Les formes et couleurs des étoffes imprimées décryptées à Mulhouse
"Toute l'action de la peinture réside dans le rapport des couleurs entre elles, dans le rapport des formes entre elles, et dans le rapport entre les formes et les couleurs"… S’il en va ainsi pour la peinture, selon le peintre Auguste Herbin, il en est de même pour le motif expressif ou décoratif qui orne les toiles imprimées.
Reportage : E. Kleinhoffer / M. Coulon / X. Châtel
Le 17e et ses indiennes aux riches couleurs
Dès la seconde moitié du 17e siècle le succès des premières indiennes arrivées en occident est dû à leurs riches couleurs qui illuminent les intérieurs et les vêtements. Rapidement les manufactures occidentales s’en inspirent et elles forment les premières bases du vocabulaire décoratif textile. Les couleurs naturelles, essentiellement la garance et l’indigo, limitent la palette créative. Comme il faut sans cesse renouveler l’offre, les dessinateurs vont alors passer maître dans l’utilisation de la forme et la couleur pour échapper à la réalité naturelle.L’harmonie des couleurs est un sujet récurrent dans le textile. Déjà dans l’Antiquité, les problèmes de la relation des couleurs entre elles et de l’influence de la lumière sur ces dernières sont posés pour le tissage des étoffes. A l’origine, le coloriste a peu de teintes à sa disposition. Jusqu’à l’invention des premiers colorants synthétiques dans les années 1850, les couleurs naturelles pour la teinture ou l’impression sont issues de la pourpre, la garance, le pastel, l’indigo, le kermès, la cochenille, le safran et l’oseille. En Alsace, le manufacturier Jean-Michel Haussmann a été un précurseur en améliorant l’application des mordants sur les toiles de lin ou de coton. Dans les années 1790, des colorants minéraux apparaissent tels que le chamois de l’hydrate d’oxyde ferrique, l’orangé de l’antimoine, le bleu de Prusse et le bistre du manganèse.
Le 18e et l'infiniment petit
Dès le 18e siècle, ils s’inspirent de l’infiniment petit grâce au perfectionnement des microscopes. Ils créent alors des étoffes abstraites ou couvertes de modules ressemblant à des cellules. Au 19e siècle les débuts de la chimie, l’amélioration des techniques de gravures et l’utilisation de la laine débrident leur imagination. Ils utilisent alors des formes abstraites ou géométriques, s’inspirent du mouvement et utilisent la 3e dimension pour créer des étoffes cinétiques ou construites.Le 19e et les travaux des chimistes
Au 19e siècle, les recherches des chimistes Claude Louis Berthollet, Etienne Chevreul, Wilhelm von Hofmann et William Henry Perkins conduisent à la création des teintures synthétiques. L’élargissement de la gamme chromatique, les études sur les contrastes et l’harmonie des couleurs ouvrent des possibilités créatives nouvelles et influencent l’art du teinturier coloriste et le vocabulaire décoratif traditionnel. Les travaux de Michel Eugène Chevreul ont eu une influence déterminante sur l’art décoratif et sur la peinture et par extension sur les dessins textiles. Ce dernier met au point sa théorie des contrastes en étudiant le rapport des couleurs entre elles dans les tissages des tapisseries.Le 20e et la peinture moderne
Au 20e siècle, la peinture moderne reprend ces principes accompagnés d’un discours au travers de peintres comme Delaunay, Mondrian, Albers ou Vasarely. Dans les années 1930, le style art déco produit des étoffes géométriques très graphiques qui accompagnent le mobilier et la décoration de l’époque. Dans les années 1950-60, la peinture inspire l’univers textile au travers de mouvements comme l’abstraction géométrique ou lyrique. Dans les années 1970, une géométrie cinétique couvre les tissus.De nos jours, l’abstraction colorée du street-art renouvelle le vocabulaire décoratif textile. Les mouvements artistiques ont influencé le textile : parfois les dessinateurs ont été des précurseurs et ont produit des motifs d’avant-garde, parfois, ils se contentent de s’en inspirer ou de les copier. En 1965, le créateur Yves Saint Laurent crée pour sa robe Mondrian inspirée du peintre Piet Mondrian, autre inventeur de l’abstraction.
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