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Le vestiaire de Danielle Luquet, muse de Saint Laurent, rapporte 714.737 euros

Danielle Luquet de Saint Germain fut la muse d'Yves Saint Laurent. Le couturier s’inspi­rera de son style vestimentaire personnel pour créer des pièces mythiques : le smoking pour femme, la blouse transparente, la saharienne. Une robe longue noire signée Saint Laurent a été adjugée 119.000 euros, lundi à Drouot. C'est l’une des plus grandes collections haute couture du dernier quart du XXe siècle.
Article rédigé par franceinfo - Corinne Jeammet (avec AFP)
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Publié Mis à jour
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Danielle Luquet de Saint Germain et Yves Saint Laurent , séance d’essayage, collection automnehiver 1968-1969
 ( Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent D.R.)
La vente de lundi de plus de 300 lots a rapporté 714.737 euros. Parmi eux, cette robe longue d'Yves Saint Laurent, en mousseline noire transparente au niveau du buste, ornée de plumes d'autruche sur les hanches. Elle était estimée entre 13.000 et 15.000 euros mais a été adjugée à 118.750 euros (avec les frais). Cette robe fut créée en 1968 à même le corps de Danielle Luquet de Saint Germain. Yves Saint-Laurent "l'avait créée sur moi. Son inspiration venait sur chaque mannequin. Il créait selon ce que la fille lui inspirait", a expliqué à l'AFP Danielle Luquet de Saint Germain, jointe par téléphone. Elle l'a présentée seins nus et se souvient de "l'étonnement de la presse du monde entier".
La vente a suscité l'intérêt de grands collectionneurs de mode ainsi que de musées français et étrangers, a dit Drouot. Des enchères exceptionnelles avec 12.000 pièces des plus grands créateurs vendues en plusieurs séances. "J'ai gardé tout ce que je trouvais significatif, comme une base de référence pour ceux qui aiment la mode. (...) Rien n'est démodé. Tout est tellement beau". Mais "il a fallu que je m'en sépare. C'était trop envahissant et trop coûteux. Je n'ai plus la force de m'en occuper", a-t-elle expliqué.

"C'est une collection exceptionnelle, (...) une des plus belles collections de haute couture au monde, (qui était) encore entre les mains d'un privé", a dit le commissaire-priseur Georges Delettrez. Elle appartenait à "l'une des femmes les plus élégantes du monde". Il a fallu cinq semaines pour faire l'inventaire de toutes les pièces qui étaient conservées dans "un énorme dressing de 500 m²". "L'état de conservation des vêtements est absolument 
impeccable. Chaque robe se trouvait dans du papier de soie pour qu'elle garde sa forme".
La rencontre avec Yves Saint Laurent
"Elle est arrivée de Lyon, elle avait fait très peu de mode, et quand je l’ai choisie, je me suis aperçu que son corps, ses gestes étaient typiquement ceux de la femme d’aujourd’hui. Je n’avais rien à lui apprendre, au contraire, c’est elle qui me débarrassait de toutes les références et réminiscences démodées, la poussière de la haute couture » indique Yves Saint Laurent dans le Journal du Dimanche, le 2 février 1969.
Série de huit clichés réaliséé pour la Maison Saint Laurent, modèle de la collection automne-hiver 1967-1968 présenté par Danielle Luquet de Saint Germain.
 (Archive Danielle Luquet de Saint Germain, D.R.)
A 19 ans, elle rencontre Yves Saint Laurent
Née à Lyon, Danielle Luquet de Saint Germain a grandi dans une fratrie de 5 enfants. À la maison, une couturière réalise les vêtements de la famille. Cadette, elle réajuste ceux de ses aînées et réinvente ses tenues en s’inspirant des pages de Elle. À 19 ans, elle part vivre à Paris et se présente chez Yves Saint Laurent qui l’embauche en tant que mannequin cabine. Son contrat d’exclusivité lui interdit de travailler pour une autre maison mais lui offre l’occasion de recevoir deux modèles par saison.
Danielle Luquet de Saint Germain dans la robe Yves Saint Laurent automne- hiver 1968-1969 n° de passage 74
 (Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent D.R.)
«  Un matin je suis arrivée en même temps qu’Yves, vêtue d’un pantalon et d’un trench d’homme. Lorsque je suis montée au studio après la présentation de la collection, il m’a demandé si je pouvais mettre ma tenue à sa disposition pour qu’il s’en inspire ».

Danielle lui inspire donc son premier smoking, sa première blouse transparente, sa première saharienne, son premier costume d’homme… C’est également sur elle qu’il va imaginer et créer sa collection « Rive Gauche ». Elle quitte la maison après 10 ans de collaboration. 
Yves Saint Laurent haute couture n° 48461 hiver 1979. Estimation : 10 000 / 12 000 €.
 (SVV Gros & Delettrez - Photographe : Marc Guermeur)
De Rodier à Montana en passant par Dior
Elle devient ensuite conseillère artistique de Rodier et travaille avec Roland Chakkal qui officiait précédemment auprès de Saint Laurent. Ensemble, ils vont apporter un souffle nouveau aux créations en utilisant la maille et donner aux vêtements la liberté de mouvement que cette matière autorise. Elle reste deux ans chez Rodier.
Gibo pour Claude Montana automne-hiver 1979-1980 Estimation : 1 000 / 1 200 €
 (SVV Gros & Delettrez - Photographe : Marc Guermeur)
Après un séjour à l’étranger, elle entre chez Dior auprès de Marc Bohan, alors D.A. Elle défile pour Miss Dior et devient conseillère artistique durant deux ans. C’est à cette époque qu’elle fait la connaissance de Claude Montana, qu’elle va aider à réaliser sa première collection, et participe à son premier défilé. À nouveau, elle inspire le couturier, pour qui elle incarne l’idéal féminin. Claude Montana lui offre des prototypes et des vêtements. Pendant les 5 années où Claude Montana prend la D.A. de Lanvin, Danielle vient régulièrement l’assister.
Alaia circa 1981 Estimation : 700 / 800 €
 (SVV Gros & Delettrez - Photographe : Marc Guermeur)
Toujours passionnée de couture
Depuis 1978, Danielle Luquet de Saint Germain vit à Genève mais elle ne cesse de s’intéresser aux collections de haute couture. Elle devient une cliente d’Azzedine Alaïa, dont elle suit les débuts rue de Bellechasse, elle aime les robes du soir de Christian Lacroix chez Jean Patou, puis celle de sa propre maison dont il propose des modèles exclusifs à Danielle.

Sa garde-robe s’est donc muée en collection. Les choix en ont été dictés par les goûts de Danielle et son plaisir à porter les pièces mais également pour témoigner des moments significatifs de l’histoire de la mode, proposant une vision quasi exhaustive de la création du dernier quart du XXe siècle.
 

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