A l'opposé de la fast fashion, les choix radicaux de la créatrice anglaise Phoebe English pour ne pas nuire à la planète
La mode est l'un des secteurs les plus polluants. Selon des estimations de la Banque mondiale, elle est responsable jusqu'à 10% des émissions de gaz à effet de serre. Avec la fast fashion, on achète pour quelques euros et on jette : des déchets qui se retrouvent souvent dans des décharges sauvages dans les pays du Sud.
Phoebe English, 37 ans, a bien tout cela en tête. "On produit trop et trop vite, d'une manière tout à fait inutile. On doit vraiment y réfléchir : est-ce qu'on peut continuer comme ça, connaissant les limites de la planète ?"
Une certaine éco-anxiété
À l'image de millions de personnes, elle est gagnée par une certaine éco-anxiété, ce qui semble au premier abord difficilement compatible avec son métier. Mais elle a fait des choix radicaux. Phoebe English, qui a commencé dans le métier en 2010 après avoir été diplômée de l'université Central Saint Martins à Londres, montre un chemisier fait à partir de draps récupérés dans un hôtel de luxe. Pour un chemisier en crêpe, c'est du côté d'un magasin de robes de mariées qu'elle a trouvé le tissu.
"Nous passons l'année à collecter des textiles, des déchets qui peuvent se présenter sous la forme de chutes", explique-t-elle. Plusieurs fabricants de robes de mariées lui envoient des chutes de tissus, "qui sinon seraient jetées à la poubelle". Parfois, elle doit travailler avec de petites chutes. Ces choix "rendent notre travail technique et très compliqué".
Avec ces contraintes qu'elle s'est imposées, elle ne présente plus qu'une collection par an à la semaine de la mode, alors que la plupart des créateurs en présentent au moins deux. "On ne peut plus travailler à la même vitesse que d'autres entreprises", souligne-t-elle. Son créneau, c'est désormais une mode lente et durable, aux antipodes de la fast fashion.
La vie d'après
"Notre objectif est de travailler de la manière la moins dommageable possible" pour la planète, résume-t-elle. "On n'utilise pas de plastique", poursuit la créatrice. "Nos boutons sont en noix de Corozo ou en caséine de lait, deux matériaux naturels, et nous utilisons du fil à coudre en coton biologique dans la mesure du possible".
Elle réfléchit à la vie d'après du vêtement, pour qu'il soit facile à recoudre, à réparer une fois usé, et finalement, pour que, si jamais il se retrouve dans la nature, il soit biodégradable.
La collection est monochrome et épurée : les vêtements sont soit noirs, soit blancs. Pas d'imprimés ou de broderies. "Nous travaillons sur la forme, la coupe et le drapé, plutôt qu'avec la décoration". De nombreuses pièces sont non genrées et peuvent donc être portées aussi par des hommes.
Tout est fait dans son studio, dans l'est de Londres, ou en Angleterre avec des équipes extérieures. C'est une toute petite équipe. "Notre activité est assez niche", explique la créatrice. Il y a une dizaine de pièces par modèle.
Phoebe English a vendu ses créations au Japon, aux Etats-Unis et en Europe. Elle a construit une clientèle fidèle, qui lui commande directement des pièces sur internet. Et parmi ses clients, beaucoup d'artistes, et des gens intéressés par sa démarche.
Un programme pour une mode moins polluante
Désormais, la plupart des marques dans la mode disent agir pour l'environnement. Mais beaucoup sont accusées de "greenwashing". "Il y a souvent de la désinformation", déplore Phoebe English. Elle plaide pour une législation "claire" sur le sujet "qui aiderait à atténuer certaines pratiques préjudiciables".
Le British Fashion Council, qui organise la semaine de la mode, vient d'annoncer un programme avec l'industrie du textile britannique pour une mode moins polluante. Ils vont travailler pour une réduction des déchets et de la surproduction de vêtements, en intégrant des pratiques commerciales circulaires, la stratégie de neutralité carbone du Royaume-Uni et des objectifs climatiques plus larges.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.