Cet article date de plus de dix ans.
Bettina, mannequin des années 50, dans le viseur des plus grands photographes
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié le 17/11/2014 11:33
Mis à jour le 06/12/2016 06:30
Muse des couturiers Hubert de Givenchy et Jacques Fath, pommettes hautes et taches de rousseur, Bettina a été le mannequin français vedette de l'après-guerre. Une exposition lui rend hommage à travers les yeux de grands photographes. RDV à la Galerie Azzédine Alaïa à Paris jusqu'au 11 janvier 2015.
Jean-Philippe Charbonnier / Gamma Rapho
Bettina passe les premières années de sa vie à Rouen en haute Normandie, élevée, par sa mère institutrice. Des années difficiles de la guerre, où elle a frôlé la mort, Bettina sort indemne avec un caractère affirmé. Un jour au cinéma, voyant Janine Charrat danser "La Mort du cygne", elle décide de devenir danseuse. Elle travaille la danse avec une amie. Elles font une apparition lors d’une fête de patronage. Bettina est remarquée par une danseuse américaine qui lui enseignera le travail à la barre et les claquettes. À 18 ans, elle part vivre à Paris où habite sa sœur Catherine, décidée à devenir dessinatrice de mode. Elle obtient un rendez-vous chez Jacques Costet. Le jeune couturier qui la reçoit, vêtu façon élégance zazoue, est moins intéressé par ses dessins que par elle-même. Il lui demande de passer une robe. Elle éblouit par son naturel et son allure. Ce seront 12 années d’une réussite fulgurante. Le public est ravi de son manque d’expérience, de son côté rafraîchissant. Sa bonne mine, ses joues rondes, ses taches de rousseurs, sa grâce innée, tout séduit les clientes.
(Jean-Philippe Charbonnier / Gamma Rapho)
Ses premières photos remontent à la période Costet. Les frères Seeberger l’introduisent dans le monde de l’image. Puis, elle rencontre Benno Graziani et part vivre un an à Juan-les-Pins. En décembre 1946, retour à Paris où ils se marient. Un rendez-vous est pris chez Lucien Lelong. En allant se présenter dans le bureau du couturier, elle rencontre un homme jeune qui l’aborde timidement : « Si M. Lelong ne vous prend pas, moi, je vous engage car je vais ouvrir ma maison de couture. » C’était Christian Dior. Après Lelong, son choix se porte sur Jacques Fath. C’est Fath qui la baptisera Bettina. Dans ces années-là, les mannequins étaient attachés à un couturier. Dès sa première présentation de collection, Jacques Fath crée pour elle une trentaine de robes aux lignes simples, un style destiné aux femmes plus proches de celles que l’on rencontre dans la rue. Le style de Bettina est fait de naturel et de fraîcheur, d’allure, de gaieté et d'élégance. Elle devient sa muse. Il arrive qu’elle lui suggère des idées et il en tient compte.
(Robert Doisneau / Gamma Rapho)
Bettina est sollicitée par les magazines de mode. Jean Chevalier, l’un des photographes du moment, est aussi D.A. du journal Elle, qu’a créé et que dirige Hélène Lazareff. Il lui présente Bettina. Elle lui donne sa première couverture. Hélène Lazareff l'invite à son déjeuner du dimanche qui rassemble les célébrités du moment. Bettina va connaître là les plus grands talents de la politique, des arts, des lettres et de la mode. Elle devient en quelques mois la première cover-girl de France. Le magazine Vogue llui consacre ses couvertures. Elle apprend à servir de son visage et à utiliser tous les secrets du maquillage : elle passe des heures à se transformer, se créant une image sophistiquée.
(Emile Savitry)
Fath mettra le dernier coup de pinceau à sa nouvelle image en l’envoyant chez Georgel, le salon de coiffure le plus réputé de l’époque. Bettina ressort avec des cheveux à un centimètre. Paris-Match fait aussitôt un reportage sur « la Française la plus photographiée de France », et elle instantanément imitée par des centaines d’admiratrices. Bettina lance une nouvelle mode et Fath crée sa fameuse série de blouses fermées par une rose.
(Willy Rizzo)
Tous les plus grands photographes de le monde se la disputent : Irving Penn, Dick Dormen, Norman Parkinson, Erwin Blumenfeld, Henry Clarke, Gordon Parks, Jean-Philippe Charbonnier… jusqu’à Henri Cartier-Bresson. A 22 ans, elle est devenue le plus célèbre des modèles. Invitée aux États-Unis par Vogue à la demande d'Irving Penn, Bettina entre dans l'agence d’Eileen Ford, en 1950. En Amérique, aucune improvisation ! Rigueur et discipline ! De retour à Paris elle quitte Benno. Bettina est libre et adulée. Son nouvel amour, un éditeur, lui fait découvrir un nouveau Paris où elle rencontre éditeurs et écrivains : Gaston Gallimard, Louis Guilloux, Faulkner, Kessel, Simenon, Genet et Prévert, qui écrira sur elle un poème pour un reportage que L’Album du Figaro confiera en carte blanche Bettina comme rédactrice en chef. Elle voyage beaucoup pour son travail et pour son plaisir, avec son ami éditeur qui lui fait découvrir l’Italie. Il la guide dans ses lectures et la musique.
(DR)
En 1952, elle entre chez Hubert de Givenchy. Elle défile mais s’occupe aussi de ses relations publiques. Bettina renoncera à ses photos pour se consacrer au couturier. Lorsqu’il l’emmène à New York, où elle présente ses modèles comme mannequin mais fait aussi office d’attachée de presse au cours du bal de bienfaisance April in Paris, qui a lieu au Waldorf Astoria, le réalisateur Edward R. Murrow lui propose de travailler pour la télévision et un producteur de cinéma lui offre un contrat à Hollywood. C’est pour elle l’occasion de découvrir le monde du cinéma, des acteurs, metteurs en scène et producteurs.
(Georges Dambier)
L’année 1955 marquera le sommet de sa carrière. Les photos de Bettina sont dans la presse du monde entier. C’est à cette époque-là qu'elle rencontre l’amour de sa vie et pour lui, elle abandonne les maisons de couture et cesse de poser pour les magazines. En 1969, Coco Chanel lui demande de poser pour une collection qu’elle va inspirer puis c’est Emanuel Ungaro qui l’appelle pour s’occuper de sa couture… Bettina aime la mode ; elle suit ou la précède, depuis toujours. Reconnaissant d’instinct le talent des couturiers, celle qui porte aussi bien Balenciaga, Chanel, qu’Yves Saint Laurent a très tôt jeté son dévolu sur Azzedine Alaïa, l’un des rares talents incontestés de notre époque, qui l’habille depuis quelques années.
Exposition "Bettina" jusqu'au 11 janvier 2015. Galerie Azzedine Alaïa. 18, rue de la Verrerie. 75004 Paris.
(The Gordon Parks Foundation)
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