La Fashion Week de New York, en repli, dans la tempête du #MeToo
Malgré l'ajout de deux jours de défilés de mode masculine, le calendrier de cette semaine new-yorkaise s'appauvrit encore, après les départs en 2017 de Tommy Hilfiger, Altuzarra ou Rodarte. Pour ajouter à l'hémorragie, le créateur Alexander Wang - qui avait fait le "buzz" en septembre avec un défilé dans la rue - a annoncé qu'il ne serait plus là la saison prochaine, préférant décaler ses présentations à juin et décembre.
Le monde de la mode devrait profiter de la Fashion Week pour manifester sa solidarité. Un défilé, samedi, s'annonce dédié aux mouvements #MeToo et Time's Up : "chaque mannequin livrera un message puissant via la mode qu'il portera", ont promis les organisateurs.
Effet indirect de cette mobilisation : la maison Marchesa, co-détenue par la femme de Harvey Weinstein, Georgina Chapman, a annulé au dernier moment son défilé féminin à New York, où elle avait pris résidence depuis 2006. La marque, autrefois prisée des actrices, promettait d'attirer les foules, impatientes d'entrevoir la Britannique, silencieuse depuis le début du scandale, sinon pour annoncer qu'elle quittait Harvey Weinstein avec lequel elle a eu deux enfants. Son annulation est venue s'ajouter aux défections d'autres habitués de la Fashion Week new-yorkaise, comme les Espagnols Delpozo et Desigual.
Dans l'ombre de l'affaire Weinstein
A l'approche des premiers défilés, les professionnels se sont mobilisés pour bannir des pratiques qui empoisonnent la réputation du secteur depuis des années mais qui n'avaient jamais été aussi exposées que depuis l'affaire Weinstein. Le photographe Terry Richardson, à la réputation sulfureuse, a été le premier à devenir indésirable à l'automne 2017. Sont ensuite tombés en disgrâce les photographes de mode Bruce Weber et Mario Testino, accusés d'agressions lors de séances de prises de vue. Récemment, la mannequin Kate Upton a accusé le co-fondateur de Guess, Paul Marciano, de harcèlement sexuel, faisant dégringoler le cours de l'action en Bourse, même si Paul Marciano a démenti ces allégations.Face à ces révélations, le CFDA, syndicat américain de la mode, a diffusé des recommandations aux professionnels du secteur. Il les appelle notamment à choisir pour leurs défilés des espaces "permettant aux mannequins de se changer à l'abri des regards". Et insiste pour que toute personne qui se sentirait menacée alerte la police ou des organisations comme l'association de défense des mannequins The Model Alliance, qui a fait de la lutte contre les agressions sexuelles une priorité.
Mi-janvier, le groupe d'édition Condé Nast, propriétaire des influents magazines Vogue et Vanity Fair, avait déjà adopté des consignes pour éliminer les situations à risques des séances photo : accord préalable des mannequins avant toute nudité ou pose sexuellement suggestive, et plus aucun moment seuls avec un photographe ou un maquilleur dans les studios, d'où sont bannis l'alcool et la drogue.
New York en plein chaos
New York a d'autant plus besoin de se renouveler que la première ville américaine est, plus encore que Londres, Milan ou Paris, sous l'emprise des "influenceurs" : blogueuses ou coqueluches des réseaux sociaux qui, telle la mannequin Kendall Jenner chez Calvin Klein ou Selena Gomez pour Coach, pèsent aujourd'hui dans le succès des marques.La "grosse pomme", qui tire 900 millions de dollars de revenus directs et indirects de ses deux Fashion Week annuelles, doit s'attendre à "une période de chaos", avant l'émergence d'un nouveau modèle, a estimé Steven Kolb, directeur du CFDA.
Plutôt que d'organiser des défilés pendant la Fashion Week, des stars comme Rihanna ou Justin Timberlake envisagent des boutiques éphémères dites "pop-up", de plus en plus prisées pour tester une collection, selon le New York Post. Et Kanye West a présenté la semaine dernière sa nouvelle collection Yeezy sur Instagram, via une série de photos de célébrités qui, en imitant des photos de paparazzi, ont immédiatement fait le buzz.
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