Dans la perspective des Jeux olympiques, "Mode et sport" au Musée des Arts Décoratifs à Paris : deux univers connectés depuis toujours

L'exposition Mode et sport, d’un podium à l’autre au Musée des Arts Décoratifs de Paris explore les liens qui unissent la mode et le sport, de l’Antiquité à nos jours. Elle révèle comment deux univers, a priori éloignés, participent des mêmes enjeux sociaux autour du corps et rappelle que la mode et le sport ne sont pas des mondes séparés mais des forces connectées qui façonnent notre quotidien. 

Riche de 450 vêtements, accessoires, photographies, croquis, livres, magazines, affiches, peintures, sculptures et vidéos, le parcours chronologique met en lumière l’évolution du vêtement sportif et son influence sur la mode contemporaine en passant en revue les principales activités physiques.

Dans une scénographie colorée et joyeuse, elle montre comment le sportswear a permis de détourner le vêtement sportif de son usage pour l’intégrer au vestiaire quotidien. Suivez-le guide.

Le sport avant le sport

L’exposition s’ouvre, dans la grande nef, sur un espace circulaire dédié à l’Antiquité, lorsque le sport était associé à la nudité. Dans la galerie de droite qui jouxte la nef, une première partie, franchement historique, évoque l’ère médiévale et l’époque moderne.

Les premiers exercices physiques proviennent d’activités utilitaires aristocratiques, telles que la chasse, l’archerie ou l’escrime. À travers des vêtements remis dans leur contexte, on découvre que ces loisirs synonymes de raffinement sont l’occasion d’évolutions vestimentaires, comme la culotte pour les cavalières.

Quand sport ne rime pas encore avec confort

Le sport prend une nouvelle envergure au début du XIXe siècle, le courant hygiéniste promouvant l’activité physique pour être en bonne santé. La section débute en mettant l’accent sur l’importance de la gymnastique puis se poursuit en abordant les sports collectifs comme le football et le rugby qui sont l’occasion pour les hommes d’adopter les premiers maillots. Des jerseys de la fin du XIX siècle et du début du XXe siècle sont présentés avec les premières chaussures à crampons pour le football et à pointes pour l’athlétisme.

Les tenues féminines, elles, sont marquées par d’élégantes robes de tennis, de golf, et de croquet. À la fin du XIXe siècle, les sports individuels prisés de la bonne société sont une occasion de distinction sociale. Les peintures et les photographies du tournant du siècle, notamment celles de Jacques-Henri Lartigue, montrent ces femmes à grands chapeaux. La bicyclette devient pour elles un outil d’émancipation. Culottes bouffantes ou bloomers portés pour faire du vélo en sont les témoins.

De la baignade à la nage

Dans une ambiance aquatique, cette section dévoile l’influence de la baignade et de la nage sur le recul de la pudeur et le dévoilement du corps, depuis les costumes de bain féminins couvrants de la fin du XIXe siècle aux premiers bikinis des années 1940.

Dès l’entre-deux-guerres, les championnes adoptent le maillot deux-pièces, avant son arrivée dans le monde de la mode. Le maillot de bain est un moyen d’aborder la question de l’unisexe, avec les maillots féminins et masculins qui, dans les années 1930, se confondent. En regardant dans une vitrine, un costume de bain féminin, version 1900, composé d'une tunique et d'une culotte, on se félicite de vivre une époque où les maillots de bain ne sont plus en sergé de laine. Et en levant les yeux pour observer une piscine reconstituée au plafond, on visualise le bienfait des innovations contemporaines, telle la combinaison Speedo qui, en 2008, a été considérée comme un dopage technologique, l’efficacité de sa composition ayant permis de battre des records.

Aux origines du sportswear

Changement d'ambiance dans l’entre-deux-guerres avec les premiers vêtements conçus spécialement pour le sport, tel le polo Lacoste. "Dans les années 20, les couturiers vont développer ce qui est le premier sportswear. Même en français on trouve ce mot dans les revues, ce qui n'est pas rien", souligne Sophie Lemahieu, la commissaire de l'exposition. 

Les grands couturiers, fascinés par les compétitions, imaginent des vêtements confortables et élégants, inspirés du vestiaire sportif. Jean Patou, Jeanne Lanvin, Elsa Schiaparelli et Gabrielle Chanel ont participé aux débuts de ce qu’on appelle déjà le sportswear. "Le confort est devenu très important dans notre manière de nous habiller. Il ne peut plus être délogé", commente la conservatrice au département Mode et Textile.

Glisser, de la glace aux trottoirs

De l'autre côté de la nef, dans la galerie de gauche, l’exposition aborde la notion de glisse dans une vision large. Les sports d’hiver (alpinisme, patinage, ski) sont à l’origine d’innovations techniques et d’une acceptation progressive du pantalon dans le vestiaire féminin : du sweater Hermès des années 1930 à la combinaison de moniteur de ski du Club Med des années 1980. Le surf et le skateboard, contre-cultures de la seconde moitié du XXe siècle, sont associés à des styles vestimentaires spécifiques, vite repris par le luxe, comme le montre ici une combinaison de surf couture.

Dans les salles de sport, des personnalités comme Veronique et Davina incarnent cette mouvance, importée des Etats-Unis. Les survêtements, à l’origine destinés à l’entraînement, intègrent peu à peu les habitudes citadines, à la fois dans le mouvement hip-hop et déclinés par les maisons de luxe, telle Sonia Rykiel. Tout comme les baskets qui se transforment en sneakers : de la Stan Smith aux chaussures les plus prisées par les collectionneurs.

Couleurs et logos

L’accent est mis sur les rôles des couleurs et des logos dans la mode, du bleu de l’équipe de France à l’utilisation des nuances fluo. La logo mania est illustrée par un polo Lacoste imaginé par les frères Campana, entièrement composé de logos crocodile cousus les uns aux autres.

Le sportswear, nouvelle norme

Dans la seconde moitié du XXe siècle, le sportswear prend de plus en plus de place dans la garde-robe, masculine et féminine. Les couturiers sont extrêmement liés aux compétitions sportives. Certains sportifs-stylistes ont, comme René Lacoste, commencé leur carrière sur les terrains avant d’arriver sur les podiums - Emilio Pucci comme membre de l’équipe olympique italienne de 1936 ou Ottavio Missoni, champion du monde du 400 mètres. D’autres se sont investis aux plus hauts niveaux du sport en signant les uniformes des JO, d’André Courrèges à Issey Miyake, en passant par Balmain ou Lanvin.

Le sportswear connaît un véritable essor dans les années 1980 et 1990, grâce à un nouvel idéal corporel lié à la pratique de la musculation et de l’aérobic.

Sport et couture

Changement d'ambiance avec la section présentée dans la nef centrale qui se métamorphose en une piste d’athlétisme. Elle est surplombée dans les airs de cinq anneaux colorés lumineux rendant hommage à l’Olympisme et des photographies montrent de célèbres sportifs devenus égéries de mode.

Ces mannequins semblent dans les starting-blocks avant de défiler vêtus des créations des maisons de couture, qui ont puisé leur inspiration dans la richesse et la diversité du monde sportif : motifs d’un ballon de football pour Comme des Garçons ou Paco Rabanne, blouson de base-ball chez Off-White… On découvre comment les sportifs ont apporté la mode sur le terrain, comme Serena Williams ou André Agassi et leurs incroyables tenues sur les courts de tennis ou la patineuse Surya Bonaly avec son justaucorps signé Christian Lacroix.

Au fond de la nef, des podiums mettent en lumière les collaborations entre les grands équipementiers du sport et les maisons de couture : en 2003, la ligne Y-3, issue de la collaboration entre Adidas et Yohji Yamamoto, est pionnière avant d'autres associations (Lacoste et Freaky Debbie, Gucci et Adidas, Balmain et Puma...). Sur leur gradin, les spectateurs assistent aux évènements sportifs habillés avec soin : de l’élégante robe portée aux courses hippiques en 1900, au maillot du RC-Lens des supporters de l’équipe de football.

Exposition Mode et sport, d’un podium à l’autre jusqu'au 7 avril 2024. Musée des Arts Décoratifs. 107, rue de Rivoli. 75001 Paris.