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Une deuxième rentrée littéraire : pour quoi faire ?

A peine sortis de la rentrée littéraire d'automne, de son tourbillon de parutions, sanctionnés par les prestigieux prix littéraires, que nous revoilà partis pour un tour. Car oui, à la première rentrée littéraire d'août-septembre succède une deuxième, celle de janvier-février. Quel est l'intérêt de cet énième rendez-vous littéraire ?
Article rédigé par Manon Botticelli
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Librairie L'écume des pages à Paris.
 (20/09/2017)

Dans la librairie Fontaine, à côté du métro Duroc, les boules de Noël ornent encore les vitrines. Ce 27 décembre au matin, les clients font emballer leurs achats, d'autres sont à la recherche d'un livre "pour ce soir". Noël n'est pas tout à fait terminé dans cette librairie du 7e arrondissement de Paris. Pourtant, les beaux livres laisseront bientôt leur place aux nouveautés de la rentrée littéraire de janvier.

Animer les rayons après Noël

La rentrée littéraire, en France, on connait bien. Celle d'automne fait figure de grand rendez-vous médiatique, avec pour point d'orgue les prestigieux prix d'automne (Goncourt, Renaudot, Femina …). C'est un phénomène essentiellement francophone, qui naît à la fin du XIXe siècle et se développe après la Seconde Guerre mondiale. En cause, l'augmentation du nombre d'éditeurs et de parutions. "Pour les éditeurs, il y a un besoin de faire parler du livre, car l'actualité, dominée par les faits divers, laisse peu de place à la littérature", explique Jean-Yves Mollier, professeur d'histoire à l'université de Versailles et spécialiste de l'édition. Ces événements se sont aussi développés à la demande de la presse et des auteurs, qui profitent de cette ébullition. Pour ces derniers, une publication en septembre peut ouvrir la voie à un prestigieux prix. "Cela suscite même une angoisse chez les auteurs qui pensent qu'on ne les soutient pas si on ne les publie pas en septembre", explique Jean-Marie Laclavetine, éditeur chez Gallimard et auteur.

Après celle d'automne, une seconde rentrée littéraire s'est peu à peu installée dans le paysage français. "Depuis environ une vingtaine d'années", estime Marion Mazauric, directrice des éditions Au diable vauvert. Selon Jean-Yves Mollier, les origines de cet événement sont anciennes : "Traditionnellement, on offrait des livres aux enfants pour les étrennes", explique-t-il. Ce rendez-vous est revenu récemment avec une dimension commerciale : "pour combler une période de creux dans l'agenda de l'édition, rythmé par le trio rentrée d'automne – Noël - livres de plage", explique Bertrand Legendre, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 13, également spécialiste de l'édition. "Après les nouveautés de l'automne, les libraires font la place aux beaux livres pendant la période des fêtes de fin d'année et rebattent les cartes", indique Marion Mazauric. "On a donc eu besoin d'animer les rayons littérature avec des nouveautés après Noël", poursuit-elle.

On vend plus en automne mais moins longtemps

Plus récente, la rentrée littéraire d'hiver est aussi moins connue : le Goncourt est encore loin, l'attention médiatique un peu moindre. "On vend moins de livres car les clients connaissent moins cette rentrée", nous dit-on à la librairie Rive Gauche à Lyon. Il y a également moins de publications en hiver : cette année, 493 romans contre 567 en automne. Au sujet des ventes, Camille, qui officie à librairie Fontaine, tempère : si les prix ne sont pas là pour doper la visibilité, le succès dépend surtout des écrivains présents dans les catalogues. "Pour la rentrée d'automne, nous n'avons pas eu d'auteurs qui se sont réellement démarqués", explique-t-elle. "En revanche, pour la rentrée d'hiver, le nouveau livre de Michel Houellebecq, 'Sérotonine', est très attendu et on sait d'ores et déjà qu'il va très bien se vendre", explique la libraire.
Le nouveau roman de Michel Houellebecq, "Sérotonie", est l'événement de la rentrée littéraire de janvier 2019.
 (EFE/SIPA)
Aux éditions Au diable vauvert, on observe que les livres parus en janvier-février ont globalement une espérance de vie plus longue sur les étagères des librairies : "on vend très fort à l'automne mais jusqu'à Noël, alors qu'en publiant en janvier on a toute une année pour 'travailler' les publications", explique Marion Mazauric. De plus, si les livres ne décrocheront pas un prix à l'automne, beaucoup de nouvelles récompenses se sont créés et couronnent des livres publiés au premier semestre, comme le prix Orange du livre.

"Respecter le temps des livres"

La rentrée d'hiver, un nouveau rendez-vous littéraire à part entière ? Pas vraiment. Cette deuxième rentrée littéraire s'inscrit dans un calendrier éditorial rythmé par de multiples événements. "La promotion des livres se cale sur des temps forts comme les rentrées, les prix mais aussi les salons ou des fêtes comme Noël ou la Saint-Valentin", poursuit la directrice des éditions Au diable vauvert.

Chez Gallimard, la rentrée n'est pas vue que d'un bon oeil. Pour Jean-Marie Laclavetine, elle se fait au détriment de beaucoup d'auteurs : "c'est bien, mais pour ceux qui arrivent à sortir la tête de l'eau". Car dans la vague de publication des rentrées, peu nombreux sont les auteurs qui parviennent à se démarquer. "C'est pour cela que nous aimerions que les prix littéraires soient mieux répartis, ou que les jury acceptent des livres publiés en janvier", plaide-t-il. Pour Marion Mazauric, il faut savoir s'émanciper de ces événements, "respecter le temps des livres, et publier les ouvrages avant tout quand ils sont prêts."

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