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Haute couture printemps-été 2023 : la réponse glamour à la crise énergétique de la maison On Aura Tout Vu

Fondée en 1998, la maison On Aura Tout Vu s'est lancée, en 2002, dans la haute couture à coup de paillettes, de strass et d'éclats de cristaux. Les collections, que le duo imagine, empruntent la voie du détournement et de la fantaisie mêlant l'humour et le luxe, le quotidien et le merveilleux...
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 10min
On Aura Tout Vu couture printemps-été 2023, au Paradis Latin, le 24 janvier 2023 (Grégoire Avenel)

Le défilé de la maison On Aura Tout Vu, chorégraphié par Kamel Ouali, a été présenté, au Paradis Latin, le 24 janvier, au deuxième jour de la semaine de la haute couture parisienne printemps-été 2023. Le duo - connu pour conjuguer l'humour décalé avec une touche de flamboyance - n'a pas manqué à sa réputation en affirmant cette saison : "l'être humain peut se retourner vers lui-même et puiser dans ses propres ressources pour créer sa propre énergie".

Résultat, sur le podium les créations de la collection Sunlightpower permettent de stocker l'énergie, indispensable pour recharger nos différents appareils, grâce à des inserts de panneaux photovoltaïques. Elles côtoient d'autres modèles en soie, dentelle, tulle et strass déclinés sur des robes courtes ou longues, des vestes rebrodées ou incrustées dans une palette noir, doré, rouge, jaune.

Yassen Samouilov et Livia Stoianova nous expliquent la genèse de cette collection.

Franceinfo culture : pourquoi la collection couture printemps-été 2023 s'intitule "Sunlightpower" ? 

Yassen Samouilov : avec Livia nous nous sommes demandés quel était le plus gros problème actuellement : c'est l'énergie. Et nous avons cherché à l'intégrer dans nos vêtements couture. On a pensé au concept du panneau solaire dont l'énergie récupérée est stockée dans une batterie avec laquelle on charge à volonté portable, téléphone... On a décidé de produire nous-même notre énergie. Chez OATV, on traite l'actualité de façon ludique. Voici notre réponse à la crise énergétique. 

On Aura Tout Vu couture printemps-été 2023, au Paradis Latin, le 24 janvier 2023 (LAURENT BENHAMOU/SIPA)

Dans la collection, il y a une série de vêtements avec ces panneaux. Nous nous sommes associés avec la société franco-allemande Asca, leader dans ce domaine. Ils ont mis au point un système qui permet d'imprimer le photovoltaïque sur des panneaux aux formes différentes, fins et souples, contenant des circuits reliés les uns aux autres. En dépit des contraintes techniques, ces panneaux ont été incorporés aux vêtements. A l'heure actuelle, ces technologies sont rarement utilisées dans la couture, seulement dans les vêtements destinés à l'alpinisme et à la randonnée.  

Le duo de créateurs de la maison On Aura Tout Vu dans leur atelier parisien, montrent des panneaux photovoltaiques avec lesquels ils ont travaillé pour leur collection couture printemps-été 2023, janvier 2023 (CORINNE JEAMMET)

Livia Stoianova : on propose de brancher directement le téléphone sur le vêtement ou sur les chaussures dans la semelle desquelles sont intégrés des petits disques électriques. Lors de la marche ils produisent l'énergie nécessaire pour charger la batterie.

Yassen Samouilov : et pour rappeler cette thématique les vêtements ont des imprimés soleil, rouge, orange, jaune mais aussi argent, or, Louis XIV qui évoquent les rayonnements solaires... Dans la collection il y a des vêtements fluides, transparents avec des dentelles laquées, et aussi des accessoires (sacs, bijoux). C'est un équilibre entre le côté portable et dingue ! (rires). 

On Aura Tout Vu couture printemps-été 2023, au Paradis Latin, le 24 janvier 2023 (LAURENT BENHAMOU/SIPA)

Livia Stoianova : pour les pays où il y a du soleil, c'est le futur ! Après on proposera aussi des accessoires - bracelet, sac, chaussures. C'est une bonne solution de développer notre propre énergie, d'être autonome. Il y a un potentiel énorme : c'est économique, non polluant. Les nouvelles technologies, il faut les rendre belles et désirables ! 

Yassen Samouilov : c'est surtout un moyen de ne plus devenir hystérique quand on n'a pas de prise électrique à disposition (rires). 

On Aura Tout Vu couture printemps-été 2023, au Paradis Latin, le 24 janvier 2023 (GREGOIRE AVENEL)

Cette collection couture conclue une année 2022 chargée notamment avec l'exposition Re(belles) dentelles au musée des Dentelles et Broderies de Caudry.   

Yassen Samouilov : oui, et l'exposition - qui devait fermer en décembre 2022 - a déjà été prolongée au moins jusqu'à fin janvier 2023.

Livia Stoianova : elle a suscité beaucoup d'intérêt car c'est la première fois dans l'histoire du musée qu'un seul créateur est exposé. Pour cette exposition, en deux volets, il y a eu un renouvellement des pièces pour proposer des techniques de travail différentes au travers de plus de 120 modèles. La rotation, faite au moment des Journées du patrimoine, a donné lieu à un défilé ouvert au public. C'est l'un des défilés le plus émouvant que l'on ait fait : étaient présent des gens qui ont travaillé 30 ans dans la dentelle et n'avaient jamais vu un vêtement porté par un mannequin. Il y avait des ouvriers, leurs familles, des gens des ateliers dans un lieu magique, une des usines textiles les plus emblématiques de la région, Carpentie & Preux. Le maire de la ville a dit quelque chose de très juste : ici, il y a les esprits de tous ces gens-là. Hier, les hommes travaillaient dans les mines et les femmes dans le textile. C'était un métier très dur, avec beaucoup de souffrance : elles étaient souvent très pauvres et le contremaitre les piquaient avec des aiguilles pour qu'elles travaillent plus vite. 

Vous avez aussi défilé en Pologne ? 

Yassen Samouilov : oui, fin octobre, pendant la semaine de la culture française à Varsovie. Lors de cette French Touch étaient présents plusieurs artistes issus de différents domaines - chanson, humour, cinéma, gastronomie.... L'idée étant de faire découvrir la culture française aux Polonais. 

Livia Stoianova : c'est un événement qui existe depuis plusieurs années. Il y avait Garou, M.Pokora, Cédric Klapisch, Jean-Michel Jarre, entre autres, et le cabaret du Paradis Latin pour représenter la France. Nous avons fait un mini défilé pour une émission, en direct, sur la première chaine polonaise.  

Vous n'aviez pas défilé depuis la couture de janvier 2022. Vous avez un rythme annuel plus personnel, pourquoi ce choix ? 

Livia Stoianova : on a commencé à faire un défilé annuel, qui n'a pas de saison, juste avant le Covid. On devait alors faire un défilé en Ukraine puis au Japon mais les déplacements ont été annulés. Depuis tout est plus compliqué pour organiser un défilé. Pour les Fashion Weeks, il y a plus de conditions à remplir désormais. 

Yassen Samouilov : heureusement, les Fashion Weeks se tiennent, encore (sourires).  Les Japonais aimeraient que l'on prépare une exposition montrant le travail réalisé depuis quelques années avec leurs textiles et notre approche couture en France. 

Livia Stoianova : nous avons aussi d'autres activités au printemps : ballets, tournées de chanteuse... Nous nous sommes dit que c'était mieux de se concentrer sur un seul défilé annuel. Aujourd'hui de plus en plus de maisons choisissent cette formule-là : Margiela, Marine Serre (qui, elle, ne défile pas en couture). Nos clientes - qui reviennent petit à petit - sont absolument hors saison. Si certaines choisissent des modèles couture de la saison en cours, de plus en plus demandent une adaptation des modèles des saisons précédentes mais aussi quelque chose de plus personnel, dessiné pour elles spécifiquement, adapté à leur caractère, à ce qu'elle aime.   

En plus de la collection couture en janvier, vous en produisez d'autres pour votre unique point de vente, sur l'ile de Paros en Grèce. 

Yassen Samouilov : l'idée était d'aller dans un endroit où les gens sont plus décontractés où ils n'ont pas la pression du quotidien. Ils sont en vacances et ont envie de consommer d'une autre façon que dans une grande ville comme Paris, New-York, Milan. Tout ce qu'on y vend [d'avril à septembre] à un côté un peu festif et cela colle à l'idée d'être en vacances et de prendre le temps d'apprécier des jolies choses. 

Livia Stoianova : nos produits exigent une attention, il faut les voir, les toucher pour vraiment les comprendre.    

Vous créez aussi davantage de pièces pour l'homme. 

Livia Stoianova : oui, en effet, on a beaucoup plus de demandes masculines qu'avant. 

Yassen Samouilov : on propose des pièces exclusivement pour Paros et d'autres pour notre site. Le Covid nous a poussés à lancer l'eshop en septembre dernier. On y trouve des pièces uniques - presque des pièces couture - ainsi que des éditions très très limitées. C'est un pari de ne pas fabriquer des tonnes pour être dans l'esprit couture mais à des prix plus accessibles. 

Livia Stoianova : nous ne sommes pas guidés par les saisons. Les gens cherchent de plus en plus quelque chose d'unique et des nouveautés : même les T-shirts ne sont pas proposés en grande quantité. 

Vous avez développé des collaborations ?

Livia Stoianova : oui, avec le Moulin Rouge. C'est plus qu'une collaboration, cela fait 14 ans que nous travaillons ensemble. Et puis, il a les sextoys Lelo et le Paradis Latin.

Quelles sont les personnalités que vous habillez cette année ? 

Livia Stoianova  : cette année, il y a eu les chanteurs Slimane, Christina Aguilera, Gwenn Stefani, Lady Gaga mais aussi Karine Le Marchand, Elodie Frégé, Jane Fonda, Winnie Harlow, Billy Porter, Dita van Teese, Nolween Leroy....

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