Salon du Livre à Paris : à l'honneur, le Maroc qui "nourrit l'imaginaire" de Tahar Ben Jelloun
Le Salon du Livre à Paris, du 24 au 27 mars, met le Maroc sur le devant de la scène. Sur franceinfo, l'écrivain Tahar Ben Jelloun évoque la littérature de son pays, "à l’écoute de l’environnement politique, social et culturel".
Le Salon du Livre à Paris a ouvert ses portes vendredi 24 mars, porte de Versailles. Jusqu'à lundi, il met le Maroc à l'honneur. Tahar Ben Jelloun, prix Goncourt en 1987 pour La Nuit sacrée, et l'un des écrivains marocains les plus connus, évoque sur franceinfo, la richesse et la singularité de la littérature de son pays.
franceinfo : Comment définir la littérature marocaine ?
Tahar Ben Jelloun : Un écrivain est d’abord le témoin de son époque, que l’on écrive en français ou en arabe. Ceux qui écrivent en arabe sont beaucoup plus nombreux. Presque 80% de la production éditoriale marocaine se fait en arabe. Je n’ai pas tout lu mais je me tiens au courant et les thèmes qui reviennent le plus souvent sont des thèmes sociaux, liés à la condition sociale, à la condition de la femme notamment. Certains thèmes abordent aussi de manière critique la question religieuse. Ce n’est pas forcément l’islam en soit, mais la manière dont l’islam est véhiculé, utilisé politiquement par certains. C’est une littérature sociale et pas une littérature pour faire triompher les angoisses de l’individu. Elle est à l’écoute de l’environnement politique, social, culturel du pays et pas à l’écoute de soi-même.
Comment expliquer le succès des témoignages sur les années de plomb et le succès par exemple d’Ahmed Marzouki sur le récit de son emprisonnement ?
C’est grâce à la presse arabophone. Dans les années 2000, elle a commencé à ouvrir des dossiers brûlants, notamment celui des prisons de Tazmamart. Le public marocain a été étonné et choqué par les livres parce qu’il ne savait pas réellement ce qui se passait, pendant ces années de plomb. Ensuite, grâce au roi Mohammed VI, tous les dossiers de la répression ont été ouverts et les victimes indemnisées. La porte s’est donc ouverte sur un long tunnel, le calvaire vécu par de nombreux Marocains, dont beaucoup sont morts.
Vous êtres francophone, quelle est la part de source arabe dans votre littérature ?
C’est tout mon imaginaire qui a baigné dans cette culture populaire, non pas la langue arabe classique, mais la langue dialectale, la darija, qui n’est pas écrite. Le Maroc me nourrit. Tous mes livres puisent dans ce Maroc-là. Même quand je parle d’immigration, que j’écris le livre Partir, sur tous ces jeunes qui quittent le Maroc pour aller travailler à l’étranger, ou qui raconte le retour au pays de l’ancienne génération retraitée. Ce Maroc-là, qu’il soit écrit en français, en arabe ou n’importe quelle langue, est présent dans la littérature.
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