L'érotisme des estampes japonaises Shunga inspire l'Homme Plissé d'Issey Miyake
Il existe depuis toujours et partout dans le monde des oeuvres représentant la passion entre les sexes. Bien que leur vente en public ait été prohibée à l’époque Edo, l’art des Shunga est devenu tellement populaire à cette époque que des artistes Ukiyo-e de premier plan tels que Hokusai, Utamaro et Harunobu se sont impliqués dans leur production.
L’Ukiyo-e (image du monde flottant en français) est une gravure sur bois réalisée par un dessinateur, signataire de l’œuvre, un graveur et un imprimeur. Les premières estampes étaient monochromes et réalisées à l’encre de Chine. Dans un deuxième temps, elles pouvaient être rehaussées de couleurs à la main. A partir de 1765, l’Ukiyo-e devient polychrome. Le dessin est fait à l’encre de Chine sur une feuille de papier en fibres de mûrier. Il est, ensuite, appliqué sur des planches de bois, gravées en creux, une pour chaque couleur. L’Ukiyo-e a pour sujet de jolies femmes aux silhouettes gracieuses, des acteurs de théâtre grimaçants, des paysages harmonieux et des éléments de la nature.
Aujourd'hui, l’art des Shunga est considéré comme l'une des catégories les plus importantes de l'art japonais. Il est devenu l'objet d'acquisitions pour des institutions artistiques, dont le British Museum à Londres, qui en 2013 lui a consacré une exposition "Shunga: Sexe et plaisir dans l'Art Japonais". L'exposition a voyagé au Japon en 2015 provoquant une forte sensation à travers le pays où le fait d’exposer publiquement ce genre de gravures restait jusqu’alors un tabou.
L’intérêt de ces estampes tient non seulement à son érotisme mais il réside également dans leur représentation picturale : en plus des organes génitaux parfois exagérés de manière humoristique, des actes sexuels explicites sont présentés. Les motifs des kimonos sont minutieusement dessinés et les intérieurs vivement colorés.
Une garde-robe, réversible, à dévoiler ou à cacher
Cette vitalité, émanant de l’humour et de l’éros ainsi que du mode de vie chic et élégant de l’époque Edo, a inspiré la collection Spring Series de la ligne Homme Plissé Issey Miyake. Résultat : des vêtements -légers, infroissables, faciles à laver et à sécher- qui revisitent les motifs et les styles vestimentaires traditionnels japonais, sur lesquels s'impriment ces Shunga. Chemises, vestes, manteaux et kimonos sont à dévoiler ou à cacher pour les plus pudiques : certains modèles étant réversibles !Le directeur artistique Pascal Monfort a donné sa vision de la collection avec une série de visuels réalisée par le photographe Charles Negre et une vidéo mettant en scène trois danseurs de voguing.
"Le voguing est un style de danse inspiré par les poses que prenaient les mannequins dans les années 60, rendu célèbre dans les ballrooms de Harlem dans les années 80. Aujourd’hui, le voguing est une scène underground riche et transgressive avec ses propres soirées, ses musiciens et ses muses, les danseurs. Cette vidéo célèbre leur énergie communicative, leur précision du geste et leur sens de l’érotisme" explique Pascal Monfort.
Hier, des artistes précurseurs
Utamaro Kitagawa (1750 - 1860) grand maître de Bijin-ga (portraits de femmes) rattaché au courant Ukiyo-e, était réputé pour sa manière de représenter la beauté cachée et apparente des femmes à cette époque. Connu dans le monde de l'art occidental comme un chef-d'oeuvre Shunga, l'estampe "Poem of the Pillow" met en valeur la représentation délicate du kimono, des cheveux et du dos d'une femme ainsi que celle de sa peau qui apparaît à travers son kimono.Katsushika Hokusai (1760 - 1849), un des artistes japonais le plus célèbre au monde, a été prolifique tout au long de sa vie en variant les genres comme "Nikuhitsu-ga" (peintures dans le style d'art Ukiyo-e) et "Yusai-ga" (peintures à l'huile). Considéré comme l'une de ses créations la plus connue "Tako to ama (The Dream of the Fisherman’s Wife)" submerge le spectateur avec ses paysages magnifiques et sa composition audacieuse. Le dialogue entre les personnages écrit par l'artiste et placé dans la marge suggère que l'héroïne jouit d’un plaisir sexuel intense bien que retenue captive par deux poulpes.
Avant Utamaro, Torii Kiyonaga (1752-1815) avait créé son style Bijin-ga en explorant l'élégance du corps élancé de la femme. Considérée comme la plus célèbre de ses oeuvres Shunga, "Sode no maki (Handscroll for the Sleeve)" capture sa simplicité dans un format horizontal long et étroit où deux corps, celui d’un homme et d’une femme, sont intimement entrelacés. Leurs kimonos représentés en détail donnent des indices quant à leur statut et leurs expressions faciales en gros plan et laisse imaginer leurs pensées....
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