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Comment j'ai appris à m'intéresser à la Fashion Week

Plus de 90 défilés sont organisés dans la capitale jusqu'au 11 mars. Notre envoyé spécial à la Fashion Week, profane en la matière, a tenté de comprendre l'engouement dont ils font l'objet.

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des mannequins patientent en coulisse avant le défilé de la marque DÉVASTÉE, mardi 3 mars 2015 lors de la Fashion Week de Paris. (GONZALO FUENTES / REUTERS)

Autant l'avouer tout de suite : l'univers de la mode et de ses défilés, avec leur lot de regards blasés et de pas cadencés, n'ont jamais éveillé chez moi un attrait particulier. Côté vêtements, j'ai plutôt tendance à me tourner vers H&M que vers Balenciaga. Cela constitue en soi une bonne raison pour aller faire un tour dans les défilés organisés à partir du mardi 3 mars à Paris, dans le cadre de la célèbre Fashion Week. Et espérer apprendre les codes de ce milieu avec ceux qui ne ratent pas une édition.

La journée commence à l'Institut du monde arabe, dans le 5e arrondissement, où deux défilés sont organisés à deux heures d'intervalle. Le coup d'envoi du marathon est prévu au neuvième étage, où Christine Phung, créatrice de mode française de 36 ans, présente sa collection automne-hiver 2015-2016. Le responsable de la communication, lunettes à larges montures et veste de costume bleue impeccable, me désigne dans un grand sourire une chaise du deuxième rang où personne n'a encore pris place.

"Entre élégance stricte et sportswear"

Je m'assieds et profite de mes quelques minutes d'avance pour consulter un tract expliquant que je dois m'apprêter à voir défiler devant moi "un vestiaire entre élégance stricte et sportswear, à la fois architecturé, fluide et coloré". Très bien. Quelque chose me perturbe pourtant : alors qu'une trentaine de personnes se sont installées debout, derrière moi, une seule se trouve assise sur ma rangée. Elle est rapidement rejointe par une quinzaine d'autres, toutes tirées à quatre épingles. Au milieu de tous ces vêtements sans doute hors de prix, je panique dans mon pull Gap acheté en soldes. Je remballe mes affaires et rejoint la petite troupe restée debout derrière les chaises. Un grand "chuuuuuuuut" retentit : le défilé commence.

Pendant une dizaine de minutes, des mannequins avancent sur une musique techno tantôt aérienne, tantôt saturée de basses qui font trembler les murs de l'Institut. Au bout de la piste, les photographes de mode poussent des cris pour protester lorsqu'un invité se penche et obstrue leur chant de vision. Je suis bien incapable d'émettre une opinion sur les robes et manteaux qui passent sous mes yeux. En face de moi, le public semble plus aguerri, et inspecte les mannequins avec un visage souriant ou sévère, selon les modèles présentés. 

Le show se termine par un tour de piste éclair de Christine Phung sous les applaudissements. Je quitte la salle un peu déboussolé, avant de descendre les escaliers pour atteindre le septième étage, où la jeune créatrice Léa Peckre présente sa collection.

"Vous n'auriez pas dû vous lever !"

Dans le couloir, je rencontre Mario, un Boulonnais de 25 ans qui a créé il y a quelques mois son magazine de mode sur internet. Le récit de mon moment de malaise lors du défilé l'amuse. "Vous n'auriez pas dû vous lever ! sourit-il. C'est vrai qu'on peut avoir l'impression que ce genre d'évènement ressemble à un concours de style, mais il ne faut pas s'y fier. Les attachés de presse installent les invités en fonction de leur statut. S'ils jugent que vous devez être assis, c'est que c'était votre place." Lui explique être venu avec "un regard artistique", pour repérer de nouvelles pièces à intégrer à la prochaine édition de son magazine, mais compte tout de même distribuer des cartes de visite pour faire connaître son travail.

Mario, créateur d'un magazine de mode sur internet, mardi 3 mars 2015 à l'Institut du monde arabe à l'occasion de la Fashion Week de Paris. (VINCENT MATALON / FRANCETV INFO)

Requinqué, je pénètre dans la grande salle où se tient le deuxième défilé. On m'explique que je serai "standing", c'est-à-dire installé debout derrière les invités plus prestigieux. Mes deux voisines, Solène et Vanille, sont deux étudiantes âgées de 21 ans. Depuis leur arrivée à Paris pour suivre un cursus de stylisme il y a un an et demi, elles font leur possible pour assister à un maximum de défilés, en s'y présentant le plus souvent sans invitation. "On y trouve de l'inspiration pour notre travail, surtout chez les jeunes créateurs. Il est toujours intéressant de s'imprégner de leur univers", explique Vanille, qui ajoute que "voir autant de personnes bien habillées au même endroit [lui] fait du bien".

Le défilé débute sur une musique psychédélique, et j'ai toujours autant de mal à me faire une opinion sur les longs vêtements qui passent devant mes yeux. Vanille tente de m'aider. "Le plus beau, dans cet univers, c'est quand tu es ému aux larmes pendant un défilé." Est-ce le cas pour elle cette fois-ci ? "Oh non ! Il y a un beau travail technique sur les matières et les coupes, mais côté émotion…" Tant pis.

 

"Trouver des opportunités de travail"

Dernière étape de ma journée : la présentation de la nouvelle collection de DÉVASTÉE (les majuscules semblent importantes) dans le 10e arrondissement. Au pied du grand hangar où est organisé le défilé, d'autres étudiants espèrent être suffisamment bien habillés pour entrer sans être inscrits sur les listes. Pour eux, la partie s'annonce difficile : à l'intérieur, pas de "standing", tout le monde ou presque doit prendre place sur les longs bancs disposés dans la salle. Pendant le show, ma voisine originaire du Canada, venue alimenter son blog mode, lâche régulièrement des "so cute !" ("tellement mignon !").

Fashion Week : collection automne-hiver DÉVASTÉE (VINCENT MATALON / FRANCETV INFO)

Ce qui se produit ensuite m'intrigue. Plusieurs photographes entourent un très beau jeune homme venu assister au défilé. Daniel, 21 ans, sourit poliment lorsque l'un d'entre eux lui lance qu'il ferait mieux de déménager à Los Angeles. Cet employé d'une boutique de vêtements arrondit ses fins de mois en faisant du mannequinat. "Un évènement comme la Fashion Week ramène toujours beaucoup de monde, de pays très différents", explique-t-il.

Daniel, 21 ans, mardi 3 mars 2015 après le défilé organisé par DÉVASTÉE dans le cadre de la Fashion Week de Paris. (VINCENT MATALON / FRANCETV INFO)

Ce rendez-vous, qu'il ne rate pas depuis plusieurs années maintenant, lui permet surtout "de trouver des opportunités de travail et de distribuer [sa] carte de visite". Il a tout intérêt à en avoir en stock : plus de 90 défilés sont prévus jusqu'au 11 mars.

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