Bob Dylan : un Nobel en concert pour une anthologie de la musique américaine
Il est à peine 22 heures, à la sortie du Zénith de Paris, le public sort tranquillement après 1 heure 45 de concert. "On se couche tôt, quand on va écouter Dylan", ironisent les plus jeunes. Les vendeurs d’affiches tendent le portrait de Robert Zimmerman, il a 23 ans nous sommes en 1964 et "Blowin in the Wind" est déjà l'hymne de la jeunesse américaine. Plus de 50 ans ont passé et Bob Dylan, devenu une icône, une statue du commandeur de la musique parcourt toujours le monde de scène en scène.
Deux heures auparavant, les lumières de la salle s’éteignent, une mélodie à la guitare acoustique résonne tout de suite interrompue par un blues électrifié. Comme pour rappeler au public de connaisseurs que quand Dylan électrifia en 1966 sa musique, son public de folkeux hurla à la trahison. C’était au festival de Newport. Bob Dylan a toujours trimbalé derrière lui, un parfum de scandale.
Au Zénith de Paris, c’est une autre histoire que Zim raconte. Une histoire plus sage mais plus profonde ; celle de la musique d’avant le rock, d’avant Dylan.
L’âge d’or des standards
Pendant près de deux heures, avec ses 5 musiciens aux costumes gris impeccables, Dylan enchaîne ses propres chansons et les standards de l’histoire du jazz, du blues et de la country. "Stormy Weather" date de 1933, “All or Nothing at All" de 1939 et “Autumn Leaves” de 1946. Dylan aime à rappeler qu’avant ses chansons, au nombre de près de 500, existait la musique de Dean Martin, de Sammy Davis Jr et surtout de Frank Sinatra.Depuis 3 albums Dylan revisite ainsi le patrimoine de la musique Us des années 30 à 50. Lors d’un des rares entretiens qu’il a accordé au journaliste et écrivain, Bill Flanagan, il dira au sujet de ses chansons d'un autre siècle : "ces morceaux sont froids et clairvoyants, il y a beaucoup de réalisme en eux et une foi dans la vie ordinaire comme au début du rock roll". Il ne pourrait pas mieux dire de ses propres écrits. "Maintenant que j’ai vécu ce qu’elles racontent, je ne les comprends que mieux", a-t-il rajouté.
Dylan, bête de scène ?
Ni bonjour, ni merci, ni en revoir, ni je présente mes musiciens, rien, rien. Bob Dylan n’a jamais été cabot sur scène, c’est le moins que l’on puisse dire. Il n’adressera donc aucune parole à son public sagement assis. Mais, lui, debout au piano ou derrière son micro prend des poses de crooner, un jeux de scène. Il a abandonné la guitare pour cause d'arthrite et retrouvé l'instrument de son enfance, le piano, et il semble s’amuser de ce personnage au costume gris cintré du meilleur goût, coiffé de son habituel chapeau.Dylan a toujours fait ce qu’il voulait. Hier soir, la preuve, aucune set list prévue. Avec ses musiciens il improvise, morceau après morceau, pour raconter son histoire. C’est le patron et qui l’aime le suive. Ses musiciens aussi discrets que le boss, ne mouftent pas mais assurent du jazz au blues, du rock au swing, tous genres confondus, avec une rigueur exemplaire et un groove d’anthologie.
Dylan et sa voix
Et sa voix ? Est-elle là ? C’est toujours la sempiternelle question avec Bob Dylan. Cette voix au début nasillarde qui fut sa signature singulière. Et bien que le public se rassure. Sa voix est profonde, rocailleuse, rauque. Une voix qui dit les mots, qui raconte les histoires.C’était le premier des deux concerts parisiens du Nobel de Littérature. Ce soir, il inaugure la nouvelle salle parisienne : la Seine Musicale. Un lieu qui ne pouvait rêver mieux comme parrain que celui de la musique américaine. Car Bob Dylan est bien un Parrain.
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