 est encore destiné à être joué en salon, les 76 et 77 sont faits pour de véritables salles de concerts, de plusieurs centaines de personnes. La projection sonore y est différente. « Mais, au-delà du contexte de création des œuvres, la modernité de Haydn est différente de celle d’un Mozart (liée à l’universalité de son langage sentimental) ou d’un Beethoven (moderne parce qu’il brise les règles), ajoute Philippe Berhard, l’un des Modigliani : « Elle tient à l’aptitude de ce répertoire à traverser les siècles sans vieillir, sans rien perdre de leur dimension humaine. »

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