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Jacques Dutronc fête ses 80 ans : retour en 7 standards, de "Et moi, et moi, et moi" à "J'aime les filles"

"Et moi, et moi, et moi", son premier tube, il n'avait pas prévu de le chanter. Le final obsédant des "Play-Boys", un autre de ses classiques, a été improvisé au piano par Alain Chamfort. De "J'aime les filles" aux "Cactus", retour sur sept de ses standards avec Olivier Cachin, co-auteur avec Eric Jean-Jean d'un livre sur Dutronc.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
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Le chanteur Jacques Dutronc, le 11 avril 2022, à Courbevoie (Hauts-de-Seine). (BERTRAND GUAY / AFP)

Incontournable de la chanson française, avec des titres pleins de clins d'œil et de second degré qui n'ont pas pris une ride, Jacques Dutronc souffle ses 80 bougies vendredi 28 avril. Ses chansons ? Une série d' "heureux accidents", selon le journaliste Olivier Cachin, co-auteur avec Eric Jean-Jean de l'ouvrage Dutronc, une vie en chansons, qui paraît aux éditions Hugo Doc. Retour sur le parcours du play-boy des sixties en sept standards indémodables.

"Et moi, et moi, et moi", mais pas lui au départ

Ce contre-pied de la chanson engagée n'était pas destiné à Dutronc, qui en avait écrit la musique et en raconte les coulisses. "On ne trouvait que des tocards pour la chanter, alors finalement, on m'a dit: 'Vas-y, toi, fais-le, tu as des fringues de comptable, ça colle parfaitement à la chanson'", lit-on dans le livre de Cachin et Jean-Jean. Ce tube couronne ses débuts de chanteur en devenant un des tubes de l'été 1966.

"Tout chez lui n'est qu'heureux accidents : quand il apprend la guitare, alors malade, au lit, à 16 ans ; quand, plus tard, il devient acteur par accident ; quand il remonte récemment sur scène pour une tournée sold-out parce que son fils Thomas lui demande", résume Olivier Cachin au micro de l'AFP.

"J'aime les filles", par le gendre idéal

"Un nouveau petit bijou, élégant et malin" que cette lettre d'amour "à la sauce Dutronc-Lanzmann", adressée à toutes les femmes, aux bourgeoises comme aux travailleuses à l'usine. L'amour, oui mais avec distance pour ce gros dragueur. Parce que "L'amour, c'est comme la guitare. Si on veut être un crack, il faut le faire cinq heures par jour. C'est épuisant", répétait Dutronc en interview à l'époque de sa sortie en 1967, nous apprend le livre de Cachin et Jean-Jean.

Ils rappellent aussi que contrairement à Antoine et nombre de ses confrères qui cèdent à la mode hippie tie and dye et aux fleurs dans les cheveux, Dutronc, reconverti en crooner après des débuts british rock, prend le parti de porter un costume trois-pièces sur mesure, qui fait de lui le gendre idéal. Nouveau carton dans les hit-parades en mai 1967.

"Les Play-Boys" improvisé avec Alain Chamfort

Jacques Lanzmann fait à nouveau des étincelles avec ce texte dans lequel Dutronc interpelle "les play-boys de profession habillés par Cardin" et assure ne pas craindre "les petits minets qui mangent leur ronron au Drugstore" parce qu'il a "un piège à filles, un joujou extra qui fait crac boum hue". Côté musique, c'est Alain Chamfort qui est à l'orgue et au piano.

Dans le livre, il se souvient d'un enregistrement totalement anarchique. "On découvrait les chansons, il y avait trois bouts d'accords, Jacques improvisait (...) il n'y avait pas de chef d'orchestre." Et c'est à Chamfort que l'on doit le fameux gimmick des notes de piano avant le légendaire "Encore !" et le break de batterie final. "C'était un gimmick de Count Basie", se remémore-t-il, "Jacques voulait ça à la fin" mais "c'est complètement improvisé, pas calculé." La chanson aura un succès retentissant.

"Les Cactus", "brit-rock" et Pompidou

"Papa, bouche-toi les oreilles: dans l'histoire du rock français, mon père a fait des choses tellement magnifiques", soufflait à l'AFP en 2021 Thomas, aux côtés de Jacques, en préparation de leur tournée commune. Les Cactus est un bon exemple. " On est dans un rock français sixties, d'influence Kinks, c'est très brit-rock, très anglo-saxon, avant que Jacques Dutronc ne devienne crooner, il y a de gros riffs de guitare, comme sur La fille du Père Noël", déroule Olivier Cachin.

Ce hit de 1966 sera même cité par Georges Pompidou, alors Premier ministre, en 1967 à l'Assemblée nationale: "J'ai appris que, dans la vie gouvernementale, il y a aussi des cactus". La vidéo ci-dessus est filmée live au Casino de Paris en 1992.

"Il est cinq heures, Paris s'éveille" imaginé par "les trois Jacques"

C'est après un dîner arrosé des trois Jacques - Dutronc, Lanzmann (parolier) et Wolfsohn - que ce dernier, directeur artistique de la maison de disques Vogue, a l'idée d'un morceau sur Paris aux aurores. Il demande à Lanzmann de s'inspirer d'une chanson populaire du XIXe siècle: Tableau de Paris à cinq heures du matin. Nouveau succès, en 1968. Là encore, "la partie de flûte traversière, qui en fait tout le sel, arrive par hasard, car il y a un flûtiste en studio à côté, Roger Bourdin, à qui on dit : tu veux pas venir?", raconte encore Olivier Cachin.

 

"L'opportuniste", indémodable

Enregistrée peu après Mai-68, la chanson moque ceux qui ont récupéré le mouvement de contestation. Ceux qui ne savent faire "qu'un seul geste", celui de retourner leur veste, "toujours du bon côté". En 1982, le groupe Indochine la reprend et, en 2015, Dutronc l'interprète avec le chanteur du groupe, Nicola Sirkis, pour l'album Joyeux anniversaire M'sieur Dutronc. "C'est typiquement la chanson indémodable, la preuve quand Indochine la reprend, les gens pensent que c'est d'actualité, et ça ne parle pas que de politique, on peut l'appliquer aussi au cinéma et à la musique", s'amuse Olivier Cachin. 

 

"Le Petit Jardin", écolo avant l'heure

Cette chanson dénonce la "bétonisation" rampante des villes, au détriment des coins de nature, en 1972, quand l'écologie n'est pas encore une préoccupation centrale. "C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles Jacques Dutronc refuse longtemps de la chanter sur scène, parce que ça pourrait faire trop militant", contextualise Olivier Cachin.

Son fils lui demande de la reprendre avec lui pour la réédition enrichie de Frenchy, album à succès de Dutronc junior. C'est l'élément déclencheur de la tournée commune, où Jacques Dutronc la rechante sur scène. "C'est une chanson magnifique, qui parle de son quartier d'enfance", note Olivier Cachin. Le duo Lanzmann-Dutronc reprendra ce thème avec La France défigurée en 1975.

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