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Festival du livre : au "Paris Book Market", le très profitable speed dating des éditeurs français et internationaux

Les 21 et 22 avril, la première édition du Paris Book Market a pris place rue de Turenne, dans le cadre du Festival du livre. Près de 300 éditeurs français et étrangers se sont retrouvés pour discuter littérature et droits d’auteur.

Article rédigé par franceinfo Culture - Jérémie Laurent-Kaysen
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Paris Book Market, le 22 avril 2022. (NICOLAS ROCHE)

“C’est une vraie ruche ici !”. Nicolas Roche, président du Bureau International de l’Edition Française (BIEF) sourit en portant sa tasse de thé à ses lèvres. Autour de lui, plus d'une centaine de petites tables carrées blanches et des discussions animées. C’est la première fois depuis la création du Salon du livre de Paris (en 1981 par Jack Lang), aujourd'hui renommé "Festival du livre", que le Paris Book Market a lieu : pendant deux jours, plus d’une centaine de maisons d’édition françaises vont rencontrer des éditeurs internationaux dans l’espoir de leur vendre les droits d’auteurs de leurs livres pour une potentielle traduction.

Sous la forme d’un speed dating, les responsables enchaînent des entretiens d’une trentaine de minutes, à la recherche de perles rares.

Paris Book Market, le 21 avril 2022.  (JEREMIE LAURENT-KAYSEN)

Faire concurrence à Bologne ou à Francfort

A l’origine de ce beau projet, Claire Mauguière, cheffe de projets : “Il y a toujours eu une présence internationale et des négociations au Salon”, nous explique-t-elle, “mais il n’y avait pas d’espace dédié à cette étape de la chaîne du livre. Les éditeurs échangeaient leurs contacts et se retrouvaient après, dans leurs locaux”. Habituellement, les maisons d’édition du monde entier se rencontrent pendant les trois grandes foires littéraires européennes : Bologne, Londres et Francfort.

Ce nouveau format du Festival parisien du livre vise à combler l'absence de telles rencontres en France. “C’est aussi une manière pour les petites maisons d’édition françaises de se faire connaître à l’étranger. Elles n’ont pas forcément les moyens de se rendre aux autres salons internationaux”, ajoute Claire.

De la cuisine à la SF

Les éditeurs ont répondu présent. Au total, 130 maisons d’édition françaises et 150 éditeurs étrangers ont accepté l’invitation. “Le français est, quand même, la deuxième langue la plus traduite au monde après l’anglais !”, vante fièrement Nicolas Roche, directeur du BIEF. “Et les étrangers sont aussi attirés par Paris évidemment, c’est une ville charmante”.

Ce premier marché du livre est généraliste. On y trouve de tout, du livre de cuisine au roman de science-fiction. Les éditeurs ont pu réserver des rendez-vous en amont pour optimiser au maximum leurs journées. “En deux jours, à peu près 2000 rendez-vous ont été planifiés”, confirme Claire Mauguière, en montrant de la main toutes les chaises occupées.

Paris Book Market, le 21 avril 2022. (NICOLAS ROCHE)

Des maisons de toute taille

Gallimard, Michel Lafon, Les Fourmis Rouges, Fleurus... Parmi les 130 maisons d’édition françaises présentes, il y a toutes les tailles. Patricia Roussel, responsable des droits d’auteur pour les éditions Calmann-Lévy (celles d’un dénommé Guillaume Musso, traduit dans plus de 40 pays…) enchaîne les entretiens depuis 9 heures du matin. Elle en a près d’une quarantaine, en deux jours. “Après ces deux années difficiles, je suis heureuse de pouvoir retrouver les éditeurs avec qui nous avons l’habitude de travailler”, nous explique-t-elle en attendant son prochain rendez-vous qui peut arriver d’une minute à l’autre. “Et j’en rencontre aussi des nouveaux !”.


Qui dit speed dating, dit séduction. Chaque éditeur a sa méthode pour convaincre son interlocuteur. “C’est beaucoup d'analyse. Personnellement, avant le rendez-vous, je regarde la ligne éditoriale de la maison d’édition pour avoir une idée des livres que je pourrais proposer”, ajoute-t-elle en ouvrant son catalogue de plusieurs centaines de pages. Patricia a rencontré des Polonais, des Roumains, des Portugais, tous très intéressés par sa large proposition d'ouvrages. Et ce qu’elle vend le mieux, ce sont les polars. “En revanche, les ouvrages humoristiques ne marchent jamais ! Ils font partie des livres qui sont très difficilement exportables”.

Petite déception, en revanche, concernant les maisons d’éditions asiatiques, friandes de la littérature française. Aucune n'a fait le déplacement à cause des restrictions sanitaires de leurs pays.

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Une traduction à 15 000 euros

A côté de Gallimard et de Hachette, certaines petites maisons d’édition essayent de se faire une place. Nathalie et Wendolyn sont venus représenter les Presses de Sciences Po. Ici des essais de Bruno Latour ou de Thomas Piketty. “C’est tout de suite moins facile de vendre un bouquin de sciences sociales qu’un livre jeunesse”, déclare Nathalie. “Aussi, nos traductions coûtent cher puisqu'il faut un traducteur qui s'y connaisse en sociologie ou en politique”. Pour ce type de traduction, elle indique qu'il faut compter entre 10 000 et 15 000 euros.

Wendolynn et Nathalie ont sept rendez-vous par jour. Elles vendent surtout des atlas et de courts essais. Leurs ouvrages sont beaucoup traduits entre autres en Espagne et au Liban, mais elles comptent sur ce marché du livre pour atteindre de nouvelles maisons et de nouveaux pays. “On choisit très scrupuleusement les maisons avec lesquelles on travaille. On a de plus en plus de mal à vendre en Chine, par exemple, surtout parce qu’il leur est arrivé de redessiner nos cartes. Lors d'une publication, il y a quelques années, ils avaient intégré Taïwan à la Chine dans l'un de nos atlas”, raconte Nathalie en faisant la moue. 

Le bilan de la première journée est aussi plus mitigé que celui des grandes maisons d’édition : “beaucoup de personnes enthousiastes mais on ne sait jamais ce que va donner la suite des négociations”.

Paris Book Market, le 21 avril 2022. (JEREMIE LAURENT-KAYSEN)

Eviter la censure

Assis sur une chaise haute dans un coin de la pièce, Erkurt Mehmet crayonne sa liste de rendez-vous. Il vient d’Istanbul et représente les éditions turques “Can enfant”. Amoureux de la culture française, il n’était pas venu à Paris depuis dix ans. “Je suis très content d’être là. Même si c’est un vrai marathon”, dit-il, en remontant ses lunettes. “J’ai découvert plein d’éditions françaises que je ne connaissais pas, qui ne viennent pas à Bologne ou à Londres. Je repars avec des dizaines de livres à lire”.

Erkurt est aussi traducteur, du français au turc. Il aime venir dans ce genre de salons pour vraiment choisir les ouvrages dont il souhaite s’occuper. “J’ai repéré de super ouvrages qui ne pourront jamais être publiés en Turquie malheureusement. Les livres ne peuvent pas parler de sexualité, de genre ou d'identité”, explique-t-il, déçu. “On ne serait pas sanctionné si on le faisait mais le livre serait censuré”. Erkurt a 25 rendez-vous programmés sur ces deux journées de course mais il repart déjà aujourd’hui avec un coup de coeur : les ouvrages de Jean-Claude Mourlevat - une découverte - publiés par Gallimard.

Après ces discussions, quelle est la suite ? Les éditeurs étrangers repartent avec une pile d'ouvrages à lire. S'ils leur plaisent, ils reprendront contact avec les maisons d'édition françaises pour négocier un contrat et trouver un traducteur. Un processus sur le long terme, qui peut prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. 

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