Art Mengo raconte "Ce petit chemin", son nouvel album
Comment est né cet album à quatre mains ?
Je connais Lara Guirao depuis la sortie de son premier album « J’aime bien c’que vous faites ». Je lui ai d’ailleurs confié la première partie de ma tournée en 2006-07 et c’est elle qui est venue me proposer un duo. Je l’avais déjà invitée à dire une partie du texte de « Ciao - Auf wiedersehen » sur mon album « Sujet libre » (elle interprétait les crânes rasés à la Libération). Cette fois, Lara m’a présenté une chanson beaucoup plus légère : « Ce petit chemin » de Mireille qu’elle pourrait intégrer à son prochain album. Au départ, j’étais un peu réticent sur le fait de participer à un duo car je trouve la formule très marketing puisqu’en réalité, on essaie d’ajouter les publics de deux artistes. Mais là, on était dans une totale spontanéité.
S’en est suivie une deuxième proposition de duo à partir d’un texte qu’elle avait rédigé - de la poésie joliment désuète -, j’ai composé la musique et de fil en aiguille, je me suis rendu compte que nos timbres de voix se complétaient même si nous étions très différents. Lara n’essaie pas d’être chanteuse, c’est une comédienne, elle interprète les mots alors que moi, je chante des notes, je reste un musicien. Et je me suis dit pourquoi ne pas faire un album.
Comment s’est passé votre collaboration ?
Pour la première fois, j’ai découvert l’écriture à deux. Je suis passé d’un processus intime à un acte ludique. On s’envoyait des phrases, on proposait des jeux de mots. C’était agréable de créer sans trop réfléchir. Ce qui est nouveau pour moi. Cela me fait aussi du bien de sortir de mes thèmes de prédilection que sont les déchirures et les amours impossibles. Cet album aux accents jazz bossa est solaire.
Qu’avez-vous en commun avec Lara Guirao ?
Rien. Elle, c’est le soleil et moi, la lune. Elle s’émerveille de tout, elle vit dans l’instant. De mon côté, je suis plutôt en état dépressif constant, le bonheur n’existe pas, vous savez. Au niveau des références musicales, elle a été bercée par Brel et Ferré alors que moi, j’ai découvert la chanson française sur le tard, j’ai été élevé dans les chansons espagnoles sous l’influence de mes parents. Mais il y a quand même une chose qui nous réunit : c’est la musique des mots. Nous sommes tous deux des lecteurs assidus de poésie.
L’album se compose de onze morceaux inédits et de deux reprises de Mireille dont « Ce petit chemin ». Pourquoi un tel hommage ?
Lara aimait beaucoup cette chanson. Elle me l’a faite découvrir. Ce qui m’a plu a été de voir que « Ce petit chemin » est avant-gardiste : on y parle d’une certaine manière, de protection de l’environnement et on nous incite à prendre des chemins de traverse et à lever le pied. Des propos qui m’interpellent car je pense qu’il faut en finir avec la rapidité à tout crin et la sur-consommation. Ces chansons des années 30 de Charles Trenet et de Mireille représentaient en quelque sorte des médicaments sonores qui sont délicieux à réarranger.
"Ce petit chemin" par Art Mengo et Lara Guirao :
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Mais les années 30 ne sont pas les seules où vous puisez votre inspiration...
Non, on rend aussi hommage aux années 60, à Saint-Germain-des-Prés et à Juliette Gréco dans « Mes habits et moi ». J’ai beaucoup aimé le jeu de mot en clin d’œil à « Déshabillez-moi ». Et puis, il y a aussi le morceau « C’est du toujours » qui illustre notre goût commun pour les comédies musicales.
"Mes habits et moi" par Art Mengo et Lara Guirao :
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Dans ce nouvel album, figure un CD live enregistré en formation trio lors de votre dernière tournée où vous revisitez les plus belles chansons de votre carrière. Vos concerts organisés pour la sortie de « Ce petit chemin » sont aussi une occasion pour vous de reprendre vos anciens morceaux ?
Oui, je me produis avec un accordéoniste et un guitariste et Lara monte sur scène pour présenter huit chansons sur les treize de l’album. Le reste du concert s’organise autour de mon répertoire de plus de vingt ans de chansons. Je m’efforce de les dépoussiérer, de les dénuder. J’essaie de le faire redécouvrir de façon minimaliste. J’oublie les violons et les guitares électriques de mes débuts pour me concentrer sur le texte et la voix. C’est aussi une façon pour moi d’assumer totalement le morceau, je ne suis plus caché derrière les instruments.
Quel regard portez-vous sur vos tubes comme « Les parfums de sa vie » ?
C’est la chanson qui m’a fait naître et je prends plaisir à la réarranger différemment à chaque concert. A l’époque, elle était très orchestrée. Aujourd’hui, on se contente d’un accordéon et de ma voix. J’ai l’impression que de cette façon, on arrive à saisir d’autres subtilités dans ce texte sur cette femme facile dont je tombe amoureux et qui passe de bras en bras. Désormais, je suis moins chanteur, mais plus interprète, je me mets davantage au service du texte.
Vous avez 24 ans de carrière derrière vous. Comment avez-vous évolué d’un point de vue artistique ?
J’ai fait des rencontres très enrichissantes en composant les albums d’Ute Lemper, de Philippe Léotard, de Juliette Gréco ou encore d’Henri Salvador. Elles m’ont poussé à encore plus me tourner vers la chanson française alors qu’à mes débuts, je me destinais plutôt à l’univers pop rock. Avec le temps, la composition, pour les autres et pour moi, est devenue une addiction, tout comme la scène. Après avoir passé beaucoup de temps tout seul en studio, on ressent comme une libération totalement jouissive au moment où l’on présente le morceau au public.
Votre tournée vous laisse-t-elle le temps de mener d’autres projets ?
Oui, je prépare mon dixième album. Je ne peux pas m’empêcher de composer, mais surtout, je travaille depuis un an et demi aux côtés de Marc Estève, sur un spectacle sur les héros de l’aéropostale comme Antoine de Saint-Exupéry et Henri Guillaumet. Il prendra la forme d’une succession de tableaux sur le quotidien de ces aviateurs et hommes de plume qui risquaient leur vie juste pour acheminer le courrier. Ils descendaient tous à Toulouse dans un hôtel qui s’appelle « l’Hôtel du grand balcon » surnommé « La Maison des ailes ». Il y aura du cirque, de la chanson et de la poésie dans des tonalités de tango, charleston et rumba. Je serai sur scène au piano bastringue. On espère être prêt pour mi-2013.
Art Mengo se produit 14 avril 2012 à Meaux, le 9 mai à Lyon dans le cadre du Printemps de Pérouges, le 11 mai à Pennautier, le 19 octobre à Bourg-en-Bresse et le 7 décembre à Grenoble.
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