Allemagne : colère et mobilisation du monde culturel contre le reconfinement qui débute lundi
La presse allemande les appelle le "reconfinement light" : les nouvelles restrictions prévoient notamment la fermeture pendant au moins un mois des théâtres, salles de concert, cinémas et musées...
A partir de lundi 2 novembre, l'Allemagne, à l'instar d'autres pays européens, impose de nouvelles restrictions face à la propagation de la pandémie, qualifiées de "reconfinement light" dans les médias. Elles prévoient la fermeture pendant un mois au moins de toute une série d'établissements, dans la gastronomie, les loisirs, le sport et la culture : théâtres, opéras et autres salles de concert, musées, salons et cinémas sont concernés.
Musiciens désemparés
"Une gifle" : la représentation vient de se terminer samedi soir 31 octobre, dans le très renommé Opéra de Munich et, juste avant que le rideau tombe, le baryton Michael Nagy, 43 ans, les larmes aux yeux, a du mal à cacher son émotion face au public.
L'Opéra de Munich est concerné au premier chef, comme au printemps. Et avec lui c'est l'ensemble du secteur de la culture, au "pays des poètes et philosophes", qui proteste de plus en plus vocalement. Les chanteurs et l'orchestre viennent d'achever une première de l'opéra Die Vögel (Les Oiseaux) du compositeur allemand Walter Braunfels. L'avant-dernier spectacle avant la fermeture des portes de l'enceinte lyrique bavaroise, qui peut accueillir en temps normal 2.100 personnes.
Pour cette "première" aux allures de "dernière", une cinquantaine de spectateurs ont fait le déplacement afin de les encourager dans l'immense salle parée de dorures et de lustres élégants. "Être assis ici dans une salle si vide, c'est totalement déprimant et douloureux", soupire Jan Brachmann, 48 ans, noeud papillon autour du cou et masque chirurgical sur le visage. Ce passionné d'opéra a tout de même voulu assister à cette première, par respect "pour les artistes qui l'ont préparée".
Aucune contamination déplorée depuis septembre à l'Opéra de Munich
Pour l'Opéra munichois, la nouvelle fermeture sonne comme un désaveu. Son directeur Nikolaus Bachler, 69 ans, dit ne pas comprendre pourquoi les "transports en commun" ou les "commerces" peuvent rester ouverts en novembre en Allemagne alors que sa scène doit fermer. "Nous avons un public discipliné, il est possible de maîtriser les risques. Ce n'est pas une décision adéquate", critique-t-il.
Nikolaus Bachler est d'autant plus découragé que sa salle avait passé avec succès un test en septembre. Elle a eu le droit d'accueillir 500 spectateurs au lieu des 200 autorisés normalement pendant le déconfinement de l'été en Bavière.
Règles d'hygiènes strictes, port du masque obligatoire, distanciation entre les spectateurs : en plus d'un mois, aucune contamination au Covid-19 n'a été déplorée. L'expérience a pourtant été arrêtée et désormais c'est la fermeture complète au public.
"Moins de valeur que des voitures"
Cette perspective effraie le secteur dans son ensemble. "Ces derniers mois, nous avons l'impression d'avoir moins de valeur que les voitures, les avions ou les footballeurs", dénoncent de nombreux chanteurs et artistes dans une lettre ouverte.
Les directeurs de musées ont mené plusieurs actions de protestation au cours du week-end pour qualifier leur fermeture en novembre de "mauvaise décision", de "portée très grave". "Les musées sont des lieux d'éducation importants et indispensables pour un bon fonctionnement de la société", écrivent-ils dans un communiqué.
Le célèbre trompettiste de jazz allemand Till Brönner a, lui, publié une vidéo devenue virale, pour clamer son "énervement" face au manque de soutien à ses yeux des pouvoirs publics au secteur de la culture et du divertissement qui emploie 1,5 million de personnes et génère des revenus annuels de près de 130 milliards d'euros.
Même la ministre de la culture et le chef de l'Etat sont inquiets
La ministre allemande de la Culture Monika Grütters a elle-même reconnu être "très inquiète" pour son secteur, qui emploie aussi de nombreux indépendants sans filet de sécurité. "Même si les nouvelles restrictions sont compréhensibles" sur le plan sanitaire, elles constituent "une catastrophe", a-t-elle dit.
Même le chef de l'Etat allemand, Frank-Walter Stenmeier, est intervenu dans le débat : "La crise du corona nous rappelle que la culture n'est pas un produit de luxe pour un petit nombre mais un elixir de vie pour tous". Le gouvernement a débloqué une dizaine de milliards d'euros d'aides supplémentaires pour tous les secteurs d'activités les plus touchés en novembre.
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