"Pactum salis" : Olivier Bourdeaut signe un deuxième roman qui tranche avec "Bojangles"
Jean découvre un matin en arrivant dans son marais une Porsche rouge garée à l'emplacement qu'il réserve à son véhicule. "Son autoradio scandait, à un volume convenable, une musique électronique aussi incongrue qu'anachronique dans ce lieu qu'il rêvait encore moyenâgeux". Contrarié, Jean découvre un homme allongé sur son tas de sel, bavant, ronflant, et comble de tout, l'homme a uriné sur son sel. Une envie de meurtre le traverse, qu'il contrôle in extremis.
"Pactum Salis" (scellée dans le sel), cette improbable rencontre va donner naissance à une drôle d'amitié, qui oscille entre rivalité et complicité. Chacun s'aventure sur le terrain de l'autre : sur un malentendu Michel se laisse embaucher par Jean pour l'aider dans le marais. De son côté, Jean se laisse débaucher pour accompagner Michel dans ses virées nocturnes et alcoolisées. On navigue aussi dans le passé des deux hommes pour comprendre qu'ils ont en commun de traverser la vie dans une solitude qui leur pèse.
Suspense latent
Dans ce second roman, Olivier installe une ambiance de polar. Il brosse le portrait croisé de deux hommes que tout oppose. D'un côté un paludier misanthrope, travailleur, intransigeant, limite rabat-joie. De l'autre un agent immobilier opportuniste, escroc, flambeur, grossier. Le romancier joue sur le contraste et s'amuse à dérouler une histoire qui dévoile peu à peu la personnalité profonde de chacun des ses deux personnages et ce qui se joue derrière la façade.Même si on retrouve sa patte, un style tranché et vif, dans lequel il glisse ici où là son point de vue sur le monde qui va (ou ne va pas), Olivier Bourdeaut signe un second roman très différent de l'étourdissant "En attendant Bojangles", vendu à près de 500.000 exemplaires, traduit dans 30 pays, et multi primé (Prix RTL-Lire, Prix France Télévisions et prix du roman des étudiants France Culture-Télérama). Son roman a été adapté en bandes dessinées par Ingrid Chabert et Carole Maurel (Steinkis 2017), adapté au théâtre par la jeune Victoire Berger-Perrin, carton dans le Off d'Avignon la saison dernière, sans compter les projets d'adaptation au cinéma...
Comment rebondir après un tel succès ? Olivier Bourdeaut a choisi le contraste. Avec "Pactum Salis", il signe un second roman plus classique, plus calme, rythmé par les marées et baigné des lumières des marais, dans lequel il installe un suspense latent, qui tient le lecteur en haleine jusqu'au bout.
"Pactum salis", d'Olivier Bourdeaut
(Finitude – 256 pages – 18,50 € - Sortie le 4 janvier 2018)
Extrait :
Avec une vivacité folle et des gestes précis, il ramenait le gros sel vers lui. Il s'étonnait d'être aussi efficace. Le meurtre qu'il avait presque commis, ou plus justement sa non exécution, lui donnait une énergie quasi surhumain. Tandis qu'il évacuait sa tension par le travail de force, il prenait le temps entre chaque mouvement de regarder autour de lui. Il regardait le calme plus qu'il ne l'écoutait. Ce calme fait de plans d'eau lisses dépourvus de ridules malgré le vent puissant et chaud. Le vent haut. Le calme et sa géométrie paisible. Le calme de ces longues herbes inclinées, brouillonnes et emmêlées, qui dansaient silencieusement sur le remblais. Le calme de ces vols d'oiseaux au battement d'ailes muets. Jamais il n'avait trouvé ses marais aussi paisibles, aussi beaux. Puis, il lançait son las, ramenait en mouvements circulaires des ourlets de cristaux rosés qui se gonflaient et s'étoffaient en se rapprochant du bord. Il laissait derrière lui ces monticules de gros sel sécher et blanchir et s'attaquait méthodiquement à l’œillet suivant. Et ainsi de suite. Il accomplit ce matin-là avec plaisir, plus que d'habitude si tant est que ce soit possible, le travail qu'il s'était choisi. La première lotie achevée, il regarda sa montre. Non seulement il avait rattrapé son premier retard, ce retard traditionnel, ce retard rebelle qu'il mettait en scène pour en être son seul acteur et spectateur, mais il avait aussi comblé le second retard. L'imprévu de l'inconnu."
Extrait page 47 de "Pactum salis", d'Olivier Bourdeaut (Finitude)
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