Un "tirage spécial" dans la Pléiade pour les 40 ans de la mort de Malraux
"Tout lecteur qui a abordé son oeuvre par les romans, les écrits sur l'art ou le +Miroir des limbes+ (les Antimémoires, ndlr), a peine à imaginer que Malraux soit aussi l'auteur du 'Royaume-Farfelu' et de quelques autres textes de la même veine", concède Henri Godard qui signe la préface du volume. "Il avait pourtant commencé par eux. Surtout, l'inspiration que manifestaient ces petits textes était destinée à ne jamais disparaître de l'oeuvre. Sous d'autres formes, elle y resterait sensible jusqu'à la fin".
Malraux essayiste, penseur des arts, politique, orateur ...
L'oeuvre complète d'André Malraux est publiée depuis longtemps (en six volumes) dans la prestigieuse collection de la Pléiade chez Gallimard mais ce "tirage spécial", publié à l'occasion du 40e anniversaire de la mort de l'écrivain (le 23 novembre 1976), permet de retrouver toutes les facettes de son oeuvre. Le romancier y côtoie l'essayiste, le penseur des arts (cinéma, peinture, sculpture, littérature), l'"antimémorialiste" et l'orateur.Mais "quels que soient le genre et le domaine auxquels Malraux se consacre, la réflexion sur la condition de l'homme demeure au coeur de ses écrits", fait remarquer la Pléiade dans un avertissement aux lecteurs. Outre "Royaume-Farfelu", court récit publié en 1928, le volume contient donc évidemment "La condition humaine" (1933), sans doute le texte le plus connu de Malraux. "Ce pourrait être le titre de l'oeuvre tout entière", souligne Henri Godard. L'ultime roman écrit par Malraux, "Les Noyers de l'Altenburg"(1948), trop peu ou trop mal connu, figure également dans le volume.
Pour rendre compte du "Miroir des limbes", le texte retenu est celui que Malraux lui-même avait choisi, en 1976, pour refermer cette fresque: "Lazare". Ce dernier texte absolument poignant, où Malraux raconte son hospitalisation pour une atteinte du système nerveux central, est différent de celui publié dans les oeuvres complètes de l'auteur.
Les lecteurs retrouveront le texte de "Lazare" dans son édition originale de 1974 et qui n'avait jamais été republié (y compris en poche) depuis. Le Malraux politique et le Malraux de l'Histoire sont au rendez-vous. On lit avec une émotion intacte le beau texte de 1954 consacré à Saint-Just (extrait du "Triangle noir", 1970) et l'on croit entendre, mêlée au bruit du vent, la voix reconnaissable entre toutes de l'écrivain engagé en lisant le célèbre discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon (1964).
La profonde unité d'une oeuvre
Presque dix ans après cet événement, lisant son discours de 1972 "pour la commémoration des maquis", on s'aperçoit que Malraux, "colonel Berger" dans la Résistance, n'a rien perdu de sa fougue quand il s'agit d'honorer les combattants de "la France en haillons". On trouve également des écrits sur l'art comme le portrait de Goya (1947) extrait du "Triangle noir" et une fantastique "Esquisse d'une psychologie du cinéma" (1946). Il y a surtout le discours fondamental que Malraux prononça à la Sorbonne lors de la session inaugurale de l'Unesco en 1946:"L'homme et la culture artistique" et celui qu'il prononça en 1973 pour l'inauguration de l'exposition "André Malraux et le Musée imaginaire" de la Fondation Maeght. Le volume (1.184 pages) contient aussi l'introduction illustrée à "La métamorphose des Dieux" où Malraux aborde les arts du monde entier à travers les siècles et des préfaces rédigées pour des oeuvres comme "Sanctuaire" de William Faulkner ou "Le journal d'un curé de campagne" de Georges Bernanos. "Quarante années ont passé depuis la mort de Malraux, où en sommes nous avec l'écrivain?", se demande Henri Godard. L'intérêt de cette édition est de montrer la profonde unité d'une oeuvre. On y retrouve les interrogations intemporelles "que chacun se pose pour son compte".
"André Malraux - La Condition humaine et autres écrits", La Pléiade,Édition de Michel Autrand, Philippe Delpuech, Jean-Michel Glicksohn, Marius-François Guyard, Moncef Khémiri, Christiane Moatti et François de Saint-Cheron. Préface d'Henri Godard
Parution le 22 Septembre 2016 Bibliothèque de la Pléiade 1184 pages, 55 € prix de lancement)
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