Cet article date de plus de sept ans.

Birmanie : des créateurs de mode dans les pas d'Aung San Suu Kyi

En Birmanie, où se multiplient les usines produisant des T-shirts standardisés pour des marques internationales, des créateurs de mode locaux revisitent la mode traditionnelle, popularisée à l'étranger depuis Aung San Suu Kyi, Prix Nobel de la paix en 1991.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (YE AUNG THU / AFP)

Moderniser sans dénaturer 

Dans sa petite boutique du centre de Rangoun, capitale économique birmane, Pyone Thet Thet Kyaw met au point ses créations féminines aux coupes modernes mais aux motifs traditionnels.

La Birmanie fait figure d'exception en Asie du Sud-Est : le port des habits traditionnels, notamment les jupes longyi (pour les hommes comme les femmes) restent répandu dans le pays, y compris parmi les jeunes banlieusards de Rangoun. 

  (YE AUNG THU / AFP)
"Nous les Birmans, nous sommes très attachés à nos habits traditionnels et ethniques", explique la jeune femme, dans le brouhaha des machines à coudre de son atelier. "Mais quand vous modernisez les habits traditionnels et leurs motifs, il faut faire attention à ce qu'ils ne soient pas trop flashy ou modernes", ajoute celle qui vend ses créations essentiellement à des européennes de passage à Rangoun.            

La mode aux pas des militaires  

La perpétuation du longyi tient beaucoup à l'isolement du pays pendant des décennies par une junte militaire qui se méfiait des intrusions du monde occidental et de ses symboles comme les jeans. 

Une autre créatrice birmane, Ma Pont, se souvient du temps où, sous la junte, elle créait des habits pour les actrices jouant dans des séries à la télévision, alors toutes contrôlées par les militaires. Pas question de montrer leurs épaules : "Nous n'étions pas vraiment libres", ajoute-elle.        

Aung San Suu Kyi, icône de mode 

Aujourd'hui, alors que le pays s'est ouvert sur le reste du monde depuis 2011 et est dirigé par un gouvernement civil mené par Aung San Suu Kyi, il reste encore mal vu, au petit écran comme dans la rue, d'exhiber épaules et genoux.

Aung San Suu Kyi, qui n'apparaît vêtue que d'un longyi et d'un anyi - chemisier ajusté qui accompagne souvent la jupe portefeuille - a beaucoup fait pour populariser le vêtement. Pendant ses années de dissidence, elle était déjà une icône de mode pour ses concitoyennes, qui demandaient en secret à leur tailleur d'imiter ses longyis. 

Lorsqu'elle fut libérée en 2010, après 15 ans en résidence surveillée, son habit mauve marqua les esprits : les longyis mauves ont fait alors fureur. Encore aujourd'hui, dans les centres commerciaux, flambants neufs, dominent les rayons de longyis traditionnels. Mais les enseignes de vêtements occidentaux sont aussi présentes - même si l'essentiel de cette production est destinée à l'exportation.

Aung San Suu Kyi lors de sa libération le 13 novembre 2010
 (STR / AFP)

Adoucir les conditions de travail

Avant d'ouvrir sa boutique, la créatrice Pyone Thet Thet Kyaw a vécu de l'intérieur le boom industriel du secteur textile de masse : adolescente, elle a été ouvrière dans un gros atelier de confection. "Cela m'a permis de voir certaines choses, comme le fait de n'avoir que dix minutes pour la pause déjeuner ou ne pas pouvoir aller aux toilettes parce que cela pourrait interrompre la ligne de production", témoigne-t-elle.

Aujourd'hui trentenaire, elle a tiré de cette expérience la volonté de faire travailler sa dizaine de couturières dans de meilleures conditions. "Si la confection marquée par la rapidité et l'absence d'éthique se poursuit, nous serons ceux qui souffrent", déplore t-elle en évoquant la condition des ouvriers textile du pays tout entier.

  (YE AUNG THU / AFP)

Les géants textile très présents en Birmanie          

Les géants de l'industrie textile mondiale comme H&M ou C&A produisent de plus en plus en Birmanie, attirés par une main-d'oeuvre encore moins chère qu'au Vietnam. Les exportations du secteur textile birman ont plus que doublé en 2016, passant à près de 1,5 milliard d'euros. Mais le secteur textile s'est développé en l'absence de tout garde-fou législatif et des ONG internationales comme SOMO appellent le gouvernement birman à "une action urgente", notamment pour que soit mise en place une meilleure protection des salariés.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.