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Havaianas, la tong culte célèbre l'esprit brésilien et ses favelas

Havaianas, qui vient de changer de propriétaire suite à une affaire de corruption, est l'une des plus grandes success stories du Brésil. D'abord portées par les pauvres, ces tongs ont conquis toutes les couches sociales et la planète entière. Dans le cadre de son projet "Portraits du Brésil", la marque a lancé une collection dessinée par Ricardo Negro, un artiste de São Paulo.
Article rédigé par franceinfo - Corinne Jeammet (avec AFP)
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Havaianas "Portraits du Brésil" par Ricardo Negro, 2017
 (Courtesy of Havaianas)

La société mère Alpargatas était contrôlée par le groupe J&F, des frères Joesley et Wesley Batista, qui possèdent un empire de commerce de viande. Impliqués dans des scandales de corruption, les frères Batista ont collaboré avec la justice pour préserver leur conglomérat. Ils ont évité la prison mais ont écopé d'une amende de 2,86 milliards d'euros sur 25 ans, qui les a poussés à se débarrasser d'actifs dont Havaianas. J&F a cédé pour 950 millions d'euros la participation de 54,24% qu'Alpargatas détenait dans Havaianas à trois holdings : Itausa, Cambuhy Investimentos et Brasil Warrant. Il y a deux ans, la marque avait dû être revendue par son précédent propriétaire suite à l'enquête anticorruption "Lavage Express". 

Des Havaianas dans une boutique de Sao Paulo en 2013.
 (Miguel Schincariol / AFP)

Des tongs inspirées de sandales japonaises

L'histoire de Havaianas a débuté avec le lancement en 1962 de tongs inspirées par des sandales de paille de riz japonais. Le nom de son modèle en caoutchouc au design simplissime - une semelle souple et une lanière en Y entre les orteils - a été emprunté à la capitale de l'exotisme Hawaï. 

Aujourd'hui, c'est l'univers multicolore de la marque qui attire les clients - les contrefacteurs aussi. Les Havaianas se vendent en plus de 150 modèles différents, du basique pour moins de cinq euros, à celui stylisé avec des dessins tropicaux et un petit drapeau brésilien pour neuf euros, jusqu'au modèle customisé avec des pierres incrustées Swarovski pour 60 euros. On en a vu aux pieds de Madonna, David Beckham ou Kim Kardashian pour laquelle le joailler H. Stern a costumisé une série de paires sertie d'or pour 15.500 euros.
Havaianas Sonia Rykiel pour une exposition parisienne aux Beaux Arts en 2005. Vendues au profit d'une association venant en aide aux enfants défavorisés des favellas
 (ZICH/SIPA)

"Portraits du Brésil" par Ricardo Negro

Dans le cadre de son projet "Portraits du Brésil", Havaianas a lancé une collection designée par Ricardo Negro, un artiste de São Paulo. Ses imprimés dépeignent la réalité des habitants de communautés du pays tout en s’inscrivant dans la vision joyeuse, ingénue et intime de quelqu’un qui a vécu dans ce cadre de vie depuis l’enfance. Cette collection de trois imprimés reprend des peintures de l’artiste qui brossent, la vie des favelas du Complexo de Grajaú, l’un des plus grands quartiers de la pointe sud de São Paulo, où Ricardo Negro a grandi et vit encore aujourd’hui. Parés de brides différentes, tous les modèles arborent les couleurs caractéristiques de la marque ainsi que des dizaines de petites maisons colorées les unes à côté des autres, qui constituent l’un des dessins emblématiques de l’artiste. 

Havaianas "Portraits du Brésil" par Ricardo Negro, 2017
 (Courtesy of Havaianas)

Ricardo Negro est le speudonyme de Ricardo Alves de Silva Miranda. Aprés s'être essayé à différents thèmes, il s'intéresse aujourd'hui à l'étude et à la peinture des communautés pauvres et des favelas du Brésil. 

L'âme brésilienne

"Havaianas représente l'âme brésilienne et est un objet de désir, synonyme du Brésil qui fonctionne", estime Claudio Goldberg, professeur d'économie à la Fondation Getulio Vargas.
Des Havaianas dans une boutique de Sao Paulo en 2013
 (Miguel Schincariol / AFP)
A l'origine les Havaianas avaient une semelle blanche et une lanière bleue. Jusqu'en 1969, lorsqu'un employé a peint par erreur des lanières en vert. Les clients ont adoré. Havaianas s'est mis à varier les couleurs, puis le design, à partir des années 90. La marque assure que les deux tiers des 200 millions de Brésiliens achètent en moyenne une paire de Havaianas par an et qu'en mettant bout à bout les paires vendues depuis ses débuts, on ferait 62 fois le tour de la Terre.
Le scandale de corruption lié aux anciens propriétaires va-t-il affecter la marque ? "C'est déjà bien qu'une telle marque reste brésilienne", dit Claudio Goldberg, qui insiste sur la nécessité de "ne pas perdre l'identité" de Havaianas. Ses nouveaux gestionnaires ont indiqué qu'ils voulaient s'étendre aux Etats-Unis et laisseraient la direction en place.

200 millions de paires vendues chaque année

Dans une boutique de Copacabana, Solange Brascher, employée d'une entreprise de télécommunications, achète une paire pour sa fille. "Avant il y avait cette idée que c'était la sandale du pauvre", dit-elle "mais maintenant toutes les classe sociales les portent parce qu'elles sont cool". "C'est la première chose que j'ai achetée en arrivant pour offrir à mes amis", dit Beatriz Rodrigues, une touriste portugaise. "J'en ai déjà acheté dix paires et je vais en acheter dix autres car elles sont beaucoup plus chères en Europe".
Fabrication des Havaianas, 2013
 (Miguel Schincariol / AFP)
Avec plus de 200 millions de paires vendues chaque année, dont 16% à l'exportation, les Havaianas sont devenues un symbole du Brésil. Elles ont commencé à marcher à l'étranger grâce à leur nouveau design et à une offensive marketing dans les années 90. Le slogan "Elles ne se déforment pas, n'ont pas d'odeur" a laissé la place à "Tout le monde les porte". Aujourd'hui, Alpargatas, compagnie basée à Sao Paulo, dispose de 700 points de vente dans 100 pays. 

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