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André Manoukian : "Comme mon père, je suis tailleur pour dames. Il faisait du sur-mesure. Je compose quand j’entends une voix"

L'auteur-compositeur André Manoukian est l'invité du Monde d'Elodie. Il confie l'histoire de son premier cours de piano et revient sur sa relation avec son père.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le musicien franco-arménien André Manoukian lors du Grand concert de la Francophonie en l'honneur de l'Arménie le 13 mars 2018. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Le Monde d'Elodie avec André Manoukian

"Comme mon père, je suis tailleur pour dames. Il faisait du sur-mesure. Je compose quand j’entends une voix", déclare le pianiste-compositeur, André Manoukian, sur franceinfo dans Le Monde d’Elodie. "Quand on travaillait avec des bandes, je les mettais autour du cou, poursuit-il, comme mon père avec son mètre roulant". Et ce n’est pas la seule chose qu’il tient de son père. 

 Son goût pour la musique et la haute montagne également : "Il m’a légué la montagne, la musique et la philosophie". Ce qui lui fait "une jolie colonne vertébrale", comme il le dit lui-même. C’est d’ailleurs pourquoi le musicien a créé le festival de jazz Cosmojazz, qui se déroule dans les montagnes de Chamonix, en Haute-Savoie, du 21 au 29 juillet cette année. Il allie les deux. Une façon pour André Manoukian de "remettre le musicien dans sa posture initiale de chaman".

Des parents arméniens

Ses parents sont Arméniens et étaient dans le prêt-à-porter. Soit très loin de l’univers musical. Son père était tailleur, "un métier qu’il ne voulait pas faire", précise André Manoukian. "Mais à l’âge de 12 ans, il a été obligé de bosser", raconte-t-il. Le piano lui servait donc d’échappatoire, imagine le compositeur qui revoit son père jouer, tous les soirs, Les Inventions de Bach. "Il a fait du piano pour écouter autre chose que les récits d’horreur qu’il entendait, en fond, lorsqu’il était petit", pense André Manoukian. Il faut savoir que ses grands-parents sont arrivés en France en 1923, quelques années après le génocide arménien. "C’est lui qui s’est fait sa thérapie tout seul", conclut André Manoukian.

Frustré lui-même de ne pas avoir fait d’études, il voulait absolument que son fils, André Manoukian, fasse des études. C’est comme ça que le futur compositeur débute à la fac de... médecine ! "C’était pour faire plaisir au paternel. Un jour il m’a dit ‘Tu joues du piano, tu es habile de tes doigts, tu seras chirurgien’", se souvient-il. "Tu parles d’une idée", rigole André Manoukian qui rappelle avoir eu son Bac C avec seulement 5 sur 20 en mathématiques. Six mois après, "arrivé aux partiels, j’ai dit arrêtons l’escroquerie !", s’exclame le musicien. 

"Une profession de saltimbanque"

"Ma vocation de musicien pur est née dans un cours d’anatomie", raconte André Manoukian. Il sort de cours et la musique s’impose à lui. En rentrant chez lui, il fait "fumer le piano", en attendant que ses parents rentrent du magasin. Et après qu’il eut annoncé son intention d'abandonner ses études de médecine pour embrasser une carrière de musicien, son père s’est lancé dans "une diatribe qui a duré presque une heure".   

De longues remontrances qui vont se finir par une phrase qui marquera à vie André Manoukian. "Tu as choisi une profession de saltimbanque. Tu finiras en jouant pour un sandwich", termine son père. Cette phrase va le constituer toute au long de sa vie, de son propre aveu : "C’est mon 'connais-toi toi-même', c’est ce qui est écrit sur mon temple à moi de Parthénon." C’est ainsi qu’André Manoukian a fait toujours en sorte de ne jamais se reposer sur ses acquis. "Je continue à avoir un coach (…) et à travailler des phrasés", admet-t-il. 

Un amoureux de la chanson

Travailler sans compter ses heures. Ce n’était pourtant pas dit au départ. Lorsqu’il met les doigts pour la première fois sur un piano, ce n’est pas le coup de foudre immédiat. "Pendant que mes potes allaient au patin roulette, je devais me farcir ça", se rappelle André Manoukian. "Ça" en l’occurrence un cours de piano obligatoire à l’école arménienne de Lyon.

Lors de son première séance, le professeur lui a appris à respirer. "Il nous a fait nous asseoir à côté du piano, lever les mains à hauteur des épaules, narre-t-il. Puis il a dit posez-les sur les genoux et respirez." Le tout sans toucher le piano une seule fois en une demi-heure. "Je me suis dit  quel enfoiré", sourit le musicien. 

Amoureux des mélodies, des rythmes, il l’est aussi des mots. André Manoukian a habitué son public à se régaler de ses formules employées, souvent alambiquées et poétiques ou parfois tout simplement farfelues. Lui-même avoue parfois ne pas comprendre ce qu’il dit. "Mais par contre de les sortir, cela structure mon bordel intérieur", confie le musicien. 

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