Karen Grigorian met l'art du pli au service de la couture
Un "choix risqué" mais réalisé "en toute conscience", dit cet artisan d'art, "au moment du rachat par le groupe Chanel de l'atelier familial Gérard Lognon", où il a travaillé 14 ans. "C'était un grand groupe avec d'autres exigences et d'autres contraintes qui s'harmonisaient mal avec celles de mon travail", explique celui qui a créé son entreprise, Maison du Pli, en 2014, avec ses enfants : Eugénie, 25 ans, Roudolph 22 ans, et Elsa, 19 ans. "Ils m'ont énormément encouragé et nous nous sommes lancés tous ensemble dans l'aventure", un parcours "semé d'embûches", dont il se dit "fier".
Collections de haute couture, maroquinerie de luxe, décors de boutiques, de théâtre ou design : l'atelier répond aux désirs artistiques les plus fous des créateurs qui lui confient leurs croquis et font appel à son ingéniosité, conjuguant règles de géométrie, précision et esthétique.
Arrivé en 1990 d'Arménie en France où ses grand-parents tisserands l'avaient précédé après la Première guerre mondiale, Karen Grigorian a appris le métier "sur le tas", en travaillant pendant dix ans à l'atelier de plissage mécanique Plissé Garbis avant d'entrer aux ateliers Lognon.
Des carrés Hermès fabriqués mécaniquement à l'élaboration de métiers manuels, il y a parfait son art, relançant le plissage artisanal à la main après avoir retrouvé d'anciens moules relégués à la cave. Il les a reproduits et en a imaginé de nouveaux qui ont conquis les grandes maisons de couture et de luxe.
Depuis novembre 2015, la Maison Margiela fait appel au plisseur pour ses collections. Il s'est aussi lancé dans la fabrication de prototypes pour Sericyne, jeune société qui produit et transforme de la soie grâce à un procédé permettant à des vers à soie de filer des formes en deux ou trois dimensions sans fabriquer de cocon.Un atelier familial sur les hauteurs de Belleville
Karen Grigorian s'est installé dans le XIXe arrondissement en mai 2016 avec l'aide de la mairie de Paris, après avoir longtemps cherché un local dans la capitale en raison du prix élevé des loyers."Hormis la paperasse et les banques, trouver un local a été le plus difficile", confesse sa fille aînée Eugénie, qui comme son frère et sa soeur, a consacré toutes ses économies et son temps libre à l'entreprise, en poursuivant ses études supérieures en biologie marine. "Il y avait des cartons partout à la maison et il était angoissé", se souvient Elsa, la benjamine. "Fascinée par ses idées et ses prototypes", elle mesure le chemin à parcourir avant de savoir "dessiner, tracer, casser le carton et le plier".
Karen Grigorian ne se verse aucun salaire et a réinvesti ses bénéfices dans du "bon matériel", qu'il a fabriqué sur mesure pour "être au plus près des souhaits" de ses clients. Un "défi" qui se traduit par "de longues heures de travail passées debout, toute l'année" et dissuade nombre d'apprentis de perpétuer son savoir-faire. "C'est mon moteur. Je n'ai jamais pensé rentabilité, ça m'aurait empêché d'avancer", dit-il.
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