"Je vais penser à sa manière mais en me projetant vers la jeunesse" : Rodrigo Basilicati Cardin s'engage à respecter le style Pierre Cardin
Après le décès du pionnier du prêt-à-porter, le couturier Pierre Cardin, à 98 ans le 29 décembre 2020, son neveu Rodrigo Basilicati Cardin annonce de nouveaux projets, tout en s'engageant à respecter l'héritage mode du talentueux fondateur.
Rodrigo Basilicati-Cardin, Président de la société Pierre Cardin depuis le 29 octobre 2019, a évoqué ses projets et ses ambitions pour le futur de la maison, lors d'une conférence de presse le 16 mars chez Maxim’s à Paris.
Toutes les activités de la griffe continuent, du prêt-à-porter au restaurant Maxim's en passant par le festival lyrique de Lacoste, mais la mode va bénéficier d'un souffle de jeunesse.
"Mon oncle m'a quitté le jour de mes 50 ans"
Neveu et proche collaborateur du couturier, ce designer aux multiples talents et concepteur graphique a rejoint la maison dans les années 2000. Diplômé en ingénierie, concertiste, administrateur dès 1999 de différentes sociétés du groupe Pierre Cardin basées en Italie, il a aussi dirigé des productions artistiques issues du théâtre de l'Espace Pierre Cardin. Depuis 2010, la ligne Évolution de lunettes lui a été confiée. Il a, ensuite, été nommé directeur général du groupe le 30 octobre 2018 et président de la société le 29 octobre 2019.
"Mon oncle m'a quitté le jour de mes 50 ans le 29 décembre 2020. Je n'ai pas encore bien réalisé, le travail s'est enchaîné immédiatement" explique Rodrigo Basilicati-Cardin qui avait rencontré Pierre Cardin seulement à la fin de ses études. "Je ne connaissais pas son monde" explique-t-il avant de préciser qu'à l'aube des années 2000 "Pierre m'a tiré vers lui, vers ses sociétés".
"C'était le père de tout le monde dans la maison"
En février 2020, alors que la pandémie de la Covid-19 commence à faire parler d'elle, Rodrigo Basilicati-Cardin décide de rester à Paris. L'occasion d'être près de son oncle et de partager des moments de réflexion. Tous deux avaient l'habitude de ces moments d'échange pour parler de projets : "On venait régulièrement chez Maxim's le soir, après le JT, pour discuter". Mais "Toute ma vie, il m'a donné beaucoup d'idées et même à la fin de sa vie, il aimait toujours parler du futur".
"Je vais penser à sa manière mais en me projetant vers la jeunesse" explique-t-il se remémorant quand Pierre Cardin venait le voir dans son laboratoire en Italie, lorsque plus jeune il travaillait à la construction de meubles : "ça lui plaisait de s'asseoir à mes côtés".
Pour la maison de couture, Rodrigo Basilicati-Cardin aimerait apporter une touche de renouvellement à la création. En stock plus de 30 000 vêtements réalisés depuis plus de 50 ans dont Pierre Cardin ne s'est jamais séparé et que son neveu regarde pour mieux les connaître, s'en inspirer en évitant de les copier. "On peut continuer la ligne Pierre Cardin sans copier, en respectant son style. Son style est très clair : Pierre disait toujours, en parlant de ses créations, qu'il faut que ce vêtement, cet objet on puisse le regarder une seconde et que l'on puisse le reconnaître immédiatement et s'en souvenir. Pour lui, il fallait avoir une ou deux idées, mais pas plus".
Désormais "Je veux avec une vingtaine de jeunes m'inspirer de ce passé". Au studio mode travaille déjà une équipe de designers imprégnée de l'esprit maison depuis plus de 35 ans. "Parmi les milliers de dessins réalisés par le studio, il y a un choix à faire. Je délègue un peu, même si ce n'est pas naturel pour moi il faut le faire mais je conserverai toujours mon côté créatif".
"Cela me rendrait très triste de voir que l'on ne peut plus réaliser certaines techniques"
Le prêt-à-porter et la couture seront signés par le studio maison, tout en visant un public plus jeune, les 30-40 ans. Pour Rodrigo Basilicati-Cardin, la transmission des savoir-faire est capitale car Pierre Cardin avait inventé des techniques de couture. Même si aujourd'hui encore à l'atelier certaines personnes possèdent cette expérience "On risque à un moment de les perdre (ndlr, les techniques de couture). Je souhaite que certaines personnes qui sont parties de la maison puissent revenir, même pendant une ou deux années, pour former des jeunes. Cela me rendrait très triste de voir que l'on ne peut plus réaliser certaines techniques, faire ce type d'épaules...".
Pour Pierre Cardin "les techniques ouvraient la tête à l'innovation" explique encore Rodrigo Basilicati Cardin se souvenant de moments où il l'assistait : "pour Pierre, le vêtement était un objet de sculpture. Il posait le tissu sur le mannequin et coupait directement dessus sur le modèle. C'était un bel enseignement".
L'idée est de recruter des jeunes (une trentaine de personnes d'ici fin 2021) pour la création couture mais aussi pour numériser les archives, pour récupérer les choses du passé. Car si le couturier se donnait corps et âme à sa création, à la fin de sa vie il ne pensait plus à documenter et à renseigner les archives.
Un défilé le 29 décembre 2021 pour "honorer son souvenir un an après sa mort"
Le couturier faisait depuis longtemps, très librement, de longs défilés à son rythme (ndlr : sans tenir compte du calendrier de la Fédération de la Haute Couture et de la Mode). Cette démarche se poursuivra.
Le premier défilé, depuis le décès du couturier, aura lieu à la fin de l'année 2021, le 29 décembre. Signé par le studio de création, il présentera pour la première fois "les derniers modèles inédits dessinés par Pierre Cardin et ceux qui auront été créés depuis par le studio à 100%, en respectant le style de la maison" a indiqué Rodrigo Basilicati Cardin précisant que ce défilé sera "pour honorer son souvenir, un an après sa mort". L'idée n'étant pas de faire une rétrospective mais de présenter des créations "qui soient toujours reconnaissables".
Déjà, une vingtaine de modèles, dessinés par Pierre Cardin en 2020, ont été réalisés en 2020. "Cette grande quantité de modèles sera là aussi pour inspirer les licenciés" ajoute-t-il encore.
Poursuivre les licences mais"à condition de respecter la créativité de la griffe"
Le couturier visionnaire, qui avait fondé sa maison homonyme en 1950, était aussi un homme d’affaires intraitable qui avait mis en place dès les années 1960 un système de licences : à l'époque, il imagine des articles produits par des industriels qui lui reversent ensuite un pourcentage sur les ventes.
La maison est encore à la tête aujourd'hui de plus de 300 licences. Ce réseau - accordé sur tous les continents par le couturier - sera "maintenu et développé" mais précise Rodrigo Basilicati-Cardin "à condition de respecter la créativité de la griffe".
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