Suket Dhir, lauréat de l'International Woolmark Prize : une étoile montante de la mode indienne
En janvier 2016, il a remporté le prix International Woolmark, gagné en leur temps par Yves Saint-Laurent et Karl Lagerfeld. Il a été sélectionné parmi plus de 70 créateurs. "S'il y a un prix à gagner, c'est celui-là. Mais je n'ai jamais pensé que je me retrouverais en position de l'avoir", a-t-il confié à l'AFP. Il souligne n'avoir jamais osé "s'imaginer comme un designer de premier plan". Le prix qu'il a remporté le contraint aujourd'hui à jouer la montre pour assurer dans les temps prévus la livraison de la collection lauréate de prêt-à-porter masculin à l'occidentale avec une touche indienne.
Le créateur avait alors expliqué : "J’ai fait ce que j’ai pu en Inde et c’est la meilleure chose qui pouvait m’arriver pour me développer plus largement. Je crois être prêt pour le monde et je crois aussi que le monde est prêt pour moi et ce genre d’esthétique. La collection est facile et joyeuse, tout ce dont la monde a besoin en ce moment. "
Pour la fabrication de ses collections, le modéliste recourt à des artisans traditionnels situés en zones rurales. Mais ces derniers ne sont pas habitués à travailler le type de laine requis pour cette collection qui peut se déformer dans le climat chaud et humide de l'Inde en période de mousson. "C'est la première fois que nous devons tisser un matériau aussi difficile avec une date-butoir rapprochée (...) Nous sommes un petit peu en retard par rapport au calendrier mais nous y arrivons", concède-t-il.
Les jury unanimes
En janvier dernier, le jury du Prix international Woolmark avait indiqué : Suketdhir a été un choix unanime. "Dans la mode, je recherche toujours une émotion, un battement de cœur, un sentiment qui crée en moi l’excitation - il s’agit peut-être d’un materiau ancien mais ça m’a semblé frais" avait déclaré Suzy Menkes. Pour Haider Ackermann : "Pour moi, la décision a été facile à prendre. Suket est une personne qui raconte un rêve, et j’ai trouvé ça très beau, car la mode est un rêve, et le reste -la partie financière- suivra. Techniquement, il nous a monré des détails que je n’avais jamais vus avant, c’est très impressionnant." "Ce que Suketdhir crée est romantique, et ça plaît beaucoup en mode, et ça a certainement plu au jury. Tous les créateurs poursuivront leur succès commerciaux aux quatre coins du monde, je n’ai pas de doute là-dessus, mais aujourd’hui, la romance l’a emporté" ajoutait Stuart McCullough, PDG de The Woolmark Company.L’innovation est au cœur de cette collection capsule qui allie le tailoring classique de l’Occident avec des éléments des costumes traditionnels de son pays d’origine, l’Inde, comme les proportions exagérées et les tissus très légers. "Ma collection explore l’aspect transsaisonnier de la laine et les altérations chimiques qui transforment la fibre de laine en une matière douce et soyeuse et créent des tissus légers, aériens, fluides tout en restant pleins et souples" avait expliqué le couturier. Utilisant la technique traditionnelle de la teinture à la main des fils (Ikat), la collection cherche à "retracer les expériences douces et fânées des souvenirs passés à travers les motifs ombrés". Les moulages sans couture et les constructions à chaud des matières renforcent les pièces alors que l’ancienne technique du Kasui, une broderie traditionnelle artisanale, crée des motifs géométriques, dans une ré-interprétation du quilt classique.
Suket Dhir fait attention au détail dans les vestes, chemises et pantalons flottants, autant de créations inspirées de son enfance avec son grand-père dans l'Etat du Pendjab. Les doublures de ses vêtements sont imprimées de motifs insolites, comme des parapluies. Les boutons de ses chemises sont cousus avec un fil différent du reste.
Esthétique minimaliste
Suket Dhir ambitionne pour ses vêtements une esthétique minimaliste, souhaitant les voir portés au jour-le-jour. "Quand je songe à mon grand-père, je songe à ces magnifiques vestes et vestons qui se passaient de génération en génération", explique-t-il. Se différenciant des tenues traditionnelles indiennes, souvent parées de broderies et aux couleurs chatoyantes, il dit être "incapable de faire dans le tape-à-l'oeil".La journaliste de mode indienne Shefalee Vasudev salue en Suket Dhir le représentant d'un prêt-à-porter moderne et subtil. "Son oeuvre a du sens. Il n'essaye pas d'attirer l'attention. Il n'est pas en train de dire Regardez-moi, je suis tellement génial et c'est vraiment rafraîchissant dans la mode indienne", commente-t-elle. Mais, met-elle en garde, les mois à venir seront vitaux pour sa carrière et il lui faudra transformer l'essai. Rares sont les Indiens ayant réussi à acquérir une reconnaissance internationale et recevant des commandes régulières. La récompense qu'il a obtenue "est très importante car ça veut dire qu'on vous ouvre la porte" mais "il faut arriver à maintenir la qualité et à suivre au niveau de la quantité, des livraisons", explique-t-elle.
Suket Dhir a d'abord travaillé dans un centre d'appels, vendu des téléphones portables, échoué à l'université... avant de lancer sa marque en 2010. Les premières années ont été difficiles. L'argent a manqué. Aujourd'hui, il perçoit son prix comme le couronnement de sa persévérance et de son intransigeance esthétique : "Pour le moment, nous sommes à l'équilibre" financier, dit-il. "J'aimerais bien avoir un bureau plus chic, une voiture plus chic... Mais on y arrivera en temps voulu".
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